Qui d’entre vous n’a pas vu, lec­tri­ces et lecteurs, soit sur une pan­car­te, soit sur un cal­i­cot, ces por­traits de femmes, lors d’une man­i­fes­ta­tion. Tous les militant(e)s kur­des con­nais­sent l’histoire de ces femmes, et plus par­ti­c­ulière­ment pour l’une d’entre elles, Sakine Can­sız.

Voilà quelle était l’in­tro­duc­tion d’un arti­cle de juil­let 2016 sur Kedis­tan, pour don­ner la parole à un col­lec­tif de femmes kurdes.

Ces assas­si­nats, dont l’en­quête n’en finit pas d’être ré-ouverte en France, objet de toutes les pres­sions de l’Am­bas­sade de Turquie à Paris, deman­dent justice.

Comme il fut longue­ment dévelop­pé, avec force témoignages, lors d’une ses­sion en France du “Tri­bunal des Peu­ples”, ces assas­si­nats font par­tie des élim­i­na­tions ciblées d’op­posantEs hors de la Turquie, dans le cadre d’une guerre qu’elle mène hors de son ter­ri­toire con­tre les mou­ve­ments kur­des. D’autres cas fla­grants exis­tent en Europe.

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Un livre essen­tiel traite de ce sujet, écrit par la jour­nal­iste Lau­re Marc­hand, qui a mené de minu­tieuses recherch­es sur l’as­sas­si­nat des trois mil­i­tantes du PKK en France, en jan­vi­er 2013. Triple assas­si­nat au 147, rue Lafayette.


Aus­si, lorsqu’un doc­u­men­taire sur l’as­sas­si­nat de ces femmes mil­i­tantes est disponible, nous nous en faisons l’é­cho, d’au­tant qu’il a été vu déjà par des mil­liers de téléspec­ta­teurs et qu’il y a bien des choses à en dire.

Après avoir mis le film en ligne, nous l’avons revis­ité plus pro­fondé­ment en effet, et nous vous faisons part de nos réflex­ions ici.

Pour nous, ce doc­u­men­taire con­tient une somme d’in­for­ma­tions qui peu­vent, de notre point de vue, per­me­t­tre à un plus grand nom­bre de com­pren­dre les arcanes des assas­si­nats ciblés et des infil­tra­tions d’or­gan­i­sa­tions aux­quels se livrent les ser­vices de ren­seigne­ments de la Turquie. Etre naïfs face à cette guerre du ren­seigne­ment et la façon dont ils coopèrent avec les polices européennes n’est pas de mise. “La ques­tion kurde attire les mouch­es”. C’est une maxime que nous avons décou­verte au Kedis­tan même, au fil de ren­con­tres dou­teuses ces cinq dernières années.

Mais si le doc­u­men­taire apporte un regard, il n’en est pas moins cri­ti­quable sur beau­coup d’aspects.

Sa fausse volon­té “d’ob­jec­tiv­ité” d’abord…

C’est ce pré­texte qui fait don­ner la parole à l’av­o­cate de l’as­sas­sin à de très nom­breuses repris­es, pour jus­ti­fi­er sans doute qu’on la donne à celui des vic­times. Vous ver­rez par vous même que cette avo­cate n’a aucune crédi­bil­ité dans ses pro­pos au point qu’elle per­son­nalise la défense de son “client”, avec dés­in­vol­ture et dilet­tan­tisme, et, vis­i­ble­ment, une grande igno­rance des sujets con­cer­nant la Turquie et les Kur­des. Cette “objec­tiv­ité” se com­prend d’au­tant moins qu’une voix “off” émet en con­clu­sion du doc­u­men­taire un juge­ment par­faite­ment sub­jec­tif, celui-là, con­cer­nant une soit dis­ant “instru­men­tal­i­sa­tion” chaque année des assas­si­nats par la com­mu­nauté kurde “pour faire ren­tr­er l’ar­gent dans les caiss­es du PKK”. Rap­pelons que l’ob­jec­tif des man­i­fes­ta­tions annuelles et de “deman­der jus­tice”.

Ce doc­u­men­taire, de façon très fausse­ment dis­tan­ciée, par­le aus­si, rapi­de­ment, des événe­ments de 2015 au Kur­dis­tan, comme étant de fait de la respon­s­abil­ité essen­tielle des “jeuness­es du PKK” . Il tire ain­si le rideau sur l’ensem­ble des crimes de guerre com­mis par l’ar­mée turque. On recon­nait là l’in­ter­pré­ta­tion ten­dan­cieuse d’une bonne par­tie de la presse européenne, tou­jours actuelle, calquée à la fois sur des visions ori­en­tal­istes d’une Turquie européenne musul­mane et les posi­tions nation­al­istes kémal­istes clas­siques… Kedis­tan existe juste­ment pour, avec ses petits moyens, ten­ter de tor­dre le cou à ces dis­cours main­stream, qui débor­dent en per­ma­nence. Le film n’y manque pas non plus, sur l’analyse car­i­cat­u­rale et en pas­sant, des proces­sus en cours au Roja­va, dure­ment impacté aujourd’hui.

En bref, on peut con­stater une fois de plus, que der­rière “l’ob­jec­tiv­ité” se cache tou­jours le dis­cours dom­i­nant car­i­cat­ur­al, qui empêche d’avoir toute dis­cus­sion cri­tique, et fige les analy­ses en som­mant de choisir son camp.

Rap­pelons égale­ment que la phrase tarte à la crème “le PKK con­sid­éré comme ter­ror­iste” fait égale­ment par­tie de ces fauss­es objec­tiv­ités qui n’ont rien à faire dans une enquête sur un triple assas­si­nat politique.

Ce doc­u­men­taire, à mi-chemin, et ce n’est prob­a­ble­ment pas l’in­ten­tion pre­mière, jus­ti­fierait presque les poli­tiques “diplo­ma­tiques” de l’UE face au régime turc.

Si après cela vous avez encore l’en­vie de regarder ce film, avec la dis­tance cri­tique qui s’im­pose, il est vis­i­ble durant un mois.

Pour regarder sur Arte Replay : suiv­ez ce lien

 


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