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Il y a deux jours, Murat Çınar, journaliste résidant en Italie, faisait paraître des infos sur l’épidémie de coronavirus vue au quotidien.
La situation a depuis partout encore évolué en Europe.
Le pays européen le plus impacté aujourd’hui par le Coronavirus de nouvelle génération (Covid-19) est l’Italie. Aujourd’hui le nombre de malades déclarés a atteint les 12 mille 839, et la maladie a causé 1016 morts.
Le président Giuseppe Conte, lors de sa déclaration dans la soirée du dimanche, 8 mars, a annoncé que tout le pays était mis en quarantaine, “nous déclarons le pays entier zone rouge” a‑t-il dit. Aucun voyage n’est autorisé, exceptés les motifs professionnels et médicaux préalablement confirmés. Toute activité culturelle, sportive et sociale est annulée. Il est interdit que les populations quittent leurs maisons sans laissez-passer spécifiques, et pour celles et ceux qui travaillent, l’obligation de “travail à domicile” est imposée.
Comment alors la vie quotidienne se déroule-t-elle en Italie ? Que s’est-il passé depuis l’apparition du premier cas il y a un mois et demi ? Quel regard portent les médias, et la population sur la progression des événements ?
Murat Çınar, journaliste vit à Turin, voisin de la Lombardie, situé dans le nord de l’Italie, où le plus grand nombre de cas a été observé.
Premiere rencontre avec le virus
Le premier cas fut révélé le 30 janvier, celui de deux touristes chinois, dans un hôtel, à Rome. Ils furent mis illico en quarantaine et en traitement.
A cette époque, le gouvernement n’a pas donné d’informations saines, et la population n’a pas pris conscience [de la gravité]. Il n’y a même pas eu un avertissement comme “ces personnes ont pu transmettre le virus, soyez vigilants”. Ce fut ainsi, jusqu’à ce que le 21 février, dans la région de Lombardie au nord de l’Italie, soudainement les cas ont commencé à se déclarer rapidement ; deux dans la matinée, puis cinq, dans la soirée neuf. Depuis ce jours, nous sommes dans cette situation.
Ici, c’est la région la plus riche de l’Italie. Par ailleurs, c’est la région qui est le plus en contact avec la Chine, aussi bien économiquement qu’au niveau tourisme. En effet, 76 % des morts sont survenues à Milan, la capitale de la Lombardie. Actuellement les 14 grandes villes mises en quarantaine, jouent un rôle de coussin autour de la Lombardie.
Les médias mainstream et les nouveaux médias
Si nous écoutons les médias traditionnels mainstream, jusqu’au 9 mars, lundi, ils avait tendance à affoler, avec des informations ‘flash’, des manchettes sur la croissance du nombre de cas, et des décès. Suite au discours de Conte, le dimanche 8 mars, le nombres de cas et de décès ne figurent dans les manchettes d’aucun journal.
Mais la structure de la presse a changé également. Lorsqu’on observe, on peut affirmer que même le Whatsapp est aussi une nouvelle presse. Des informations intox, des images et enregistrements audio fakes, se promènent. “Je suis un médecin qui travaille à tel endroit… La situation est catastrophique”, ce type de partages s’étendent sans cesse. En Turquie, les choses se dérouleront probablement d’une façon similaire. Et des personnes en qui tu as confiance, ou que tu appelles ‘journalistes’, diffusent ces choses. Cela a pris des proportions plus importantes dans la dernière semaine. Pour cette raison, j’ai été obligé de bloquer plusieurs personnes.
Le fait de faire de l’information sans conscience, ou la focalisation seule sur les choses négatives n’est pas bénéfique. Par exemple, actuellement, le nombre de patients qui sont en traitement est croissant. Mais le fait de ne pas prendre le sujet par cet angle, attise les craintes.
Panique dans la population
Finalement, beaucoup de personnes sont sérieusement gagnées par la panique. J’ai des amis, qui ne quittent pas leur domicile depuis le 1er mars et qui prennent leur température toutes les demies heures. Une chose inconnue par les gens, se propage et cela crée bien sûr une ambiance de panique. En Italie, il y a aussi pas mal de sinophobie. C’est une maladie qui vient de Chine, et tout ce qui vient de Chine, à l’exception des iPhones, fait naître une crainte étrange, qui se réveille.
Lors des premiers jours, les étagères des super marchés ont été vidées. Puis, lorsque Conte a déclaré tout le pays ‘zone rouge’, les supermarché 7/24 ont été également vidés.
J’ai observé il y a deux jours, que les supermarchés autorisaient l’accès des clients, à tour de rôle, pour des raisons hygiéniques. Ceux de l’intérieur devaient sortir, pour qu’un nouveau groupe puisse entrer. Dans le supermarché, des annonces régulières conseillaient aux clients de garder entre eux, une distance de minimum un mètre. Sur les étagères il y avait à peu près tout. Il y avait quelques manques pour des produits hygiéniques, comme des gels pour les mains, l’eau de javel. Il est bien sûr possible de les acheter en ligne, même si leur prix est un peu plus élevé.
A Torino, il n’y a pas de problème grave. Mais en Lombardie, tout près de chez-nous, les habitants vivent depuis 15 jours, cloitrés. Ils sortent à des heures précises pour faire des courses et rentrent chez-eux. Ici, nous n’en sommes pas arrivés encore là.
La vie quotidienne
Il y a cinq jours nous pouvions encore aller quelque part, boire un pot. Actuellement ce n’est plus possible. Les théâtres, cinémas, musées, salle de sport sont tous fermés. Les restaurants et bars étaient ouverts jusqu’hier à 18h. Depuis ils ont été fermés aussi.
Nous devons désormais, nous déplacer avec un document. Si nous allons au travail, nous portons sur nous, ce document sur lequel sont précisés, nos informations d’identité, notre heure de sortie, destination, et horaire de retour. Pour les courses aussi, nous devons avoir cette autorisation. La police peut vous contrôler à tout moment et en cas d’absence de ce document, on risque une amende. En vérité, l’objectif fondamental de ces précautions, est de retenir les gens dans leur maison. Ce document est un formulaire de déclaration individuelle. Si tu vas au supermarché, tu notes ton adresse, là où tu vas, et tes horaires aller-retour. S’il s’agit de ton travail, tu déclares encore, lieu et horaires.
Les lieux autorisés à rester ouverts sont : certaines usines, supermarchés, pharmacies, pompes essence, tabacs, kiosques de presse, magasins de produits de nettoyage, bureaux de poste, certaines banques, compagnies d’assurance et laveries. Les courriers sont aussi autorisés à travailler. Quant aux écoles, elles sont fermées depuis le début du mois de mars, et resteront fermés, jusqu’au 3 avril, pour le moment.
Le système de Santé
Dans les dernières années, en Italie, le système de santé fut beaucoup privatisé. On a commencé par “pour les analyses sanguines simples, au lieu de faire la queue, tu vas à tel endroit, de toutes façons c’est remboursé par l’Etat”, et maintenant, des IRM aux petites opérations, on t’oriente vers le privé en payant la marge de l’Etat. Il est question d’une privatisation qui progresse rapidement depuis 15, 20 ans.
Lorsque le virus s’est montré, les établissements privés ne mettaient pas leurs lits à disposition. Maintenant, la situation arrivant à un niveau plus sérieux, ils le font. Nous avons donc vu que les services de santé de l’Etat qui doivent offrir un service gratuit à la population étaient limités. Pourtant nous sommes dans un pays où les services de santé ont une qualité plutôt haute. Malgré cela, nous avons vu que c’était limité.
En ce moment, une des intox qui se propage est “dans les hôpitaux d’Etat, pour laisser la place aux jeunes malades, les personnes âgées ne sont pas soignées…”. Ce genre de fausses infos se propagent, mais la frayeur éveillée chez des gens n’est pas injustifiée. Parce que une inquiétude existe réellement, due aux réductions des dernières années, concernant les hôpitaux. Peut être qu’il est question d’un non-confiance dans le système de santé. Par exemple, il y a une semaine, Conte a annoncé que 20 mille infirmierEs seront embauchéEs. Car il n’y a pas suffisamment d’infirmierEs .
Le travail
Début mars, pour ceux et celles qui ont la possibilité de travailler chez eux, un système appelé “smart working” a été activé. En Italie, le travail à domicile n’avait pas une base légale claire. Suite au décret que le Premier Ministre a promulgué, maintenant, tout ceux et celles qui peuvent le faire, travaillent à domicile. Ceux qui ne peuvent pas, et qui ont des métiers dans des domaines vitaux, continuent leur vie professionnelle normale.
Au début, il y a eu un vide, concernant les assurances. Il y avait des point d’interrogation sur les accidents de travail qui surviendraient non pas au travail mais à domicile… Un décret qui régule toutes ces questions a été promulgué.
Le ministre de l’économie a annoncé, lors de son discours du mardi, 10 mars, qu’un budget supplémentaire de 25 milliards d’Euros, est réservé, et que personne ne se trouverait au chômage et qu’aucune entreprise ne ferait faillite.
On va bien voir…
Dernièrs chiffres en Italie :
15 113 cas d’infection, 1 258 guérisons, 1 016 décès, 12 839 patients actifs.
Infections du 12 mars 2 651, décès du 12 mars 189, état critiques 1 153.
Les chiffres sont récoltés le soir du reportage, le 12 mars, de la section coronavirus sur Worldometers.
Photo à la Une : Federica Tourn — Torino