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La semaine dernière, le Parti démocratique des peuples, HDP, a pourtant présenté son programme…
Petit aparté ; si, au Kedistan nous refusons de qualifier le HDP de “pro-kurde”, c’est parce qu’il s’agit d’une appellation très réductrice, faisant l’impasse sur les composantes sociales, politiques, écologistes, féministes, représentantEs des minorités, plus largement, qui, avec les Kurdes, constituent ce parti et en font une force unique et singulière. Et, on ne le répétera jamais assez… Par ailleurs, son programme démocratique s’adresse à l’ensemble de la Turquie et sa mosaïque de peuplement. Ce n’est pas pour rien qu’il s’appelle “Parti démocratique des peuples” et non du peuple !
Revenons donc à l’actualité du HDP, parti plus que “pro-kurde”…
A l’occasion de l’annonce de sa feuille de route, le HDP a appelé justement toutes les forces démocratiques du pays à s’unir, pour faire front contre le régime d’Erdoğan. Cette union des forces, suggérée par le HDP n’est pas une démarche électoraliste, politicienne, mais représente une réelle invitation, peut être celle de la dernière chance…
Cet appel, pourtant clair et nécessaire, est manipulé bien sûr sur les réseaux sociaux et par les médias pro-régime. Par ailleurs, les chaines de télé et la presse écrite sous le contrôle ou sous la menace du régime, n’offrent aucun espace de parole aux éluEs et représentantEs du HDP. Il est en effet consternant de voir des politiques de tous bords interpréter sur des plateaux télé, les prises de positions, les actes et appels du HDP, en son absence totale.
Devant cette mise en invisibilité, cette censure, Selahattin Demirtaş, l’ex coprésident du HDP, toujours emprisonné, a tenu à clarifier les termes de cet appel, via son compte Twitter, par le biais de ses avocats.
le HDP n’a fait aucune alliance secrète pour les élections locales, ni avec le CHP, ni avec İYİ Parti. Il a décidé tout simplement et unilatéralement, le soutien des candidats du CHP, dans certaines grandes villes, pour que la démocratie puisse progresser. Dans toutes les autres régions électorales, le HDP est entré dans le jeu d’élections avec ses propres candidats. Le HDP n’est pas une partie de “l’Alliance de la Nation”.
L’appel de l’alliance pour la démocratie du HDP n’est pas une complicité électorale, mais un appel à la raison commune, pour créer un avenir éclairé autour des principes de la démocratie.
Le HDP existe pour résoudre tous nos problèmes, y compris la violence, par la voie politique, et avec des méthodes pacifistes. Il fait ces appels pour résoudre tous les problèmes, de la question kurde à l’économie, de l’absence de justice au désespoir, jusqu’à la discrimination, avec usage de la raison commune.
Le HDP tire ses forces seulement du peuple, et il rend des comptes seulement au peuple. Pour cette raison, vous ne pouvez pas faire reculer le HDP, avec des attaques et des oppressions. Si, au lieu de voir le HDP comme “un ennemi”, vous essayiez de dialoguer avec, ce serait le salut pour toute la Turquie.
Et bien évidemment, en tant que HDP, nous devons constater nos manques, nos erreurs, avec sincérité, et exprimer clairement nos objectifs, nos propositions de résolution pour la population de la Turquie.
Après cet appel, le 15 juin dernier, le HDP a entamé une marche, intitulée “Marche de démocratie contre le coup d’Etat”. La marche a démarré par deux cortèges, depuis Edirne, la ville la plus au nord-ouest de la Turquie, et Hakkari situé au plus au sud-est. Elle se terminera le 20 juin, dans la capitale, Ankara.
Mais…
A peine commencée, la marche a subi l’ire du régime. A la première étape de la marche, à Silivri, district d’Istanbul, les marcheurEs étaient attenduEs par la police et les gaz lacrymogènes. Au moins 11 personnes, faisant partie de la marche ou de la foule rassemblée pour la soutenir, ont été arrêtées et placées en garde-à-vue.
Désormais, toute manifestation est interdite dans une dizaine de provinces qui se trouvent sur l’itinéraire de la marche. Pourtant, cette marche pacifiste a pour objectif de faire entendre la voix du HDP, muselé dans les médias, et d’aller au coeur de la population, pour tisser des liens avec les organisations, associations, et acteurs locaux…
La parole empêchée, n’est pas la seule oppression subie par le HDP. Il s’agit d’une véritable répression menée par le régime, par tous les moyens, allant jusqu’aux ignobles attaques et calomnies, ciblant le HDP, ses éluEs et représentantEs, ou encore ses soutiens et sympathisantEs, sur les réseaux sociaux, par la main de milliers de comptes ouverts pour ce faire…
Le 12 juin dernier, Twitter a fermé 7 340 comptes consacrés à amplifier les récits favorables à l’AKP et à soutenir Erdoğan.
Est-il utile de rappeler qu’une dizaine de députéEs, dont les immunités parlementaires ont été levées en 2016, croupissent dans les prisons turques ? Est-il utile de rappeler que, depuis des mois, les co-maires du HDP, éluEs avec les votes en très grands pourcentages, sont relevéEs de leurs fonctions, remplacéEs par des administrateurs affectés par le gouvernement, jetéEs en prison, et que tout leur travail populaire positif est ainsi anéanti ? Est-il utile de rappeler que, très récemment, le 5 juin, les mandats parlementaires des députéEs du HDP Leyla Güven et Musa Farisoğulları ont été révoqués, et qu’ils ont été aussitôt arrêtés ? Leyla Güven fut libérée 5 jours plus tard, mais Musa Farisoğulları est toujours derrière les barreaux, et les oppressions se poursuivent.
Est-il utile de rappeler qu’il s’agit d’un parti qui représente un électorat et a le soutien de 6 millions de femmes et d’hommes, ce qui en fait le troisième parti d’opposition ? Le fait de faire comme si le HDP n’existait pas, rejoint les méthodes et politiques monistes, négationnistes et maladives de la turcité, et donne place à la panoplie des négations névrosées de toute culture, langue maternelle, et peuples, autres que le “turc”, “bien heureux de l’être”.
L’histoire de la Turquie déborde de dissolutions et d’interdictions de partis de gauche et progressistes. Comme Hasan Cemal l’écrivait en suffoquant, dans cette récente chronique :
“N’accordez pas de droit de vie à l’opposition.
Asphyxiez les libertés, davantage.
Coupez totalement la voix et le souffle des Kurdes.
Allez, qu’attendez-vous ?
Fermez le HDP !”