Kedis­tan avait croisé Gian­lu­ca Costan­ti­ni sur les réseaux ; un dessi­na­teur activiste, dont le site Inter­net chan­nel­draw avait été inter­dit d’ac­cès en Turquie, dès 2016, par déci­sion de tri­bunal. Depuis, Gian­lu­ca n’a jamais cessé avec sa plume, de dénon­cer les injus­tices, et de soutenir les vic­times de la répres­sion en Turquie, mais aus­si partout dans le monde.

Quoi de plus logique donc, lorsqu’il s’est agi de soutenir la lib­erté d’ex­pres­sion, à l’oc­ca­sion d’une expo­si­tion d’oeu­vres de Zehra Doğan en Bre­tagne, il y a un peu plus d’un an, que d’in­viter Gian­lu­ca à y pren­dre parole. Elet­tra Stam­boulis l’ac­com­pa­gna alors et c’est ain­si que nous fîmes con­nais­sance, en même temps qu’elle décou­vrait une par­tie du tra­vail de Zehra. En novem­bre 2018, elle rédi­geait déjà un arti­cle :  les crayons brisés de Zehra.

Depuis, nous avons été heureux de nous revoir, et qu’elle con­cré­tise à Bres­cia en Ital­ie une mag­nifique expo­si­tion, en présence de Zehra, un an plus tard, alors que celle-ci est aujour­d’hui libre de ses mou­ve­ments. Comme nous l’écriv­ions dans un arti­cle récent, pour Kedis­tan, il s’agis­sait du dernier acte d’une cam­pagne de sou­tien qui dura plus de trois années.

Elet­tra Stam­boulis donne ici une inter­view très détail­lée à pro­pos de “l’art de résis­tance de Zehra” et analyse avec justesse les oeu­vres qui seront exposées jusqu’au 1er mars au Musée San­ta Guil­ia.


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L’in­ter­view de Ele­na Bor­dignon avec Elet­tra Stam­boulis, pub­lié en ital­ien, le 6 décem­bre 2019 sur ATP Diary.

Zehra Doğan, l’espoir dans l’esprit de la résistance

Entretien avec la commissaire d’exposition Elettra Stamboulis

Même si son expéri­ence est dra­ma­tique, même si sa con­di­tion antérieure de pris­on­nière, puis d’ex­il est cer­taine­ment une con­di­tion douloureuse et pro­fondé­ment injuste, son atti­tude envers le monde est celle de l’op­ti­misme de la volon­té, pour citer Gramsci.

Le Musée de San­ta Giu­lia accueille — jusqu’au 1er mars 2020 — l’ex­po­si­tion pas­sion­nante de l’artiste et jour­nal­iste kurde du sud-est de la Turquie Zehra Doğan, “Nous aurons aus­si des  jours meilleurs. Zehra Doğan. Œuvres provenant de pris­ons turques”.

Les œuvres exposées sont la syn­thèse d’une longue et touchante expéri­ence dans les pris­ons de Mardin, Diyarbakır et Tarse, en con­tact étroit avec des femmes détenues avec lesquelles elle partageait non seule­ment la souf­france, mais aus­si une forme “spé­ciale” de rédemp­tion : l’art quotidien.

Elettra Stamboulis

Zehra Doğan.
Vue d’in­stal­la­tion — Avec l’aimable autori­sa­tion de la Fon­da­tion Musées de Brescia.

Pour une let­tre d’une fil­lette de 10 ans et un dessin — preuves de con­flits sanglants sous cou­vre feu — pub­liés sur Twit­ter, Zehra Doğan a dû purg­er une peine de deux ans et neuf mois de prison : une péri­ode qui est dev­enue une sorte de temps sus­pendu pour “résis­ter” par l’art.

Dessin­er, pein­dre, mais surtout écouter et partager ses expéri­ences avec d’autres pris­on­nières est devenu pour l’artiste une forme de lib­erté, une action pour “résis­ter” à l’in­jus­tice et à l’intolérance.

A l’oc­ca­sion de son expo­si­tion à Bres­cia, qui rassem­ble une soix­an­taine d’œu­vres inédites, dont des dessins, des pein­tures et des tech­niques mixtes, nous avons posé quelques ques­tions à la com­mis­saire Elet­tra Stam­boulis, pour étudi­er de nom­breux aspects du tra­vail de l’artiste, les ques­tions qu’elle a abor­dées, les choix formels, le résul­tat de ses ren­con­tres en prison, les raisons du choix des matéri­aux inhab­ituels pour la pein­ture : café, safran, safran, cen­dre, grenade, sang men­stru­el, jav­el — et enfin, et non des moin­dres, les raisons du titre de l’ex­po­si­tion, “Nous aurons aus­si des jours meilleurs”.

Ele­na Bor­dignon : Vous avez abor­dé une his­toire très touchante et pas­sion­nante : l’ex­is­tence de l’artiste et jour­nal­iste Zehra Doğan. Son mil­i­tan­tisme vient de loin et, en plus des événe­ments douloureux qu’elle a doc­u­men­tés, elle a reçu de nom­breuses récom­pens­es pour son tra­vail de jour­nal­iste. Pou­vez-vous me dire com­ment vous avez décou­vert son tra­vail et quels furent vos pre­miers sen­ti­ments ? Com­ment avez-vous com­mencé à tra­vailler sur cette exposition ?

Elet­tra Stam­boulis : Dis­ons qu’il n’a pas été dif­fi­cile de décou­vrir l’his­toire de Zehra, tout autant qu’elle a été suiv­ie par de nom­breux artistes, intel­lectuels et activistes à tra­vers le monde. Non seule­ment parce que Ban­sky et Ai Wei­wei s’in­téres­saient à son cas, mais aus­si parce que pour moi l’his­toire de la trans­for­ma­tion de la République turque en un État autori­taire devait être suiv­ie avec une grande atten­tion. C’est un pays can­di­dat à l’ad­hé­sion à l’UE, dont l’ad­hé­sion a été pro­longée dans les années 2000 pour des raisons d’op­por­tunisme poli­tique (elle a embar­rassé dans le cli­mat post-11 sep­tem­bre l’en­trée d’un pays, résol­u­ment laïque, mais où la pop­u­la­tion adhère à la reli­gion islamique) : le proces­sus de raidisse­ment ultérieur, son récent glisse­ment dans le pays tout car­céral et où le droit à la libre expres­sion et à la libre opin­ion sont piét­inés quo­ti­di­en­nement, nous voient cer­taine­ment de con­nivence. L’an­née dernière, alors que Zehra était en prison, mon parte­naire, artiste et mil­i­tant Gian­lu­ca Costan­ti­ni, et moi-même avons été invités en Bre­tagne, pour assis­ter à une ren­con­tre à l’oc­ca­sion d’une expo­si­tion itinérante de ses travaux, heureuse­ment trans­férés de prison en France. Comme je l’ai dit, je con­nais­sais son his­toire, j’ai soutenu la cam­pagne con­tre son empris­on­nement, comme celui de beau­coup d’autres, je dois dire, mais je n’avais évidem­ment pas vu les œuvres en direct. Même exposées dans des con­di­tions non idéales, j’ai tout de suite été frap­pée par la puis­sance des œuvres : j’ai pen­sé qu’il fal­lait faire con­naître cette œuvre, qu’il fal­lait lui don­ner une dig­nité artis­tique quelles que soient les con­di­tions par­ti­c­ulières dans lesquelles elle était produite.

J’ai donc écrit un arti­cle pour East West, dans lequel j’ai essayé de racon­ter, non seule­ment son his­toire plus en détail, mais aus­si son proces­sus artis­tique. Cet arti­cle a été inter­cep­té par Mim­mo Cortese, un activiste de Bres­cia qui tra­vaille aus­si pour la munic­i­pal­ité, qui m’a demandé si je pou­vais organ­is­er une expo­si­tion dans sa ville, à l’oc­ca­sion du Fes­ti­val de la Paix. Et il en fut ainsi.

Zehra Doğan. Muğ­dat Ay, tué à l’âge de 12 ans à Nusay­bin, févri­er 2016.
Mai 2018, prison de Diyarbakır, 144 x 92 cm, sty­lo bille, thé, sur servi­ette de bain.
Crédit pho­to : Jef Rabillon

EB : L’ex­po­si­tion au Musée de San­ta Giu­lia a un titre élo­quent : “Nous aurons aus­si des jours meilleurs” — Zehra Doğan — Tra­vail dans des pris­ons turques. À bien des égards, c’est une invi­ta­tion à avoir de l’e­spoir, à per­sévér­er. Pou­vez-vous me dire pourquoi vous avez choisi ce titre ? Que voulait exprimer l’artiste ?

ES : Vous avez rai­son, vous avez saisi un aspect très per­ti­nent de sa poé­tique et de sa posi­tion dans le monde. Même si son expéri­ence est dra­ma­tique, même si sa con­di­tion antérieure de pris­on­nière, puis d’ex­il, est cer­taine­ment une con­di­tion douloureuse et pro­fondé­ment injuste, son atti­tude envers le monde est celle de l’op­ti­misme de volon­té, pour citer Gram­sci ; dans la lignée de cette manière pos­i­tive de regarder le monde que le poète Hik­met nous a égale­ment fait remar­quer, lorsqu’il a écrit “Le plus beau de nos jours, nous ne l’avons pas encore vécu” : “pour sa vision du monde le poète turc, né à Salonique au siè­cle dernier, est un guide spir­ituel”. “Ce qu’elle partage avec Hik­met, c’est pré­cisé­ment le grand espoir placé dans l’e­sprit de résis­tance”. Comme le dit Zehra, “être en prison a été un priv­ilège. J’ai pu prou­ver que la résis­tance n’est jamais emprisonnée.”

Le titre a pour but de nous ramen­er non pas au domaine de la vic­tim­i­sa­tion, de la pitié, mais de met­tre le tra­vail de l’artiste exacte­ment à l’op­posé. C’é­tait aus­si un hom­mage au livre qui a été pub­lié simul­tané­ment en France et qui repro­duit l’in­tense cor­re­spon­dance entre l’artiste en prison et Naz Oke, l’ac­tiviste française d’o­rig­ine turque qui a main­tenu le con­tact entre elle et le monde pen­dant sa détention.

Zehra Doğan, “Parçalanmış bir­lik­te­lik” (Union brisée).
2018, Prison de Diyarbakır. 23 x 28 cm, sty­lo bille sur page d’at­las
Crédit pho­to : Jef Rabillon

EB : Dans le texte en pro­fondeur du cat­a­logue, vous trou­verez des his­toires sur la façon dont l’art est devenu un instru­ment pour l’artiste en tant que ” proces­sus de rela­tion avec les autres pris­on­niers : con­stru­ire des rela­tions, résis­ter à la répres­sion, expéri­menter des manières col­lec­tives de faire de l’art. Zehra Doğan, dans ses années de prison, bien qu’il ait été très dif­fi­cile de trou­ver des couleurs, des pig­ments, des sup­ports pour dessin­er, n’a jamais cessé de le faire, tout comme elle n’a jamais cessé de se con­fron­ter aux autres, de partager la souf­france mais aus­si l’e­spoir. Quelles con­tri­bu­tions, y com­pris les con­tri­bu­tions pra­tiques, les détenus qu’elle a ren­con­trées ont-ils apportées ?

ES : L’aspect rela­tion­nel est inhérent au tra­vail de Zehra, qui est d’abord fémin­iste. C’est un aspect qui est sou­vent sub­tile­ment cité comme super­flu, alors qu’au lieu de cela, c’est une clé pour com­pren­dre même son art de faire de l’art. Ce n’est pour Zehra que dans la rela­tion, que l’art existe prend de l’im­por­tance, que cela peut être vrai. La déten­tion a donc été une occa­sion extra­or­di­naire d’é­couter, de com­par­er, de créer avec d’autres. Ne pas être pro­fesseur, ne pas édu­quer : pour Zehra, l’artiste est sim­ple­ment déten­teur d’une dis­ci­pline esthé­tique. C’est en écoutant les com­men­taires, les visions, mais surtout les rêves et les craintes des autres, que les œuvres que nous voyons à Bres­cia ont été créées. Les pris­on­nières étaient à la fois poli­tiques,  jeunes et âgées. Pour­tant, dans cette micro-com­mu­nauté qui s’est créée à chaque fois dans les trois pris­ons où elle a été trans­férée, un peu de magie a été créée dans le lieu de sup­pres­sion de la lib­erté d’ex­pres­sion et d’ac­tion, où tous les moyens de créa­tion étaient inter­dits, grâce à la con­tri­bu­tion de toutes, dev­enues rebelles. Même dans les œuvres qui ont créé le plus de sen­sa­tion, celles qui ont du sang men­stru­el, il n’y a pas que le sang de Zehra.

EB : Beau­coup des sujets de ses dessins provi­en­nent de tach­es et d’om­bres. Pou­vez-vous me dire en quoi ces motifs sont liés aux “rêves”?

ES : L’élé­ment onirique est très présent, parce que non seule­ment on ne peut pas empris­on­ner le rêve, mais il con­stitue dans une expéri­ence comme celle de l’emprisonnement, dans laque­lle les images nous sont enlevées (pas seule­ment la télévi­sion ou les images en mou­ve­ment en général, mais aus­si celles des livres et des mag­a­zines), il devient le seul dépôt où puis­er. Le partage des rêves a été un moment très impor­tant pour le groupe de détenues. Et lorsqu’une tache a été créée, dans un proces­sus qui peut rap­pel­er l’une des tach­es de Rorscharch, le proces­sus pro­jec­tif qui a con­duit à la créa­tion de l’œu­vre a égale­ment été partagé et est sou­vent par­ti de l’ex­péri­ence onirique. Par­fois, il peut aus­si être ren­ver­sé : c’est-à-dire que le dessin créé la veille est devenu la matière du rêve de quelqu’un, a acquis une nou­velle vie. La dif­férence entre cette créa­tion artis­tique et des expéri­ences sim­i­laires que l’art con­tem­po­rain a con­nues (par exem­ple, les proces­sus des sur­réal­istes ou les gouttes par rap­port à la tache) est qu’i­ci l’ac­tion est déter­minée par un con­texte spé­ci­fique, par une com­mu­nauté par­ti­c­ulière et spé­ci­fique, est le résul­tat d’un dis­posi­tif de répres­sion qui, cepen­dant, a été sec­oué à l’intérieur.

Zehra Doğan.
Vue d’in­stal­la­tion — Avec l’aimable autori­sa­tion de la Fon­da­tion Musées de Brescia.

EB : Café, cur­cuma, sang men­stru­el, jus de grenade, thé, cen­dre de cig­a­rette, javel­lisant : autant de sub­stances util­isées par l’artiste pour dessin­er. Com­ment choi­sis­sait-elle ces “couleurs” inhab­ituelles ? Ont-elles une valeur symbolique ?

ES : Il n’y a pas de choix, il est fait par les con­di­tions dans lesquelles on le trou­ve. C’est un aspect inhérent à son tra­vail, elle est capa­ble de le faire même quand il est gra­tu­it… Je l’ai vue dessin­er avec du vin, à une table, dans une trat­to­ria… Mais dans l’œu­vre de Bres­cia, elle a une valeur par­ti­c­ulière, parce que, comme je l’ai dit, les matéri­aux sont déter­minés par cet espace, celui de la prison. Cer­tains matéri­aux sont par­ti­c­ulière­ment impor­tants pour elle, comme la terre qu’elle a util­isée dans une œuvre, récupérée en lavant des salades, parce qu’elle cher­chait quelque chose qui fai­sait référence à ce qui man­quait le plus entre les murs d’une cel­lule, ou la rela­tion à la nature. Mais en même temps, de son pro­pre aveu, oui, les matéri­aux sont impor­tants, mais ce qui compte, c’est le tra­vail que vous voyez.

EB : La fig­ure fémi­nine qui émerge de l’imag­i­na­tion de l’artiste est sou­vent représen­tée tor­due, défor­mée, accrochée à des mass­es de matière ; par­fois le corps est dess­iné en frag­ments, par­fois il est amoin­dri ou défig­uré. Quel est votre point de vue sur ce corps “tour­men­té et offensé” ?

ES : Je pense qu’il y a un aspect ambiva­lent à ce corps féminin. La présence du corps dans les œuvres de Zehra n’est pas voyeuriste. Il n’y a pas de recherche de l’éter­nel féminin, pour repren­dre les mots du Faust de Goethe. Il n’in­téresse pas ce corps, celui qui jus­ti­fie le désir mas­culin. Le corps des femmes est puis­sant, ambiva­lent, elles s’im­posent sans crainte de mon­tr­er leur pro­pre dif­for­mité ou agres­siv­ité. Il y a sou­vent, par exem­ple, la présence d’un oiseau de proie ou de harpie, qui ren­voie pré­cisé­ment à cet aspect ambigu : l’aspect pré­da­teur, mais aus­si celui de grande puis­sance. L’aspect sur lequel le corps féminin insiste le plus, ce sont les yeux, qui peu­vent être totale­ment ouverts, obses­sion­nels, ou au con­traire fer­més, et les pieds, qui pren­nent par­fois la forme de pieds d’oiseau. Dans la majorité des cas, au con­traire, les autres élé­ments font par­tie d’un tout, jamais sin­guli­er, tou­jours pluriel, par rap­port aux autres organes. Quelque chose qui nous échappe peut-être, rechute main­tenant dans une expéri­ence de vie forte­ment indi­vid­u­al­iste et autoréférentielle.

Zehra Doğan. Pales­tine, 8 juin 2019, Lon­dres.
92 x 97 cm, mélanges naturels sur toile
Crédit pho­to : Jef Rabillon

Per­for­mance réal­isée par Zehra Doğan au Musée San­ta Guil­ia à Bres­cia, le 25 novem­bre 2019, lors de la journée inter­na­tionale con­tre les vio­lences faites aux femmes. Hom­mage de femmes ren­du à Havrin Khalaf

  • Zehra Dogan

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