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“En réalité, une pandémie du format de celle d’aujourd’hui est le test fatal pour toute la logique du néolibéralisme. Elle met à l’arrêt ce que ce capitalisme demande de garder constamment en mouvement frénétique..” écrit un Frédéric Lordon.
J’aurais pu à ma manière écrire que ce coronavirus vide décidément les bourses plus sûrement que les gestes frénétiques d’un candidat malheureux aux élections municipales parisiennes. C’est moins sérieux… Mais doit-on en rajouter en ce moment ?
Cette phrase de Frédéric Lordon pourrait être posée dans le jeu de mikado que j’ai entrepris avec cette chronique à suivre.
Lire l'article précédent : 1• Le coronavirus agit aussi comme révélateur sociétal
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2• La bulle financière dope l’effet du virus
Là aussi, un “plus jamais ça” avait été prononcé en 2008.
Et, durant les 12 années qui suivirent, le découplage de l’économie réelle et de la finance a plus que jamais accompagné la mondialisation. La Grèce, entre autres, a vécu dans sa chair la politique financière de l’UE, qui, en 2011, puis 2012, renforça le “Pacte budgétaire européen”. Les dogmes financiers, à la fois ceux de la concurrence et des règles du Marché, comme ceux qui fixèrent aux Etats l’ordre de “dégraisser” leurs dépenses, furent en Europe les héritiers de 2008.
Dans le même temps, le dégagement de marges de profits jouant sur les différentiels économiques mondiaux existants s’accéléra et boosta encore la mondialisation et “le mouvement frénétique” dont parle Lordon.
10 années plus tard, “les Bourses”, qu’il est préférable d’appeler le haut de l’iceberg de la finance mondialisée, avaient restauré leurs pertes, au détriment des infrastructures publiques, entre autres, et à la grande satisfaction du marché capitaliste. La formule “collectivisons les dettes et privatisons les bénéfices” avait joué à plein. A tel point que beaucoup d’économistes attendaient une nouvelle manifestation négative en provenance des marchés financiers, un éclatement de bulle, dont le système capitaliste a le secret, puisqu’il recèle en lui-même toutes les contradictions originelles qui peuvent mener à sa perte.
Pour simplifier la situation mondiale de 2020, il est tout simplement possible de dire qu’un virus à couronne a avancé la date d’une crise latente de la finance, et arrive dans un contexte mondial où le multilatéralisme entre Etats, possiblement “rationalité du système” a disparu depuis le repli de la 1ere puissance mondiale et sa mise en guerre économique avec le monde, la Chine en premier. C’est là un panorama très simplifié, mais utile pour comprendre comment un coronavirus qui déplace une des tiges du mikado menace l’ensemble.
Bien sûr, les masses financières, que les néo-libéraux désignent sous le vocable “investisseurs” et qu’il faut bien qualifier de “confiscateurs de la rente”, et qui frénétiquement savaient qu’ils ne pourraient à l’infini doubler leurs mises, s’affolent.
Pendant que le pangolin voit sa consommation chuter, les places boursières mondiales se font des cheveux. N’y voyez pas là un rapport avec l’économie réelle au départ… Et rajoutons‑y pourtant, pour visualiser, un container et un champ de pétrole. Vous commencerez à comprendre.
Le grand chambardement du monde, créateur de richesses, toussant quelque peu, et l’un des pays qui le permet se mettant à l’arrêt, le prix des énergies fossiles en a subi les conséquences, sachant que le match économique entre pays producteurs, dont les Etats Unis, n’a plus d’arbitre des prix capable de réguler la partie. Ce coronavirus n’a pas eu le fairplay d’attendre un peu que l’Inde, le Vietnam, l’Afrique même, aient pris davantage le bâton relai du profit différentiel. La finance est inquiète.
N’attendez pas de moi que je commente les rachats de dettes des banques centrales, les planches à billet qu’on ressort en catastrophe. N’attendez pas de moi non plus des discours sur l’après, où “tout ne sera plus comme avant”, puisqu’il n’y avait “plus d’alternative”. On peut juste prévoir que le capitalisme, qui est un loup pour l’homme, saura chercher, et trouver sans doute, un prolongement encore provisoire, en bricolant avec ses crises, une nouvelle fois. L’emmerdant c’est que la crise climatique ne cessera pas avec l’embellie momentanée sur l’émission de CO2.
Il est sans doute plus urgent d’essayer de regarder comment les “Etats”, en ordre dispersés, deviennent à la fois les structures de décision vers lesquelles tout le monde se tourne, tant elles font oublier ou mettre de côté leurs politiques publiques sur la santé, et en même temps le centre de futures et actuelles ripostes au service de la finance, sous couvert de “maintien de l’activité”.
On ne se refait pas.
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