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Même dans les péri­odes où le pou­voir impose l’ori­en­ta­tion la plus sévère du fas­cisme, il existe une force d’op­po­si­tion unique dont il ne parvient pas à abimer la légitim­ité, et à enfer­mer à la mai­son : le mou­ve­ment féministe.

Un des plus grands hand­i­caps de l’op­po­si­tion de la Turquie, est le fait que le sen­ti­ment de légitim­ité et son bien-fondé soient détéri­orés. La ten­ta­tive de décon­struc­tion du sen­ti­ment de légitim­ité est la méth­ode d’op­pres­sion fon­da­men­tale de l’AKP, qui n’a

pas changé depuis le début de son admin­is­tra­tion ‑y com­pris la péri­ode où il était en alliance avec la con­frérie de Gülen.

La jus­tice, la police, mais essen­tielle­ment ceux qui fab­riquent l’opin­ion ont été sys­té­ma­tique­ment util­isés à cette fin, et cela se poursuit.

Cette méth­ode a été pra­tiquée avec une telle réus­site que, oubliez la véri­ta­ble oppo­si­tion démoc­ra­tique, même ceux qui quit­tent l’AKP, ont com­mencé à voir en très peu de temps, dans leur pro­pre reflet sur la glace, des expres­sion de culpabilité.

Mais, même dans ces péri­odes où le pou­voir ‘prend le mors aux dents’, et impose l’aspect le plus sévère du fas­cisme, il existe une unique force d’op­po­si­tion pour lequel il n’ar­rive pas à entamer le sen­ti­ment de légitim­ité, et à enfer­mer à la mai­son : c’est le mou­ve­ment féministe.

Les femmes qui ne sont pas seule­ment sous l’as­saut du pou­voir, seule­ment celui de l’AKP, sont sous l’at­taque intense des hommes en général, et mènent une lutte pour la vie.

Lais­sons tomber les sta­tis­tiques ; celles qui sont mas­sacrées, blessées, attaquées physique­ment et psy­chologique­ment, vio­lées, exploitées, ne sont pas des nom­bres, mais cha­cune une vie.

Le pou­voir poli­tique, le plus grand sou­tien des hommes, et toutes les insti­tu­tions sous son con­trôle, se for­cent, aus­si bien dans leurs pra­tiques poli­tiques que leurs pro­pos, à légitimer les par­ti-pris anti-femmes et crim­i­nalis­er les fémin­istes. Dans la rue et dans les com­mis­sari­ats, ils met­tent en pra­tique des pres­sions intens­es con­tre les femmes.

Le 8 mars 2020 à Istan­bul, “le couloir de la vio­lence qui va vers la garde-à-vue”
En France, c’é­tait des march­es d’un métro…

Dans les médias au ser­vice du pou­voir, des mol­lahs, pour faire adopter l’hos­til­ité envers les femmes aux nou­velles généra­tions, usent de la religion.

Le pro­pos dis­crim­i­na­toire est glis­sé sournoise­ment à l’é­cole, dans les pro­grammes sco­laires, à la mosquée, dans les prêches.

Dans les salles de tri­bunaux les assas­sins de femmes prof­i­tent des réduc­tions de peine pour “bonne atti­tude”. Les con­quêtes légales ten­dant vers l’é­gal­ité femmes-hommes sont lais­sées dans les oubli­ettes sur papi­er, et même, on essaye de les effac­er en les grattant.

Les meur­tri­ers de femmes, savent qu’ils auraient des moyens de revêtir l’ar­mure de l’im­punité, si la résis­tance et la lutte du mou­ve­ment des femmes n’ex­is­taient pas.

Les asso­ci­a­tions et insti­tu­tions de femmes sont assiégées, on essaye de les “con­quérir” de l’ex­térieur et de l’intérieur.

Les actions et ini­tia­tives du 8 mars, don­nent lieu à d’in­nom­brables et lour­des attaques.

Mais, mal­gré tous ces attaques et ten­ta­tive d’as­su­jet­tisse­ment, le mou­ve­ment des femmes en Turquie con­tin­ue à être l’op­po­si­tion prin­ci­pale et la plus grande bar­rière devant l’hégé­monie du pou­voir politique.

Si l’AKP avait pu réfrén­er l’op­po­si­tion des femmes, les fémin­istes, il aurait devant lui une roseraie sans épines. Non, les femmes ne sont pas pour le pou­voir, “des fleurs”, mais des épines.

Des élé­ments qui con­stituent la voie de res­pi­ra­tion fon­da­men­tale pour tout mou­ve­ment d’op­po­si­tion, sont aus­si indis­pens­ables pour les fémin­istes : le bien-fondé et le sen­ti­ment de légitim­ité. Elles savent que, ne plus résis­ter, et même une réc­on­cil­i­a­tion, serait la fin de tout.

Ceux qui, à cause d’op­pres­sions inten­sives, met­tent le cade­nas à leur langue, qui espèrent tra­vers­er la tem­pête sans pay­er de prix, avec une oppo­si­tion timide, et qui, pré­tex­tant les con­flits tout à fait pos­si­bles d’être retardés à demain, gar­dent la dis­tance avec une alliance, devraient regarder les fémin­istes, le mou­ve­ment des femmes.

Le mou­ve­ment des femmes qui ne fait pas de dis­crim­i­na­tion eth­nique, ni sur les croy­ances, qui ne trans­forme pas les dif­férences poli­tiques en obsta­cles à la lutte com­mune, qui ne prononce pas de “mais”, dans les sou­tiens mutuels, qui ne laisse pass­er aucun prix payé, qui lutte et recherche la jus­tice avec une résis­tance extra­or­di­naire pour chaque femme mas­sacrée, et qui ne sens pas le besoin d’in­stau­r­er leur être ensem­ble sous un dra­peau unique, dans un par­ti unique, ni der­rière une leader unique, mon­tre à l’op­po­si­tion générale non pas seule­ment ce qui se fait, mais com­ment cela doit être fait.

De plus, cette oppo­si­tion ne se tisse pas seule­ment dans la rue, seule­ment sur les médias soci­aux, seule­ment dans des salles de réu­nion, mais se tisse et peut se tiss­er, dans chaque par­celle de la vie.

Le prix à pay­er pour l’ab­sence d’une oppo­si­tion qui n’at­tendrait pas de grâce, qui ne chercherait pas de con­sen­sus, qui ne ren­ver­rait pas à “des lende­mains qui chantent” mais revendi­querait le présent, sans crainte de crois­er les yeux du pou­voir le plus sévère, est devant nous comme une évidence.

La con­science que le mou­ve­ment fémin­iste pos­sède, sur le fait que sa lutte est une lutte pour la vie, le main­tien de sa con­vic­tion, le rend devant les oppres­sions encore plus fort et grand. Par con­séquent, cette expéri­ence dit beau­coup de choses à toute l’opposition.

Les fémin­istes l’ex­pli­queront cer­taine­ment encore beau­coup mieux, mais lorsqu’on regarde de l’ex­térieur, on peut affirmer égale­ment, qu’un des élé­ments ressource de cette force, est la con­science du fait que cette lutte menée “pour d’autres” est aus­si menée pour “soi-même”. On peut con­stater que c’est un des plus impor­tants man­ques chez les opposants, en dehors des féministes.

Alors, l’op­po­si­tion de Turquie, qui pour­tant se situe en face du pou­voir, mais qui se range à chaque vague d’op­pres­sion, et qui s’acharne à prou­ver, non pas son bien-fondé, mais son inno­cence, a beau­coup de choses à appren­dre du mou­ve­ment des femmes, et de ses expéri­ence his­toriques et actuelles.

İrf­an Aktan

Image à la une : Cette instan­ta­née a été pub­liée par les médias du pou­voir en Turquie avec la légende “Voilà à quoi nos policiers ont à faire face. Que le Dieu leur vienne à l’aide”.

 


İrfan Aktan a commencé le journalisme en 2000 sur Bianet. Il a travaillé comme journaliste, correspondant ou éditeur, à l’Express, BirGün, Nokta, Yeni Aktüel, Newsweek Türkiye, Birikim, Radikal, birdirbir.org, zete.com. Il fut le représentant de la chaîne IMC-TV à Ankara.
Il est l’auteur de deux livres  “Nazê/Bir Göçüş Öyküsü” (Nazê/Une histoire d’exode), “Zehir ve Panzehir: Kürt Sorunu” (Poison et antidote : La question kurde). Il écrit actuellement à l’Express, Al Monitor, et Duvar.

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