Aslı Erdoğan fut libérée de prison fin décem­bre 2016. Un élan inter­na­tion­al de sou­tien et de sol­i­dar­ité con­crète s’é­tait aupar­a­vant dévelop­pé dans le monde entier pour elle. Sa mise hors de la case prison ne signa pour­tant pas la fin des procé­dures judi­ci­aires entamées con­tre elle, avec, tou­jours la men­ace d’une con­damna­tion à perpétuité.

Cette femme, autrice, qui par human­isme et respon­s­abil­ité s’é­tait pronon­cée con­tre les dis­crim­i­na­tions et injus­tices et leurs con­séquences, con­tre un nation­al­isme destruc­teur des iden­tités des peu­ples, qui, his­torique­ment ont com­posé la mosaïque de la Turquie, le pays qui l’a vu naître, fut de fait con­damnée à l’ex­il. Le procès, et celui d’autres avec elle, s’en­lise dans les arcanes de la jus­tice turque.

Cette cam­pagne de sou­tien avait été un porte voix pour dénon­cer alors toutes les injus­tices, arresta­tions, atteintes aux droits, qui défer­laient en Turquie. Aslı Erdoğan fut, mal­gré elle, por­teuse d’une prise de con­science. Très affec­tée par l’emprisonnement et avec une san­té dégradée, il fut heureux qu’elle trou­ve en Europe un havre où ten­ter de se reconstruire.

Une écrivaine de son enver­gure ne pou­vait cepen­dant se taire et tourn­er les yeux ailleurs, alors que la Turquie s’en­fonce dans l’hys­térie mil­i­tariste et nation­al­iste, et joue le rôle que l’on con­naît dans l’ex­ac­er­ba­tion des crises régionales. Elle prof­i­ta donc des ouver­tures de parole qui lui furent offertes, depuis 2017, lors de remise de prix, lors de salons de livres, de conférences.

Jusqu’alors, les pris­es de parole furent relayées dans le respect des mots qu’elle prononçaient.

Prin­ci­pale­ment Aslı s’ex­prime en langue anglaise ou dans sa langue natale.

Ses analy­ses ne flir­tent jamais avec le sen­sa­tion­nal­isme, mais sont le fruit d’une con­nais­sance forte de la Turquie, de l’his­toire européenne et de sa sen­si­bil­ité human­iste. Donc, les mots qu’elle utilise sont pesés, choi­sis et à l’im­age de l’autrice qu’elle est. Rap­pelons que la pré­ci­sion, dans la sit­u­a­tion qui est la sienne, alors qu’elle était sous le coup d’une per­pé­tu­ité en Turquie, est aus­si un moyen de ne pas fournir d’armes à ses détracteurs et ceux qui voudraient la voir der­rière des barreaux.

Aus­si, lorsque nous avons vu appa­raître autour d’elle ce qu’il est con­venu d’ap­pel­er les “chercheur-ses de lumière”, égos de toute nature voulant prof­iter d’une notoriété, comme tou­jours dans ces cas là, avions nous décidé de ne pas ajouter les sol­lic­i­ta­tions jour­nal­is­tiques à ce tour­bil­lon d’un fan club dont elle se serait passée volon­tiers. La nature humaine est ain­si faite qu’elle sème ses graines inutiles sur la mis­ère des autres, lorsqu’elle appa­raît en pleine lumière, dans l’e­spoir d’avoir, au mieux un self­ie, au pire une gloire per­son­nelle auto-proclamée. Sur les cam­pagnes de sol­i­dar­ité aux­quelles Kedis­tan a par­ticipé, nous avons croisé cer­tainEs de ces spéci­mens recon­naiss­ables, et nous pour­rions presque en faire un livre. Ras­surez-vous, nous avons aus­si ren­con­tré tant de per­son­nes sincères que leur album dépasserait de très loin le premier.

Nous ren­voyons à un arti­cle précé­dent sur ce qui fut à l’o­rig­ine d’un lyn­chage médi­a­tique d’Aslı, cam­pagne de dén­i­gre­ment et men­aces qui se pour­suit d’ailleurs. Une cer­taine volon­té jour­nal­is­tique de “bien faire”, cou­plée à l’en­vie de faire de l’au­di­ence a déclenché une hys­térie dans les médias turcs et sur les réseaux, par manque, juste­ment de pré­ci­sion dans les mots, et de respect et con­nais­sance de la per­son­ne qui les avait pronon­cé. On ne s’im­pro­vise pas traducteurs/trices sur un réseau social et google n’est pas tou­jours un ami pour cela.

Alors, lorsque sur les réseaux soci­aux sur­gis­sent ces jours-ci de nou­velles tra­duc­tions approx­i­ma­tives des pro­pos d’Aslı Erdoğan, émanant de “phalènes indésir­ables”, ten­ant page face­book auto-proclamée, et qui croient bien faire, nous reprenons le clavier, à la demande de l’en­tourage atten­tion­né d’Aslı, pour éviter encore de nou­velles inter­pré­ta­tions et approx­i­ma­tions prop­ices à ren­forcer la calom­nie à son encontre.

Et comme il s’ag­it là d’une réponse à un Min­istre, entre autres, par­ler la langue est préférable plutôt que faire con­fi­ance à Google.


A la presse et à l’opinion publique ;

Ma réponse aux paroles émises à mon propos par Mustafa Safran le vice ministre de l’Education Nationale ;

J’ai trou­vé inap­pro­prié qu’un indi­vidu qui s’ex­prime en représen­tant du Min­istère de l’E­d­u­ca­tion nationale, s’adresse de cette façon à une autrice de son pays, de sa langue, qui a acquis une notoriété au niveau inter­na­tion­al. Mon­sieur le Vice-Min­istre, en util­isant, aux fins de m’hu­m­i­li­er, l’ex­pres­sion “lus­trée pour des jours comme cela”, 1 vous ne m’avez en vérité pas per­son­nelle­ment rabais­sée, mais avec moi beau­coup, per­son­nes et organ­i­sa­tions, qui don­nent de l’im­por­tance à ma lit­téra­ture. Je peux citer les jurys de plus de 20 prix, dont celui de Simone de Beau­voir, le prix de la Cul­ture européenne,  le Vaclav Hav­el, Sait Faik ; plus de 30 maisons d’édi­tions qui pub­lient mes livres, dont Actes Sud et Pen­guin ; des auteurs de répu­ta­tion mon­di­ale (Gün­ter Wal­raf, Ian Mc. Ewan). Votre allé­ga­tion comme quoi toutes ces per­son­nes et organ­i­sa­tions, et au delà de cela, des dizaines de mil­liers de lec­tri­ces et lecteurs, don­neraient de la valeur à mes livres, avec l’in­ten­tion de calom­nier la Turquie, n’est-elle pas exagérée ? Sur quels doc­u­ments faites vous repos­er votre allé­ga­tion, qui con­cerne des dizaines de lecteurs, qui pos­sè­dent des gouts lit­téraires dif­férents, des visions poli­tiques dif­férentes, et que vous ne con­nais­sez pas ?

Lorsqu’en 2016, votre gou­verne­ment a envoyé à ma mai­son 40 policiers armés jusqu’aux dents, dans ma bib­lio­thèque mise en sac, se trou­vaient mes livres traduits jusqu’à ce jour en onze langues. Ces livres ont été pub­liés par des maisons d’édi­tions respecta­bles, comme Acte Sud, Gylden­dal, sélec­tion­nés dans les liste des livres de l’an­née, mis en scène dans des théâtres impor­tants tel La Scala.

Vous êtes le Vice-Min­istre d’un gou­verne­ment qui me juge avec la demande de per­pé­tu­ité, et qui a envoyé les policiers des forces spé­ciales à la mai­son d’une autrice qui a reçu son pre­mier prix lit­téraire à 23 ans, qui a été sélec­tion­née par­mi les “50 écrivains qui mar­queront la postérité de la lit­téra­ture mon­di­ale” !  Je suis con­sciente que le fait d’abor­der avec vous, la lib­erté de penser et d’ex­pres­sion est un vain effort. Mais si vous avez une con­vic­tion sur le mot “Edu­ca­tion” qui se trou­ve dans le nom de votre min­istère, vous avez l’oblig­a­tion d’être un peu plus ouvert à la cri­tique, et d’être respectueux de la lit­téra­ture, de la cul­ture, et au delà de tout, de la lib­erté de penser. Tant que vous ne vous ne pren­drez pas en compte ces oblig­a­tions, vous ne pour­rez pas expli­quer com­ment cette société de lyn­chage a pu naître de notre sys­tème d’é­d­u­ca­tion que vous choyez tant. Selon moi, cette expli­ca­tion se trou­ve dans le fait que tout ce monde qui s’ap­puie aux pou­voirs, aux sit­u­a­tions bureau­cra­tiques, et même sur les forces de sécu­rité, puisse enchain­er sans pudeur des mots qu’il pense comme des insultes à l’en­con­tre d’un auteur. Moi, en tant qu’autrice, je n’ai fait que tenir un miroir face à vous. Et le fait de bris­er en morceaux un miroir, avec colère, ne change, hélas, le vrai vis­age de personne.

Cor­diale­ment

11.11.2019
Aslı Erdoğan


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