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Notre confrère et ami Nedim Türfent continue à nous envoyer ses poèmes et textes, pour les partager avec vous. Cette fois-ci son poème est illustré par son camarade co-détenu Abdulgafur Anlı.
La Cour de cassation turque ayant confirmé le verdict le 9 octobre 2019, Nedim Türfent, journaliste de l’agence DIHA, purge actuellement une peine de 8 ans et 9 mois d’emprisonnement. Il a été condamné pour des faits de terrorisme inventés de toutes pièces, à l’issue d’un procès inéquitable, au cours duquel des dizaines de témoins ont déclaré avoir été torturés pour venir déposer contre lui. Il a passé presque deux ans à l’isolement dans d’atroces conditions de détention. Déterminé à continuer à écrire, il poursuit la rédaction de poèmes pendant sa captivité.
Les organisations, MLSA, IPI et PEN International soutiennent Nedim, demandent sa libération immédiate et une campagne de solidarité est en cours. Vous aussi, vous pouvez apporter votre soutien en signant par exemple cette pétition en français.
Vous pouvez également lui écrire,
Nedim Türfent
Van Yüksek Güvenlikli Kapalı Ceza İnfaz Kurumu
A‑44
VAN – TURQUIE
* Vous pouvez trouvez les adresses d’autres prisonnierEs ICI.
Enfant, ne le sais-tu pas ?
Au dernier virage de cette saison chagrine
première fois
je résiste pour ne pas écrire, vraiment, première fois !
mon crayon que je tiens du bout de mes doigts
m’a finalement vaincu
sans mâcher mes mots
sans embarras
je saisis le microphone
Toutes nos querelles, nos rixes sont vaines
cet enfant incorrigible
cette peste
cette rage de dents
a trouvé moyen
et laissé l’empreinte de son poinçon
C’est à toi que je m’adresse, enfant :
lors, mon corps est las
blafard et flegmatique
ce que je gardais secret, révélé
sur la terre aride, dans le désert,
dans le ciel glacé
au premier éclat du jour
moi, oiseau des geôles, aile cassée
je bats la chamade, en vain
Toi, enfant qui a ôté de la circulation
l’intimité de mes rêves
si tu peignais même les cieux de trois couleurs de l’amour
même si tu gravais ta vérité
de tes ongles
sur le ciment
ces songes immaculés ne seraient pas admis
à la table des loups
Mon dessein n’est pas assurément de rendre impossible
tes rêves
mais pourtant,
ne reconnaitrais-tu pas là, enfant
l’ennemi du rêve ?
il attend en embuscade
que mes songes se brisent
Avec mes effarements, pour cela
ne reconnaîtras-tu pas, enfant
la clé pour comprendre le paradis
en vérité, c’est vivre
Ne la connais-tu pas, enfant
l’unique vérité des rêves
même si tu m’allonges sur mon lit de mort
dans ma nudité
ce qui illuminera mon chemin
sera encore le rêve mystérieux lui-même
Ne la sais-tu pas, enfant
ma passion, mon amour pour les songes
sans doute, cet amour ardent
n’est pas l’attrait du rêve
mais l’éventualité que l’amour advienne dans cette vie
Toi, enfant rebelle
enfant indomptable, irréductible !
toi, enfant
si ton dessein est d’avorter mon rêve
en aucun cas
je ne ferais retour de mes songes, jamais
26 Août 2017
A‑49
Illustration : Abdulgafur Anlı