Graines d’Is­raël”, c’est ain­si que l’on nomme chez nous les semences un peu trafiquées et brevetées qui ger­ment désor­mais au fin fond de l’Anatolie.


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Je n’ai jamais cher­ché à savoir pourquoi les fab­ri­cants d’a­gent orange qui sévirent au Viet­nam et aujour­d’hui un peu partout se retrou­vent affublés d’un faux nez un peu anti­sémite. C’est Bay­er en plus main­tenant non ? Le four­nisseur des cham­bres à gaz ?

Dans la Turquie con­tem­po­raine, va savoir par quel ori­fice passent les appel­la­tions. En tous cas, c’est une éti­quette… qui n’ap­pa­raît nulle-part sur les éta­lages ici.

Au début des années 2000 encore, on pou­vait tra­vers­er en bus cer­taines plaines d’Ana­tolie, et avoir l’im­pres­sion de voir défil­er en quelques cen­taines de kilo­mètres toute l’his­toire de la paysan­ner­ie céréal­ière de Turquie, du fléau à la moisson­neuse bat­teuse… Les blés sem­blaient alors encore pro­pres et bios du coup, faute de moyens pour se pay­er la moder­nité chimique.

Je me sou­viens que l’UE voy­ait d’un mau­vais oeil entr­er la Turquie dans l’Eu­rope, un peu aus­si du fait de ces gre­niers à céréales cul­tivées par des paysans basanés.

Ras­surez-vous, tout a changé. Un Min­istre des agri­cul­tures avaient d’ailleurs lancé cette phrase “Si on ne reprend pas les champs des mains des paysans, l’a­gri­cul­ture ne pro­gressera jamais”.

Je sais tou­jours pas pourquoi ni com­ment Israël est arrivé là dedans. Mais en tous cas, la belle Europe elle, s’en est mêlée du temps où il s’agis­sait de soutenir Erdoğan devenu soudain l’eu­ropéen au début de ce siè­cle. Les effec­tifs paysans ont un peu fon­dus, et les pro­duc­tions ont pris l’habi­tude des pes­ti­cides et des semences “brevetées” oblig­a­toires… Bon, vous con­nais­sez par coeur tout ça, et ses résul­tats, con­statés chez vous aus­si. Paraît même que vous en êtes à sci­en­tifique­ment mesur­er les dis­tances au delà desquelles il est pos­si­ble d’é­pan­dre la merde sans gên­er l’habitant.

Mais, mais, Emine est arrivée. La grande Emine, la belle Emine.… Ehhe Ehe… Avec son foulard et son grand Erdoğan de mari.

Et voilà qu’elle s’est faite la chantre des “semences d’ancètres”. Si si, “semences d’an­tan, semences ottomanes. Petits paysans, entur­banées des cam­pagnes qui votent AKP, mon­trez-vous sol­idaires de notre cul­ture ottomane”, a‑t-elle clamé, “livrez-nous vos semences cachées, vos semences d’an­tan, lev­ez le voile de vos gre­niers”… Bon, j’avoue, elle ne l’a pas dit comme ça, mais cela revient au même, et a de loin dépassé l’élec­torat bigot.

Et notre beau min­istère des pra­tiques agri­coles a pu ain­si s’emparer de souch­es et les.… brevet­er. Ben oui quoi, autant que tout le monde en prof­ite, et les vendeurs en premier !

Alors, d’Is­raël ou ottomanes, l’achat est oblig­a­toire désor­mais. Et les champs seront bien gardés.

La vente des graines locales et leur cul­ture avait déjà été inter­dite par la “Loi graines” pro­mul­guée en 2006, par le régime AKP. Et bien évidem­ment, cette loi avait déjà per­mis aux entre­pris­es de brevet­er ces graines, et con­damné les paysans à les acheter, les trans­for­mant en larbins de l’agro-industrie.

Après avoir don­né donc un coup de pouce sup­plé­men­taire par la voix d’Emine, les graines locales furent récoltées par l’intermédiaire de l’Etat, et avec la main de com­plices, par­tic­i­pant aux fêtes de troc-de-graines, organ­isées par des ONG et asso­ci­a­tions… Elles ont été non seule­ment brevetées ensuite, mais les “cen­tres de ressources géné­tiques” ont atteint ain­si ces semences très facile­ment. Il n’est pas secret que les grands monopoles de semences met­tent la main sans dif­fi­cultés, sur les grains locaux , en pas­sant par ces “cen­tres de ressources géné­tiques publics” rat­tachés aux insti­tu­tions éta­tiques, mais trop volon­tiers col­lab­o­ra­teurs de l’a­gro-indus­trie chim­ique cen­sée nour­rir la planète. Le régime de l’AKP a per­mis cela d’une façon totale­ment légale lui aus­si, et sans sourciller. 

Petit exem­ple, le blé natif de Mésopotamie, qui y était cul­tivé il y a dix mille ans,et qui s’est éten­du égale­ment sur toute la planète, les pop­u­la­tions ana­toli­ennes, ne peu­vent plus le cul­tiv­er… sans vers­er aux caiss­es de l’agro-business.

Ah Emine, si tu n’ex­is­tais pas, il faudrait t’inventer !

Bien sûr, comme d’habi­tude, tout ceci est le fruit de ma plus totale mau­vaise foi regar­dant le monde. Mau­vaise graine !


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Mamie Eyan
Chroniqueuse
Ten­dress­es, coups de gueule et révolte ! Bil­lets d’humeur…