Le procureur d’Istanbul vient d’ordonner la remise en détention d’Osman Kavala, cette fois-ci dans le cadre de l’enquête sur le coup d’État raté de 2016 en Turquie. Acquitté le 18 février 2020 dans le procès Gezi après plus de 2 ans de prison, Kavala n’est donc pas libéré. Le cauchemar continue !
Français | Türkçe Bianet | English Bianet
“Il semble qu’ils aient mis Osman Kavala dans un sac d’enquête et qu’ils ne veulent pas le libérer. Ils contournent le verdict de la Cour européenne des droits de l’homme. Ce qui est fait à Selahattin Demirtaş et Atilla Taş est maintenant fait à Osman Kavala”.
Après qu’Osman Kavala ait été détenu avant de pouvoir quitter la prison de Silivri, suite pourtant à un verdict d’acquittement et de libération lors du procès de Gezi hier le 18 février, l’ancien juge de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) Rıza Türmen s’est entretenu avec Bianet à ce sujet.
Qualifiant d’ ”illégalité” la détention d’Osman Kavala dans le cadre d’une autre enquête, Türmen a souligné que le verdict de la Cour européenne des droits de l’homme concernant la “violation des droits” et la “libération immédiate” d’Osman Kavala s’applique aux deux enquêtes sur Gezi et sur la tentative de coup d’État ratée du 15 juillet.
La Cour européenne des droits de l’homme a déclaré qu’ “il n’y avait pas de soupçon raisonnable”. Rıza Türmen a poursuivi ses remarques comme suit :
“Il y a manifestement une illégalité. Car le verdict de la Cour européenne des droits de l’homme couvre non seulement l’article 312 du code pénal turc (TCK), sur la base duquel Osman Kavala a été jugé dans l’affaire Gezi, mais aussi l’article 309 du TCK, sur la base duquel il est maintenant accusé dans l’enquête du 15 juillet.
Dans sa décision de “libération immédiate” rendue en décembre 2019, la Cour européenne des droits de l’homme a indiqué qu’il n’y avait “aucun soupçon raisonnable” sur cette question. Elle a également examiné sa détention en ce qui concerne les accusations relatives au 15 juillet et a conclu qu’il n’y avait pas de soupçon raisonnable.”
Une Turquie où l’État de droit est mis de côté
“Le verdict de la Cour européenne des droits de l’homme concernant Osman Kavala devrait également être appliqué à cette affaire. La détention en question est une violation ouverte du verdict de la Cour européenne des droits de l’homme. Cette question — bien sûr — n’a rien à voir avec la loi. Le jugement de la Cour européenne des droits de l’homme n’est pas ouvertement appliqué, il n’a pas été appliqué.”
“Apparemment, ils ont élaboré un tel plan. Ils ont conçu un plan similaire à ceux pour Selahattin Demirtaş, Atilla Taş et Selçuk Kozağaçlı. Ce plan consiste à les acquitter des accusations déposées conformément à l’article 312 du TCK et à les emprisonner à nouveau sur la base de l’article 309 du TCK.
“Je me demande vraiment comment Osman Kavala et le 15 juillet seront mis côte à côte et je pense que ce sera difficile. Il est impossible de trouver des preuves sur cette question. Qu’est-ce qu’Osman Kavala a à voir avec le 15 juillet ?”
“Il semble que le gouvernement veuille contourner le verdict de la Cour européenne des droits de l’homme. Le verdict de la Cour européenne des droits de l’homme sur Osman Kavala sera finalisé le 10 mars. Ils ont rendu un jugement avant qu’il ne soit finalisé et ils font maintenant pression sur la justice pour qu’elle ne le libère pas. Ce n’est — bien sûr — pas quelque chose qui respecte l’État de droit, mais nous vivons maintenant dans une Turquie où l’État de droit a été mis de côté”.
Que disent les articles 309 et 312 du code pénal turc ?
Article 309 (Violation de la Constitution)
- Toute personne qui tente d’abolir, de remplacer ou d’empêcher la mise en œuvre, par la force et la violence, de l’ordre constitutionnel de la République de Turquie est condamnée à une peine d’emprisonnement à vie aggravée.
- Si d’autres infractions sont commises lors de la perpétration de la présente infraction, une peine supplémentaire est infligée pour ces infractions conformément aux dispositions pertinentes.
- Les personnes morales sont soumises à des mesures de sûreté qui leur sont propres pour la commission des infractions définies dans le présent article.
Article 312 (Infractions contre le gouvernement)
- Toute personne qui tente, par l’usage de la force et de la violence, d’abolir le gouvernement de la République de Turquie ou de l’empêcher, en tout ou en partie, de remplir ses fonctions, est condamnée à une peine d’emprisonnement aggravée à vie.
- Si une autre infraction est commise lors de la perpétration de la présente infraction, une peine supplémentaire est infligée conformément aux dispositions pertinentes.