Bar­baros Şansal, qui se qual­i­fie lui-même d’appren­ti tailleur, est un des noms con­tes­tataires les “plus en vue” en Turquie…  Pour avoir partagé une vidéo ironique sur les réseaux soci­aux, il fut dénon­cé comme cible, puis vic­time d’une ten­ta­tive de lyn­chage organ­isée, à l’aéro­port Atatürk (Istan­bul). L’af­faire a été portée devant le tri­bunal. Il n’au­rait même pas dû pass­er un seul jour en prison, mais il a été quand même incar­céré.  Il a passé 56 jours en cel­lule, à la prison de Silivri, à Istanbul.

Bar­baros se porte au devant, dans toutes les march­es et protes­ta­tions, aus­si bien pour dire “Non à la guerre” que pour deman­der la jus­tice pour l’as­sas­si­nat de Berkin Elvan“Le Droit est trans­for­mé en une arme que le pou­voir utilise con­tre les opposantEs” dit Bar­baros, “ce n’est qu’une péri­ode, et elle passera. Le Droit est un sac vide. Vous récolterez ce que vous y mettrez”


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Reportage de Yavuz Özcan pub­lié en turc le 5 décem­bre 2019 sur Yeni Özgür Politika

Vous avez déjà été jugé en 1980, vous aviez été tor­turé, à Sansaryan1, et vous aviez été obligé de quit­ter la Turquie. A cette époque, de quoi aviez-vous été accusé ?

La per­sé­cu­tion avait com­mencé déjà avant 1980. Autour de 1975, suite au fait que les dif­férentes coali­tions poli­tiques ne puis­sent résoudre les prob­lèmes dans le pays, les uni­ver­sités, et même les lycées étaient poli­tisés et la rue s’é­tait trans­for­mée en lice. Egale­ment, à cette époque, le fait que le ciné­ma turc pro­pose au pub­lic des films éro­tiques, tel un opi­um, avait éveil­lé des ques­tion­nements moraux, et comme d’habi­tude avait trans­for­mé les homo­sex­uelLEs en cibles. A cette époque, je por­tais des “con­vers­es” rouges, je fus alors accusé d’être com­mu­niste.  J’ai mis 9 ans pour sor­tir de ce trau­ma­tisme, avec un exil volontaire.

Y a‑t-il d’autres exem­ples d’un tel sys­tème de justice ?

Le Droit est un sac vide. Vous récolterez ce dont vous le remplirez.

Le fait que les lég­is­la­tions issues des traités inter­na­tionaux qui, dans le sens uni­versel, con­cer­nent même le Droit civ­il, la jurispru­dence et les con­sti­tu­tions, soient inter­prétées par des gou­verne­ments devenus cal­i­fats de prof­its, peut naturelle­ment ren­dre le Droit, sub­jec­tif et non fonc­tion­nel. Une fois les insti­tu­tions poli­tiques trans­for­mées en hold­ings com­mer­ci­aux, la pré­somp­tion d’in­no­cence peut être rangée au placard.

La République turque n’est pas actuelle­ment un Etat de Droit. La bizarrerie de décrets à valeur de droit (KHK), l’é­tat d’ex­cep­tion (OHAL), les pra­tiques arbi­traires, et le sys­tème de “témoins secrets” et “infor­ma­teurs”, ren­dent le fonc­tion­nement de la jus­tice encore plus dif­fi­cile. Quant aux exem­ples, comme dans le nou­v­el ordre mon­di­al, partout, on voue un culte à l’ar­gent et au pou­voir, la jus­tice de dieu reste comme la bonne for­tune dans le paquet chewing-gum.

Y a‑t-il des gens qui vous dis­ent “tu es bouc-émis­saire, nous ne te don­nons plus de droit de vie dans ce pays, va-t-en” ?

Dans l’en­chaîne­ment de prise de cible, fauss­es dénon­ci­a­tions, fauss­es preuves, procès préju­di­cia­bles, impunité, crimes haineux, men­aces, vio­lences, voire extor­sions, agres­sions, sur-ajouté de har­cèle­ment et viol, je peux subir tout… Mais cela ne veut pas dire qu’ils vont gag­n­er. J’aime la lutte.

Vous êtes LGBTI, athée, social­iste, écol­o­giste… Vous portez cette chaîne, ce col­lier autour de votre cou…

Ce que vous citez n’est pas un col­lier. Un col­lier est un bijou pour les first lady. Les miens, sont des médailles, une médaille d’hon­neur pour l’hu­man­ité. Dans des pays comme la République turque, vous pou­vez devenir pour cer­tains “bouc-émis­saire”, pour d’autres “celui qu’il faut mas­sacr­er” ou encore “un héros”… Vous pou­vez per­dre de l’ar­gent, votre méti­er, ou votre répu­ta­tion. Süley­man Demirel2 dis­ait “A la répu­ta­tion, il n’y a ni intérêt, ni économie. Elle existe ou pas”. Je ne peux exprimer que ceci ; ceux et celles qui sont dans ce com­porte­ment agres­sif, changent, lorsqu’il est ques­tion d’in­térêt en affaire, affec­tive, sex­uelle ou physique. De l’homme religieux qui déclare sa flamme, à l’épouse de min­istre qui rêve de robes gratis, toutes et tous, se com­por­tent tout à fait dif­férem­ment de ce qu’ils expri­ment ou de ce qu’ils mon­trent. L’im­pu­dence et la trans­gres­sion présentes dans leurs gènes, se cabrent presque…

Lorsque vous étiez en prison, les avo­cats de Sela­hat­tin Demir­taş sont venus vous ren­dre vis­ite. Vous y attendiez-vous ?

Pourquoi ne l’at­tendrais-je pas ? Je lui avais ser­ré la main lors de la com­mé­mora­tion pour Berkin Elvan dans le Cemevi3à Okmey­danı (Istan­bul). Mer­al Danış Beş­taş était dans ma cel­lule voi­sine. Demir­taş est un mon­sieur que j’ap­pré­cie et que je suis. Un père de famille exem­plaire, un défenseur de droits et de lib­ertés. Ses avo­cats sont venus en vis­ite, un soir, dans les heures tar­dives, en retour de la prison d’Edirne [où il est incar­céré]. Je pense que le min­istre [de Jus­tice] a du don­ner une per­mis­sion par­ti­c­ulière. Comme pen­dant ma péri­ode d’in­car­céra­tion injuste, ils cher­chaient des liens [pour utilis­er comme preuves à leur accu­sa­tion], ils ont mis en écoute toutes mes vis­ites avec les avo­cats, députéEs et autres vis­i­teurs. N’y trou­vant aucun lien avec une organ­i­sa­tion [illé­gale] ni rien du tout, ils étaient très déçus. Ils m’ont fait libér­er en pleine nuit, et m’ont fait acquit­ter. En prison, j’ai eu les vis­ites de plusieurs éluEs, et insti­tu­tions, dont, İlh­an Cihan­er, Sez­gin Tan­rıku­lu, Atil­la Ser­tel, Zeynep Altıok Akatlı [députéEs du CHP], Tun­cay Özkan , Hakan Aygün [jour­nal­istes, auteurs], les avo­cats du procès du quo­ti­di­en Cumhuriyet, le Bar­reau d’An­talya…  Par con­tre dans les mil­liers de cour­ri­ers qui m’é­taient des­tinés, seul 4 m’avaient été don­nés. Par ailleurs, mal­gré le rap­port médi­cal, j’é­tais privé de soins. Je fai­sais con­nais­sance à nou­veau avec le vis­age rude et out­rageant de l’Etat.

Vous avez été expul­sé de Chypre [du nord] après avoir pub­lié une vidéo sur les réseaux soci­aux. Arrivé à l’aéro­port Atatürk à Istan­bul, vous avez subi une ten­ta­tive de lyn­chage. Pourquoi tout cela vous est-il arrivé ?

Barbaros ŞansalJ’ai été expul­sé de Chypre illé­gale­ment, et sur sim­ple ordre. Avec le procès n° 31/2017 que j’ai ouvert auprès la Cour Admin­is­tra­tive Suprême du Chypre du Nord, à l’en­con­tre du min­istère des affaires intérieures et les min­istres, j’ai prou­vé cette illé­gal­ité inhumaine.

J’avais cri­tiqué les abus sur les enfants, les pots de vin, les jour­nal­istes empris­on­néEs, les com­mu­niqués de l’is­lam rad­i­cal, et les gou­verne­ments qui se mêlaient des affaires intérieures d’autres pays, avec un humour noir, un style sar­cas­tique.  C’é­tait juste les pre­mières heures de l’an 2017. Mais cette nuit là, il y a eu l’at­ten­tat du club Reina. Une opéra­tion a com­mencé le 1er jan­vi­er. D’une façon organ­isée, telle l’ingénierie de la per­cep­tion, mon partage a été mon­tré comme si je l’avais pub­lié après l’at­taque de Reina. Des tweets qui ne m’ap­par­ti­en­nent pas, ont été créés avec des fauss­es copies d’écran. Et le 2 jan­vi­er, la sit­u­a­tion tendait vers une grande indig­na­tion. Mal­gré le fait que nous avions porté plainte con­tre Cem Küçük, Maran­ki, Alişan et d’autres noms qui me mon­traient comme cible, les plaintes n’ont pas été mis­es en procédure.

L’A­gence Ana­toli­enne [agence d’in­for­ma­tion éta­tique], a pub­lié mes infor­ma­tions privées appar­tenant à Turk­ish Air­lines. A mon arrivée, accom­pa­g­né par la police chypri­ote, pour être mis en garde-à-vue, par les policiers de la direc­tion de la sécu­rité d’Is­tan­bul, j’ai subi une ten­ta­tive de lyn­chage à mort, par les per­son­nels des TGS 4, Turk­ish Tech­nic5, TAV 6, EGM 7, Havaş 8, Çelebi 9, en com­pag­nie des policiers de l’aéro­port [extrait de la dépo­si­tion auprès du tribunal].

Pen­dant que j’é­tais agressé,  j’ai été aus­si dépouil­lé. Les affaires que je por­tais, de mes chaus­sures jusqu’à la mon­tre en or à mon poignet, ont disparu.

Le préfet d’Is­tan­bul Vasip Şahin a pro­tégé les policiers en poste, à tra­vers un décret à valeur de loi. L’ou­ver­ture d’un procès pub­lic a pris plus de deux ans. Dans la deux­ième audi­ence il n’y avait ni les accusés, ni le juge. L’au­di­ence a donc été remise à trois mois plus tard. La prochaine se déroulera en févri­er 2020. Depuis toutes ces années, l’im­punité règne. Mais tout cela est arrivé parce que j’ai écrit sur la pas­sion de jeu d’une femme de l’AKP. Pen­dant qu’elle exhibait les dol­lars tel des éten­dards sur des tables de jeux, ses proches entas­saient les dol­lars du public.
Au fait, l’at­ten­tat de Reina, qu’est-il devenu ?

Après votre expul­sion, com­ment avez-vous con­sid­éré le com­porte­ment du gou­verne­ment de Chypre ?

J’ai un passé à Chypre, depuis 1965. J’y ai beau­coup d’amiEs, aus­si bien dans le Chypre du nord que celui du sud. J’y vais encore, et j’y pos­sède de l’im­mo­bili­er. La lev­ée de l’im­mu­nité de Hüseyin Özgürgün, le Pre­mier Min­istre de l’époque, n’est pas un hasard. Mais ce qui est étrange, autant j’ai reçu du mal et de l’il­lé­gal­ité de la part des gens de Turquie, ou qui tra­vail­lent pour la Turquie, dans le Chypre du nord, autant, dans le Chypre du sud, et de la part des turcs de Chypre, j’ai reçu seule­ment de l’ami­tié, d’af­fec­tion et de respect. Cela fait réfléchir. Pour les gou­verne­ments de Chypre du nord, ce que la République de la Turquie dit, c’est évangile.

Vous n’avez pas con­som­mé les repas four­nis par la prison. Pourquoi ?

En prison, vous ne pou­vez pas dépenser plus de 300 Livres turques [équiv­a­lent de 46,93€ à ce jour]. Le min­istère de la Jus­tice ne l’au­torise pas. Et cette somme com­prend égale­ment, les frais de jour­naux, tabac, pro­duit de toi­lette per­son­nel, pro­duits de net­toy­age, et tous autres frais. [Le jour­nal­iste] Tun­cay Özcan avait per­du un rein dans la prison de Silivri. Pen­dant la durée de la quar­an­taine, ils ont essayé de me don­ner des médica­ments par la force. Et moi, j’ai refusé les repas de la prison, y com­pris le pain, parce que “le pain que por­tait Berkin était tâché de sang“10.J’ai essayé de sur­vivre en achetant de la nour­ri­t­ure embal­lée à la can­tine, avec mes pro­pres moyens.

Vous auriez pen­sé que votre partage aurait généré tout cela ?

Dans la République de la Turquie, même si vous ne partagez rien, tout peut vous arriv­er. Dans ce pays, Lale Oraloğlu, [comé­di­enne] a été empris­on­née pour une assi­ette en porce­laine 11. Le réquisi­toire d’Osman Kavala 12 n’ex­iste tou­jours pas. Le procès de l’Amnesty Turquie, Tahir Elçi13, Hrant Dink14 Behice Boran15, Uğur Mum­cu16Jour­nal­iste, auteur, assas­s­iné en 1993[/footnote]… Tout est à leur gré. La sécu­rité de vie et de bien, n’a jamais été autant piét­inée à aucune péri­ode. Je ne par­le même pas d’opin­ion ou d’expression.

Qu’avez-vous ressen­ti en vous faisant arrêter ?

Mon dossier était un dossier sur ordre. Comme j’avais déjà vécu des arresta­tions, je m’é­tais habitué. Il était évi­dent aus­si, que l’in­térieur était plus sécurisant que l’ex­térieur. Ceux qui me voulaient mort, me voulaient alors en isolement.

Et si je vous demandais où va la Turquie ?

Ma grand-mère dis­ait “Sur le dos d’un présage, avançons vers l’apoc­a­lypse”. Pour moi, elle va vers l’in­con­nu. Mais ça doit s’amélior­er. La République turque pos­sède une struc­ture à fortes dynamiques.  Elle ne peut pas être vue isolée du monde. Les notions comme le racisme, le nation­al­isme, l’eth­ni­cisme, l’in­té­grisme, font ven­dre seule­ment par men­su­al­ités, à taux d’in­térêt. Or, le prix de cette com­mer­cial­i­sa­tion pèse à la fin, tou­jours lourd.

Ces 17 dernières années, c’est l’AKP qui est au pouvoir…

Devri­ons nous dire, mille dernières années, ou même 12 000 années comme Hasankeyf, ou encore 15 000  années comme Göbek­li Tepe ? Si un pays est arrivé à un tel état d’être, celles et ceux qui vivent dessus, les citoyenNEs, en sont les pre­miers respon­s­ables. Ils-elles sont dirigéEs comme ils-elles le méritent.

Nous savons que vous êtes anti-guerre et nous con­nais­sons vos actions dans ce sens. Que vous voulez-vous dire à pro­pos de ce que les Kur­des subis­sent à la fois ici en Turquie, aus­si bien qu’en Syrie ?

Seule­ment en Syrie ? Burk­i­na Faso, Soma­li, Libye, Con­go, Rwan­da, Rohingya, Cachemire… Seule­ment les Kur­des ? Arméniens, Yézidis, Alévis, LGBTIQ, Juifs, Chré­tiens, Musul­mans… La guerre apporte sang et mort, génère souf­france et haine. Quant à la paix, amour, respect et tolérance. La guerre con­tin­uera aus­si longtemps que les monopoles de chimie et les pro­duc­teurs d’armes fer­ont à tra­vers les médias, élire ceux à qui ils peu­vent faire faire ce qu’ils veulent.

Barbaros ŞansalQu’avez-vous vécu dans la prison ?

Pour ce que j’ai vécu dans la prison, il n’y aura pas d’assez de place ici. Mais celles et ceux qui le souhait­ent, peu­vent être mon invitéE, dans ma cel­lule, en lisant mon livre “Makam Odası / Linç” paru [en turc] chez Destek Yayın­ları. Il est pos­si­ble qu’on ne le trou­ve pas dans les librairies, car il dérange cer­taines per­son­nes. Mais vous pou­vez le lire en  vous le procu­rant sur Inter­net. [Note de Kedis­tan : 8ème édi­tion fraîche­ment parue, vous pou­vez com­man­der ici, dans très peu de temps.]

Ressen­tez-vous actuelle­ment une crainte pour votre sécu­rité de vie ?

La République turque me four­nit soit dis­ant, “une pro­tec­tion à la demande”. Mais en fait, c’est être accom­pa­g­né con­tin­uelle­ment d’un indic qui met­trait ma vie en dan­ger. Je ne fais pas con­fi­ance. Avec une opéra­tion organ­isée, dans un aéro­port inter­na­tion­al, ils m’ont mis nez à nez avec la mort. Et main­tenant, ils pro­tè­gent les organ­isa­teurs et exécuteurs.

De nom­breux jour­nal­istes, écrivainEs, intel­lectuelLEs sont en prison pour avoir cri­tiqué le gou­verne­ment. Qu’en pensez-vous ?

La Jus­tice peut être utile à tout le monde, un jour. Je ne donne pas de crédit à la phrase “le Droit est la pros­ti­tuée du pou­voir”. Pour moi, on peut le qual­i­fi­er de “maque­reau”. Tout comme ceux qui, dès que le pou­voir est en perte de force, cherchent de nou­veaux cap­i­taux et clients… A chaque coup d’E­tat, c’est la même chose.

Vous vous qual­i­fiez d’ap­pren­ti tailleur. C’est de la modestie ?

Si vous n’êtes pas dérisoire avec vous-même, la vie se moque de vous. Dans un milieu où des maitress­es de nan­tis, des non com­pé­tents sans mérite sont appeléEs styl­istes de mode, j’es­saye d’ex­primer que mon méti­er est celui de tailleur. Comme mon maître Yıldırım Mayruk est encore en vie et qu’il se qual­i­fie tou­jours comme “tailleur” com­ment voudriez-vous que je me présente ?

En tant que styl­iste ayant fait la prison, que pensez-vous de la pra­tique de “vête­ment unique” en prison ?

La cos­tume est une par­tie des arts de spec­ta­cle. L’u­ni­forme rend tou­jours plus petit celui qui se glisse dedans. Surtout s’il est pro­duit sans réfléchir sur sa fonc­tion, son entre­tien et répa­ra­tions. Vous finis­sez par puer. Si au 21ème siè­cle, la société se cherche encore de la répu­ta­tion à tra­vers des vête­ments, c’est parce qu’elle a honte de sa nudité.

Vous êtes l’en­fant d’une famille de l’élite. Com­ment votre déci­sion de devenir tailleur a‑t-elle été accueillie ?

En vérité, ce n’est pas moi qui ai décidé. Avec ma grand-mère pater­nelle à 7 ans, j’ai com­mencé de fait. Mais j’ai ajouté des vari­a­tions ; pro­duc­tion, choré­gra­phie, écri­t­ure, col­lec­tions… Je me suis enrichi avec mes hob­bies. Par ailleurs, je suis con­tre la notion de “famille élite”. Ce que vous appelez les  “élites”, ne sont que ceux qui se font élire.

Ce que vous avez subi, avait-il en vérité l’ob­jec­tif de créer la peur au tra­vers de votre expérience ?

Seule­ment à tra­vers moi ?

La peur est leur enne­mie. L’en­ne­mie des hyènes com­plo­tistes, pas la mienne.

Ceux qui m’in­sul­tent ou mentent, je les expose sur les médias soci­aux. Et je croise cer­taines gâchettes dans dif­férents milieux. Sont nom­breux ceux d’en­tre eux qui me deman­dent “si je couche avec toi, com­bi­en tu me paies?”. La Turquie, c’est ça !

En Turquie, y a t‑il à part vous, d’autres per­son­nes qui arrivent à exprimer “je suis homo­sex­uel” avec autant d’ai­sance que vous, et même à le “hurler” ? D’où vous vient ce courage ?

Je ne sais pas, je n’ai jamais pen­sé à cela. Je ne me suis pas occupé non plus de ce que les autres penseraient. Oui, en ce qui con­cerne mon ori­en­ta­tion et mon corps, je suis libre. Je suis en paix avec moi-même. De toutes façons, à part cela, il n’y a pas une seule zone de mou­ve­ment sur laque­lle l’E­tat n’in­ter­vient pas. ils peu­vent même vous cir­con­cire avant que vous n’ayez une con­science. Et dans la République turque, il y a très peu d’ho­mo­sex­uellEs. Les autres se qual­i­fient ; “je suis act­if”.

Si ne pas avoir peur est une chose qui néces­site courage, c’est un trait de car­ac­tère. Je cal­cule, non pas ce qui doit rester dans ma vie, mais ce et ceux qui doivent la quit­ter. Et je ne me résilierai pas tant qu’on n’en­lèvera pas mon droit à la vie.

Pen­dant la révolte de Gezi, vous avez rival­isé avec les meilleurs jour­nal­istes. Vous avez fait des heures de direct. Auriez-vous une âme de journaliste ?

Gezi est le point de rup­ture de ces ter­res. Le fait qu’ils mâchent Gezi tel un chew­ing-gum encore aujour­d’hui, qu’ils cherchent des “forces extérieures”, c’est en vain. avec 10 mil­lions de par­tic­i­pantEs, il s’ag­it de la plus grande résis­tance sociale de l’his­toire de la République [turque].


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