Je vais encore user de ma totale mau­vaise foi pour vous par­ler de deux choses en apparence loin­taines, la Turquie et l’Art contemporain.


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Se tient en effet en ce moment à Istan­bul, depuis le 14 sep­tem­bre, une Bien­nale, 16e du nom, tan­dis qu’on inau­gure aus­si un musée et que des galeries “osent” expos­er des artistes qui font autre chose que du macramé ana­tolien ou de la poterie ou céramique ottomane revis­itée, chère au coeur de notre autocrate.

Mes vieux os ne me per­me­t­tant pas d’aller et venir tous les jours dans ces espaces d’ex­po­si­tions qui refleuris­sent à l’oc­ca­sion de cette foire com­mer­ciale d’Art con­tem­po­rain, je me suis donc pour l’essen­tiel rabattue sur des arti­cles parus, (en Anglais s’il vous plaît), ça et là.

Et, comme il ne s’ag­it pas de la presse du Reis, je m’at­tendais à y trou­ver une vraie cri­tique libre de cet Art con­tem­po­rain qui fait telle­ment sem­blant en Turquie, pour ne pas se retrou­ver dans le viseur des puissants.

Je ne sais pas moi, mon­tr­er un artiste qui se coud les lèvres et se lie les mains, plutôt qu’un cube vert cen­sé représen­ter un opti­misme sur un avenir de dans dix ans…

Le titre de la bien­nale de Nico­las Bour­ri­aud, con­ser­va­teur français est “Le Sep­tième Continent” .

Le Français a choisi de par­ler “Ecolo­gie”.

Il a demandé à 56 artistes d’être en réso­nance avec les îles flot­tantes de déchets plas­tiques des océans…

Sujet fort, qui m’as mise, moi, en réso­nance avec le fait que la France en était aus­si pour­voyeuse pour la Méditerranée.

Mais le Bospho­re n’est pas en reste non plus, rassurez-vous.

Mais peut être que le Nico­las voulait de façon sub­lim­i­nale faire penser aus­si à Hasankeyf, ce bar­rage, pas de plas­tique, mais de béton, qui engloutit en ce moment une civil­i­sa­tion, alors que le monde regarde ailleurs.

Dans cette foire, “en ter­ri­toire hos­tile”, tout le monde y espèr­erait un renou­veau de la cri­tique que l’Art con­tem­po­rain apporterait au régime de Turquie. Mais atten­tion, une cri­tique à tiroirs mul­ti­ples, pas vis­i­ble au pre­mier coup d’oeil, pas poli­tique, mais forte, bref, com­mer­ciale­ment com­pat­i­ble et sans tick­et pos­si­ble pour la case “emmerde­ments”…

On causera donc Art plas­tiques… Avec les accents de Guat­tari pour le côté jar­gonnant qui déguis­era l’au­to-cen­sure à la turca.

Parce que atten­tion, il y a aus­si des artistes de Turquie. 

Et là, il faut lire pour savoir qu’ils “destruc­turent le présent pour un autre avenir” dans des instal­la­tions ou des oeu­vres, belles à regarder et mis­es en scène certes, mais pas du tout, alors pas du tout dans la dénon­ci­a­tion ou la résis­tance. Voir et com­pren­dre la destruc­tion du quarti­er de Sur dans une mon­tagne de pneus n’est pas facile… Et pour­tant il paraît… Si on regarde à l’envers…

Bon, moi qui en musique en est restée à Zeki Müren, en ciné­ma à Yıl­maz Güney et en pein­ture à Neşet Günal, je suis très mal placée pour juger vrai­ment nos plus jeunes qui ten­tent une car­rière d’artiste dans notre sclérose ambiante… Mais s’ils/elles ne me don­nent à voir que de l’au­to-cen­sure et s’en vont manger dans la main du régime ou de ceux qui aspirent au pou­voir à sa place en restant dans le nation­al kemal­isme, qu’ils/elles ne comptent pas sur moi pour en dire du bien.

Mais avouez que j’ai du mal à rester gen­tille quand je con­state que nos artistes qui ne sont pas en prison, eux/elles, se con­tre­foutent royale­ment du con­texte dans lequel ils/elles exposent, et nous snobent en bran­lette intel­lectuelle, nous qui n’y com­prenons rien et voyons soi-dis­ant de la poli­tique partout.

Vous allez pou­voir vous faire une idée vous même de cette foire et de ce que j’en ai vu.

Mais je voudrais faire une dernière remar­que, en toute mau­vaise foi encore.

Lorsque je lis sur le net les arti­cles de sites d’Art con­tem­po­rain qui cause de la bien­nale, je remar­que qu’il com­men­cent tou­jours par un lave­ment de mains.… Vous savez, la phrase qui cite Zehra Doğan, la “pau­vre artiste qui fut empris­on­née pour son art”, avec telle­ment de com­pas­sion, puis entre dans le vif du business…

Pas un de ces arti­cles ne se demande pourquoi Zehra Doğan, pour­tant libre aujour­d’hui, ne fig­ure pas dans cette bien­nale d’Is­tan­bul. Elle a pour­tant eu une adresse fixe durant près de trois années où on pou­vait la trou­ver facile­ment et a con­tin­ué à y créer con­tre la cen­sure… avec même des déchets. C’é­tait dans le thème.

Mais je divague, elle n’est paraît-il bonne qu’à faire de la “pornogra­phie de la vio­lence”, comme on com­men­tait récem­ment son instal­la­tion à la Tate Mod­ern de Lon­dres, à par­tir de la Turquie.

La vieille n’y con­naît rien à l’Art con­tem­po­rain, mais elle est pour­tant con­tem­po­raine de cet art, qui ne par­le sou­vent que du nom­bril du monde mon­di­al­isé et se vend dans des foires faites pour ça”. Deleuze l’au­rait écrit non ?


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Mamie Eyan
Chroniqueuse
Ten­dress­es, coups de gueule et révolte ! Bil­lets d’humeur…