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1• Le coronavirus agit aussi comme révélateur sociétal
2• La bulle financière dope l’effet du virus
3• Et puisque l'Etat insiste pour reprendre la main

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4• Anticiper, anticipation… cherchez le coronavirus

Le verbe anticiper dans la bouche d’un gou­ver­nant, à pro­pos du coro­n­avirus, est aujour­d’hui soit une fausse excuse, soit un men­songe, soit un élé­ment de lan­gage pour mas­quer une antic­i­pa­tion néfaste d’un futur proche.

Le monde cap­i­tal­iste n’a tou­jours anticipé que ses prof­its et seule­ment oeu­vré pour que l’hu­man­ité qui y tra­vaille soit suff­isam­ment la tête hors de l’eau pour respir­er, et cela depuis plusieurs siè­cles déjà.

Je sais, pronon­cer le gros mot de “cap­i­tal­isme” fait ringard et me ramène à mon âge…

Préféreriez vous que j’écrive “mon­di­al­i­sa­tion des échanges”, “économie de marché”, “sys­tème économique libéral”, “monde de con­cur­rence libre et non faussée”… enfin, plein de trucs dans le genre, moultes périphrases moins “datées” ? Et pourquoi faudrait-il donc que je jette un masque sur ce que les acteurs financiers et économiques eux-même appel­lent par son nom, comme si un cer­tain Cap­i­tal les avaient un jour con­va­in­cus et per­cés à jour ?

Ce n’est quand même pas aux lec­tri­ces et lecteurs de Kedis­tan que je dois expli­quer que l’ex­péri­ence stal­in­i­enne a autant con­tribué au cap­i­tal­isme et à l’élan de sa mon­di­al­i­sa­tion que deux guer­res mon­di­ales, en broy­ant des Peu­ples, détru­isant toute con­science humaine, et car­i­cat­u­rant le vocab­u­laire poli­tique jusqu’à la nausée.

Ce monde cap­i­tal­iste dis-je, a tou­jours géré ses con­tra­dic­tions internes à coup de crises, de coloni­sa­tion, de guer­res, de cracks bour­siers et de pro­lé­tari­sa­tion accélérée… Il a pal­lié à ses crises de mains d’oeu­vre par divers arti­fices, de l’esclavage, he oui, aux “loge­ments soci­aux”. Il a même com­posé avec la lutte des class­es, lorsque cela fut indis­pens­able à sa survie. L’his­toire du mou­ve­ment ouvri­er est pleine de reculs/avancées sociales… dont on ne sait si ce fut une vic­toire sans change­ment, un acquis de luttes, ou une “réforme néces­saire” à la survie du système.

Alors, n’est-ce pas le moment de dé-con­fin­er les idées ? N’est-ce pas le moment face aux peurs dis­til­lées, de chercher à com­pren­dre ce qui saisit plus d’un tiers de l’hu­man­ité jusqu’à l’im­mo­bilis­er au dessus d’elle même ?

Je ne crois pas qu’En­ki Bilal m’en voudra d’avoir emprun­té une image de son album de 2017 “Bug”. Le tome 2 est paru en 2019.

Vous ver­rez en le lisant qu’il traite un peu de notre sujet, mais en “roman d’an­tic­i­pa­tion”. C’est comme cela que cette caté­gorie lit­téraire s’ap­pelle, et classe fausse­ment les ouvrages en bibliothèque…

Cette image m’est venue à l’e­sprit avec celles des drones qui nous veu­lent du bien.

Nous avons anticipé sur la crise sanitaire.

Nous avons pré­paré de longue date cette éventualité.

Le but est d’an­ticiper sur la courbe.

Le gou­verne­ment avait anticipé le risque de pénurie.

Anticiper la crise économique néces­site des mesures urgentes et dérogatoires…

J’ar­rête là le flo­rilège et vous épargne les actri­ces et acteurs qui le profèrent sur écran plat.

Mais, ras­surez vous, je la vois poindre, l’anticipation.
Elle ne se masque pas d’ailleurs, même là où la pénurie ne règne pas.

Chez un Don­ald Trump ou un Bol­sonaro, elle s’ex­prime même à bouche ouverte. Et elle par­le d’E­conomie, et d’é­conomies, de tra­vail et de finances. Les mêmes préoc­cu­pa­tions s’ex­pri­ment chez ceux qui avaient jusqu’alors priv­ilégié l’hy­pothèse malthusi­enne, qua­si dar­winesque de l’épidémie, qui ferait tout naturelle­ment son chemin. Elle se traduit en “mesures d’E­tat d’ur­gence”, en France notamment.

Oui, pressés par la panique finan­cière d’il y a peu, par la bourse qui chouine, par la con­cur­rence qui ressus­cite, les Etats com­men­cent à anticiper, et com­pren­dre qu’avec leurs bonnes vieilles recettes d’austérité pro­vi­soire­ment mis­es de côté, on pour­rait bien en prof­iter pour liq­uider les empêche­ments soci­aux à tourn­er en rond, dans un “pro­vi­soire” qu’on ferait dur­er, comme de vieux baraque­ments d’après-guerre.

Il en est de même directe­ment dans le domaine des rela­tions entre finance, banque, et économie réelle.

On sait que la crise mon­di­ale, finan­cière celle-là, de 2008, avait per­mis une restruc­tura­tion à la Dar­win et accéléré le grand démé­nage­ment du monde, “le partage du tra­vail”, et donc l’ex­ploita­tion des dif­féren­tiels économiques, bases de marges et prof­its. Exam­inez quelque part la courbe des délocalisations/chômage et vous com­pren­drez que le virus de 2008, com­bat­tu à coup de ren­floue­ment des ban­ques, de social­i­sa­tion des pertes et de pri­vati­sa­tion des prof­its nous avait amené à l’aube d’un pos­si­ble éclate­ment de la bulle.

A nou­velle crise, vieux remèdes, voilà que se pro­file une antic­i­pa­tion finan­cière qui pour­rait bien remet­tre entre les mais de la bulle et des ban­ques la par­tie de l’é­conomie réelle (cap­i­tal­iste certes) qui pre­nait encore ses déci­sions pro­pres sur le “marché”. La fameuse “prise de risques des entre­pre­neurs”. De la même façon que la banque a mod­elé l’a­gri­cul­ture pro­duc­tiviste, à coup de prêts et d’aides avec menottes à l’ap­pui, on voit se pro­fil­er des poli­tiques ana­logues, dans le dur des moyens de pro­duc­tion. Le néo-libéral­isme nous fait la pirou­ette, par poli­tique finan­cières d’E­tat inter­posée, avec les ban­ques prof­i­tant de la planche à bil­let qui prêteraient à l’é­conomie réelle. Là où les Etats pour­raient nation­alis­er, on fera entr­er le loup de l’en­det­te­ment. Les con­seils et ori­en­ta­tions économiques vien­dront après, comme des pesticides…

Et il faudrait aus­si pos­er de côté une baguette du mika­do con­cer­nant les pro­tec­tions sociales, les “acquis” dont je par­lais plus haut. D’ex­onéra­tions de coti­sa­tions en exonéra­tions, pour cause de coro­n­avirus, de con­gés mal­adie en reports, de mil­liards en mil­liards, on peut juste deman­der d’où ruis­selle ces largess­es soudaines ? Quels déficits abyssaux va-t-on met­tre demain en avant pour “réformer” ce sys­tème et en éradi­quer le virus social ?

Juste une réflex­ion, comme ça, sans recul réel sur des annonces d’an­tic­i­pa­tion à la française.

Il paraitrait que les div­i­den­des eux, seraient ceux de l’embellie de 2019. Restez figés !

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Daniel Fleury
REDACTION | Auteur
Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…