Nous avons publié, le 29 mai 2017, un appel à la solidarité révélant le cas de Devrim Ayık, jeune prisonnier, frappé par une version chronique et sévère de la “Maladie de Crohn”.
Français | English
Devrim était incarcéré à cette époque à la prison d’Izmir. Il était maintenu en incarcération malgré les rapports médicaux. Il avait ensuite subi, en juin, une déportation vers la prison d’Antalya, à 460 km de sa famille. Dans les conditions difficiles pénitentiaires, sa santé s’y est très rapidement détériorée. Une pétition avait trouvé de nombreux signataires, son cas avait été soutenu par des associations de droits humains, et, grâce à la solidarité et les efforts considérables de sa famille, proches et associations il avait été placé en assignation en résidence. Mais pas sans difficulté !
Lors de l’audience du le 5 mai 2018, le tribunal avait décidé que Devrim Ayık pourrait quitter la prison et être assigné à domicile. Mais, avant qu’il ne puisse même quitter la prison d’Antalya, à la porte de sortie de l’établissement, il avait été à nouveau mis en garde-à-vue, pour un autre dossier d’enquête ouvert à son encontre, pour “participation à une manifestation non autorisée” et “propagande pour une organisation illégale”. Il ne serait pas présenté pour faire sa déposition… et pour cause, il était détenu. Après avoir répondu à l’interrogatoire, et entendu par le juge, Devrim avait été enfin assigné à domicile.
Mais, le 7 octobre 2019, en quittant le service de Gastro-entérologie de l’hôpital de l’Université Akdeniz à Antalya, où il était examiné, Devrim Ayık a été une fois de plus arrêté. Après 4 nouveaux jours de garde-à-vue, il a été renvoyé à la prison d’Antalya, qu’il venait de quitter 4 mois auparavant, pour son assignation à domicile.
La maladie de Crohn dont Devrim souffre depuis 2012, est une maladie inflammatoire chronique du système digestif, relativement rare, et il n’existe pas de traitement définitif véritable. Si ce n’est que la vie des malades peut être relativement améliorée seulement avec un suivi et un traitement adapté. Devrim a déjà été opéré à deux reprises et près d’un mètre d’intestins lui a été enlevé. Quant au suivi médical et au traitement adapté, il est impossible dans les conditions de la prison. Devrim, avant tout, ne peut accéder à l’alimentation spécifique prescrite par le médecin diététicien. Le plus grand risque de la maladie de Crohn est d’évoluer vers un cancer colorectal.
Sa mère nous a fait parvenir une lettre, dans laquelle elle explique l’état de santé de Devrim, et elle appelle à l’aide, à la solidarité internationale.
“Mon fils étant en prison, il n’est pas soigné. Le fait de ne pas pouvoir s’alimenter comme le diététicien l’a prescrit, fait qu’il ne peut pas être soigné comme il faut, et dans les conditions malsaines et insuffisantes de la prison, l’état de santé de Devrim s’aggrave de jour en jour. Comme seul traitement, pour retarder la transformation de la maladie en cancer, il reçoit deux injection de Humira par semaine.
Le 17 janvier 2020, nous avons appris que Devrim a eu un malaise. Il a été transféré aux urgences, grâce à l’insistance de ses amis codétenus. Mais après une intervention ponctuelle, il a été ramené à la prison, et redéposé dans son quartier.
Mon fils, ne peut, depuis longtemps, quitter le lit. Il a besoin de l’aide de ses amis même pour ses besoins de toilette. Il a été amené à la dernière visite de ses avocats qui s’est déroulée le 19 janvier 2020, en fauteuil roulant, et avec l’aide des gardiens.
Son état actuel est très sérieusement inquiétant. Depuis deux semaines ils saigne du nez et il crache du sang. Comme il n’a pas une alimentation adaptée, et qu’il n’est pas soigné, il a des saignements, irritations et oedèmes, suite aux selles. Il souffre d’inflammations à la gorge, et d’une toux très prononcée. Il commence à avoir des malaises cardiaques. Son anémie étant très élevée, ses mains et son visage sont pâles. Normalement il devrait recevoir une transfusion sanguine, mais la direction de la prison ne l’autorise pas. Il commence à avoir des douleurs intenses d’intestin. Par ailleurs son ouïe baisse. Quant à la vue, il a perdu la vue totale de son oeil droit, et son oeil gauche, avec une myopie de ‑30, ne peut voir avec un verre de correction, jusqu’à 1 mètre. Devrim est déclaré handicapé à 76%, par rapport de commission médicale.
Malgré tout cela, Devrim n’a reçu aucune réponse à ses requêtes envoyées aux autorités concernées, que ce soit le Ministère de la Justice, ou le bureau du Procureur de la prison, ou encore d’autres institutions.
La situation de mon fils Devrim Ayık, est arrivé à un seul critique vital. Je fais appel à toutes les institutions, les organisations de société civile, l’Union des médecins de Turquie, pour être sensible à son cas.
Il ne faut pas qu’une dépouille de plus sorte de la prison. Empêcher cela est un devoir humain. Je fais appel à toute l’humanité, disons ensemble “liberté pour les prisonnierEs malades, liberté pour Devrim Ayık”.
Nous vous invitons à diffuser cet appel sur les réseaux. Le premier avait permis un aménagement, le cas de Devrim Ayık, symbolique de beaucoup dans les prisons de Turquie ayant été médiatisé hors les murs.
N’hésitez pas à signer, partager, diffuser cette pétition, en turc certes, mais qui reproduit l’appel de la mère de Devrim.
Le 18 mars 2020
Devrim Ayık est libéré, assigné à domicile, sous contrôle judiciaire.
Une décision qui fait jurisprudence pour les prisonnierEs malades en Turquie.
Image à la une : Photo ©Emre M. (Harem Üsküdar — Istanbul)