Lisa Çalan, cinéaste réalisatrice kurde, a perdu ses deux jambes suite à l’attentat à la bombe attribué à Daesh, le 5 juin 2015, lors d’un meeting électoral du Parti démocratiques des peuples (HDP) à Amed (Diyarbakır).
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Lisa s’est battue avec persévérance pour retrouver sa santé, et, grâce a des prothèses, elle s’est relevée, tête haute. Le 8 mars dernier, à l’occasion à la journée mondiale des droits des femmes, elle offrait à l’opinion publique, une émouvante image de force et de dignité, en se filmant en train de danser pour les femmes.
Mais ce qui arrive à Lisa et qui relève de l’acharnement politique, est ubuesque et révoltant, et très symbolique du mépris à l’encontre de toutE opposantE en Turquie, à fortiori côté kurde.
Bénéficiant d’une décision légitime d’embauche des victimes du terrorisme, obligation contenue dans la Loi de lutte contre le terrorisme, elle travaillait à la mairie métropole de Diyarbakır, dans la section Culture, en tant que designer scénique.
Sauf que…
Selon les résultats des élections locales du 31 mars 2019, Selçuk Mızraklı et Hülya Alökmen Uyanık (du HDP) on été éluEs avec 62.93% de suffrages comme co-maires de Diyarbakır métropole. Pour commencer, Hülya Alökmen Uyanık s’est vue refuser l’exercice de son mandat. Elle fait partie de 6 localités kurdes dont les éluEs n’ont pas reçu leur mandat, pour le fait d’avoir été licenciéEs auparavant par décret dans le cadre des purges. Puis, le 19 août 2019, le gouvernement a retiré de ses fonctions, Selçuk Mızraklı, le co-maire de Diyarbakır métropole. Il a été arrêté le 22 octobre, et jeté en prison. Un co-maire de plus, parmi les 24, toutes et tous accuséEs d“appartenance à une organisation terroriste”. Enfin, après la destitution de l’élu, l’Etat a nommé début septembre, un “administrateur” à la mairie de Diyarbakır…
Et Lisa Çalan a été licenciée.
Lisa Çalan s’est exprimée auprès d’ Özlem Akarsu Çelik pour une interview publiée sur Gazete Duvar : “Je devinais bien ce qui allait m’arriver. Notre procès [concernant l’attentat de Diyarbakır] qui a duré des années, s’est enfin terminé le mois dernier. Les trois accusés de Daesh ont été condamnés à la prison. L’Etat a accepté sa responsabilité [pour le manque de sécurité] et m’a indemnisée. Ensuite, j’ai été licenciée…
Je ne vais jamais pouvoir quitter les salles de tribunal ? Pendant des années j’ai couru après la justice, j’ai fait des aller-retour entre les procès. Et apparemment, cette fois c’est pour mon droit au travail que je vais devoir fréquenter encore les tribunaux.
Après avoir perdu mes jambes, j’ai subi des opérations médicales d’un nombre dont je n’arrive plus à me souvenir. Mon traitement se poursuit toujours. Pour l’entretien, la réparation de mes prothèses, et pour faire face aux frais de mon traitement, j’ai besoin de sécurité sociale. Tout le monde sait cela. Je me rends régulièrement à l’étranger pour les réglages de mes prothèses. J’assume également tous ces frais par mes propres moyens.
Je n’ai jamais cessé de lutter pour me relever, rester debout, et me mettre au tribunal en face des assassins pour leur demander des comptes. Je vais aussi lutter contre ceux qui m’ont fait subir cette injustice.
8 janvier : Le syndic de municipalité de Diyarbakır a déclaré :
“Çalan, administratrice de la municipalité métropolitaine de Diyarbakır a fait des déclarations au sujet de la fin de son emploi. Son contrat n’a pas été renouvelé. Une enquête disciplinaire avait été ouverte contre Lisa Çalan et 3 membres du personnel, dans la même situation, pour absences injustifiées. C’est là la seule raison”