La Palestine est une fois de plus en pleine actualité avec la “proposition de paix” de Donald Trump, qui exprime avec désinvolture un parfait mépris pour ce peuple dépossédé qui subit, depuis plus de 70 ans, la violence de l’occupation militaire, la destruction de son patrimoine, le déni de ses droits fondamentaux et de sa culture.
L’association Al Kamandjati, créée à Angers en 2002 est fière de permettre le développement de l’éducation musicale des enfants Palestiniens, contribuant ainsi à leur ouvrir d’autres horizons et à préserver leur identité.
C’est de son histoire qu’il est question dans ce livre.
“Le Pouvoir de la Musique — une enfance entre pierres et violon en Palestine” de Sandy Tolan
Comment un petit garçon en anorak rouge, qui jetait des pierres sur les soldats israéliens, est-il devenu ce musicien réputé, créateur d’écoles qui forment à la musique classique occidentale et orientale les enfants de Palestine ? Comment son rêve a‑t-il pu mobiliser des dizaines de bénévoles internationaux, et parmi eux des musiciens et des chefs prestigieux, comme Daniel Barenboïm, William Christie et Diego Masson ?
L’ouvrage retrace l’aventure de l’association franco-palestinienne Al Kamandjati (le violoniste) et de son fondateur Ramzi Aburedwan. À travers cette oeuvre remarquablement documentée, Sandy Tolan éclaire avec rigueur les trente dernières années de l’histoire de la Palestine. En contrepoint des discours habituels sur le “conflit israélo-palestinien” et des images dramatiques qui figent notre imaginaire, il rend compte de la vie quotidienne en Cisjordanie.
L’histoire d’Al Kamandjati dit un rêve de libération. Elle s’inscrit dans un mouvement croissant de résistance non violente qui pense autrement la fracture israélo-palestinienne et le défi de la confrontation à l’extrémisme religieux.
Riche d’une très solide documentation sociologique et historique et d’une multitude d’interviews, l’ouvrage est plus qu’une biographie pédagogique, il est un formidable message d’espoir.
L’auteur
Sandy Tolan est un journaliste américain, professeur associé à l’école Annenberg de communication et de journalisme à l’université de Californie (Los Angeles). Il est producteur de douzaines de documentaires radios, et collaborateur pour plus de quarante magazines et journaux. Ses travaux ont remporté de nombreux prix. Il est aussi l’auteur de trois livres, dont un émouvant récit, traduit en français en 2011 : La Maison au Citronnier (J’ai lu).
Un livre à double détente
Ce livre-ci, sorti en librairie le 2 janvier, a retenu notre attention pour deux raisons : d’une part, il retrace l’étonnante aventure de l’association franco-palestinienne Al Kamandjâti (le violoniste) et de son fondateur Ramzi Aburedwan. D’autre part, il nous livre avec rigueur une série d’informations ‑souvent inédites- sur l’histoire de la Palestine, en particulier depuis la fin des années 70.
Sous le titre “Children of the Stone- the power of music in a hard land”, le livre est sorti aux États-Unis en 2016, où il a largement dépassé les dix mille exemplaires. L’auteur, Sandy Tolan, loin d’être inconnu (grand reporter, longtemps en poste au Moyen Orient, professeur à l’université de Berkeley, collaborateur de nombreux journaux et magazines), est un journaliste d’investigation scrupuleux. Le succès de son précédent ouvrage déjà cité, traduit en français, “la Maison au Citronnier”, a rendu nécessaire sa réédition en livre de poche, dans la collection “J’ai lu” en 2015.
L’histoire de Ramzi Aburedwan, “enfant d’un camp de réfugiés, qui se frotte à une armée d’occupation, reçoit une éducation musicale, acquiert la maîtrise d’un instrument et rêve de quelque chose de bien plus grand que lui”, est retracée avec minutie. Enfant, puis adolescent, il est embarqué dans le maelström de violences qui bouleverse son pays et voit disparaître nombre de ses voisins, de ses amis, puis son père, son frère … Pourtant, comme beaucoup d’enfants de l’intifada, ‑ces “enfants lanceurs de pierres” selon le poète palestinien Nizar Qabbani- il fait preuve d’une formidable résilience. Il contribue à l’acheminement de la survie alimentaire du camp de réfugiés sous couvre-feu, il multiplie les “petits boulots” pour aider ses grand parents qui l’hébergent avec son frère et ses sœurs. Ce qui ne l’empêche pas de suivre une scolarité presque “normale” ‑étant entendu que, pendant de longues périodes, les cours seront clandestins et se tiendront dans des lieux improbables, puisque l’occupant a fermé les écoles-
Puis la vie de l’adolescent bascule : il découvre la musique et apprend l’alto avec une telle pugnacité qu’il décroche bientôt une bourse du consulat de France à Jérusalem. Il atterrit ainsi au Conservatoire Régional d’Angers en 1998, où une nouvelle vie commence.
Rapidement, il se lance dans un rêve fou : partager avec les enfants de son pays, la Palestine, le changement radical de perspective que la musique a représenté pour lui. Dès 2002, il fonde, avec quelques autres, “Al Kamandjâti”. Tout va alors très vite et dès 2005 une première école de musique est inaugurée à Ramallah.
Ce qui est fascinant et beau dans ce parcours, c’est la façon dont ce rêve, a priori irréaliste, a su convaincre et mobiliser des dizaines de volontaires internationaux ‑la plupart musiciens- et parmi eux des chefs prestigieux comme Daniel Barenboim, William Christie et Diego Masson.
Mais le livre ne se cantonne pas à ce seul registre biographique. Tolan est journaliste. Il accorde donc une large place à l’histoire de la Palestine. Et il choisit de nous la rapporter sous l’angle de la vie quotidienne. A partir de plus de 230 interviews et d’une très riche documentation, l’auteur rend palpable, au delà du parcours de Ramzi, la vie des Palestiniens au cours de cette période. Il éclaire ainsi une dimension largement méconnue : rares sont en effet les ouvrages qui décrivent ce qu’ont effectivement vécu les gens là bas, au cours de toutes ces années d’occupation et de déni de leurs droits fondamentaux.
Au demeurant, l’auteur ne perd pas de vue les dimensions historiques et politiques et nous livre quelques “découvertes”. Ainsi, pour n’évoquer ici qu’un seul exemple parmi d’autres : à partir d’une solide et indiscutable documentation, il rend compte (page 302) des tentatives d’Ismail Haniyeh, leader du Hamas, d’ouvrir en 2006 un dialogue avec les États-Unis du président Bush et de Condoleezza Rice. Haniyeh s’engage alors par écrit à accepter une solution à deux états fondée sur les frontières de 1967 ‑soit la reconnaissance de facto d’Israël- Mais, malgré plusieurs soutiens de poids, dont l’américain Jérôme Segal, fondateur du Lobby juif pour la paix, il ne recevra pas le moindre début de réponse. Dans ce cas, comme dans des dizaines d’autres, la force démonstrative de Sandy Tolan repose sur les abondantes notes qui rendent compte de l’intense travail de recherche et de documentation qu’il a réalisé.
En volume, ces note représentent un cinquième du livre et sont construites avec rigueur et précision, fournissant ainsi toutes les références accessibles aux lecteurs qui décideraient d’approfondir tel ou tel point. Nous avons apprécié les choix de l’éditeur de la version française de faire figurer les notes en fin de chaque chapitre, ce qui en facilite l’accès et permet une circulation rapide entre le texte et les informations et références qui le complètent.
“Le Pouvoir de la Musique”, c’est une fenêtre ouverte sur la vie quotidienne en Territoires Occupés de Palestine, qui nous donne à voir l’une des réponses, parmi les plus vivantes et dynamiques, des Palestiniens pour contrecarrer la destruction de leur identité et de leur Culture. C’est l’une des facettes d’un mouvement croissant de résistance non-violente, “qui pense autrement la fracture israélo-palestinienne et le défi de la confrontation à l’extrémisme politique et religieux”.
Bernard Gagé
REVUE DE PRESSE
• « Tolan nous offre un savant mélange de reportage et d’inspiration qui vous touche au coeur, un mix qui informe tout en éveillant compassion et espoir… Children of the Stone est un livre à étudier autant qu’on y prend plaisir. Il doit être savouré, partagé et discuté. Une matière parfaite pour un groupe de lecture » The Huffington Post
• « Une symphonie de soutiens internationaux, de grandes idées et de drames humains… l’idéalisme intemporel de la musique et les réalités brutales de l’occupation; ce qui émerge est une parabole profondément émouvante de lutte et de maîtrise — d’un instrument, d’une injustice douloureuse et finalement de soi-même. » Newsweek
• « Une histoire captivante et puissante, qui navigue avec talent entre les échecs des combats sans fin ou des pourparlers de paix israelo-palestiniens et la détermination d’un jeune homme courageux pour changer ce monde. » Booklist (starred review)
• « Des petits événements de la vie de Ramzi à l’histoire compliquée de la région, Tolan est un artisan scrupuleux … qui nous laisse construire notre propre idée. » Los Angeles Times
• « L’histoire racontée par Tolan valide la formule célèbre de Margaret Mead : ‘‘ne doutez jamais qu’un petit groupe de citoyens déterminés et engagés peut changer le monde ; c’est la seule chose vraie à jamais.’’ » Yo-yo ma
Le Pouvoir de la Musique — une enfance entre pierres et violon en Palestine
Sandy Tolan
Riveneuve, décembre 2019, 452 p.
Cahier couleur de 16 pages — 20 €
ISBN : 978–2‑36013–576‑9
Dans votre librairie préférée, ou sur le site de l’association Al Kamandjati qui peut vous l’envoyer à domicile : www.alkamandjati.org