Tan­dis que Zehra Doğan, libérée de prison en 2019, et pour­tant encore con­finée quelque part dans cette péri­ode de pandémie, con­tin­ue à créer pour les femmes kur­des, tan­dis que Nûdem Durak, chanteuse empris­on­née, voit un mou­ve­ment de sou­tien se dessin­er pour deman­der sa libéra­tion, des mil­liers d’anonymes sont con­finéEs dans les geôles turques…

Je vous envoie ce poème, écrit dans la douleur pour tous ceux et celles qui sont emprisonné.e.s, pour le peu­ple kurde” dit la poétesse Del­phine Durand

 

La fleur qui ne se met jamais en colère peut nous rendre la vie

 

J’ai bien ten­té de leur parler

Ils riaient

Et j’étais ani­mal hale­tant dans mille corps

Jetés en prison

Et ils pré­paraient déjà l’oubli de leur honte

Arrachant de nos ven­tres la roche et le désert

Détachant l’espoir de nos mem­bres pour faire l’inventaire

De nos enfants

Des bijoux enchan­tés du vivant

Et l’amour aux chevilles liées

Vous pou­vez rire

Mais ce que nous sommes

Va plus loin en se lacérant

Dres­sant nos cartilages

Loin de l’axe de mort

Nous rêvons si loin

Que vos armes tombent de vos mains

Et nous dérobons nos lam­beaux de chair

A vos dents de plomb

Nous sommes plus gravés de cicatrices

Que l’anneau de l’horizon

Nous aimons pour chaque bouche en sang

Pour chaque regard perdu

Nous implorons la tristesse

Si le ciel manque de rivières

Qu’il prenne mes bras

Et pour recoudre la mémoire

Voici la fleur qui ne se met jamais en colère

 

zehra dogan

Image à la une : (Détail du tableau ci-dessus)
Zehra Doğan. 2019, Lon­dres. Acrylique sur toile. (Ven­du – Col­lec­tion privée)


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Delphine Durand
Poétesse
His­to­ri­enne de l’art, mys­tique, poète, lais­sons au pluriel mag­nifique les mots de l’invisible… Del­phine est ontologique­ment présente dans la seule per­durable présence de l’art. Après des études de théolo­gie et de philoso­phie, elle choisit l’histoire de l’art mais son cœur ner­va­lien l’entraine vers des univers fan­tas­ma­tiques et sauvages, et enfin la poésie où nous sommes tous libres.