Le gou­verne­ment turc a annon­cé le rem­plis­sage du bar­rage d’Ilı­su, sur le Tigre, engloutis­sant ain­si le site d’Hasankeyf. Le Tigre naît en Turquie, tra­verse l’I­rak et rejoint le Golfe per­sique. Inutile de sig­naler donc l’im­por­tance de cette ressource en eau pour la région entière.

Mais “Hasankeyf”, (Hes­kîf en Kurde), pour laque­lle un peu partout dans le monde se sont mobil­iséEs, ce 14 juil­let, trop seulEs et isoléEs, des opposantEs à son engloutisse­ment, n’est pas que le dom­mage col­latéral d’un pro­jet de bar­rage élec­trique. Et si Istan­bul, puis la Turquie entière, s’é­tait enflam­mée con­tre la destruc­tion du parc Gezi en 2013, on ne s’é­ton­nera guère cette fois du peu d’en­t­hou­si­asme à défendre un pour­tant pat­ri­moine ines­timable, à l’Est de la Turquie.

D’une part, de l’eau a depuis coulé dans le Bospho­re, et entre le coup d’E­tat man­qué de 2016, ses suites et l’escalade répres­sive, les sièges des villes et les mas­sacres de 2015/16 dans ces ter­ri­toires à grande majorité kurde de l’Est, la con­sol­i­da­tion à marche for­cée du régime prési­den­tiel, on a pu aus­si con­stater la bru­tale mise au pas des oppo­si­tions, à peine per­tur­bée par des “proces­sus élec­toraux” comme la reprise d’Is­tan­bul et d’Ankara par l’op­po­si­tion molle du CHP. Les ques­tions des entités kur­des en Irak et Syrie proche, sur fond de nation­al­isme kémal­iste, per­me­t­tent aus­si de com­pren­dre pourquoi l’Ouest de la Turquie et l’Ana­tolie se con­tentent d’at­ten­dre de voir arriv­er la ressource électrique.

Ce sont bien des Kur­des que l’on noie, après les avoir brûlés en 2015, sur les rives du Tigre.

Ce rac­cour­ci est exagéré et comme tous les rac­cour­cis, con­testable, bien sûr, mais il explique pourquoi, mal­gré tant d’ar­ti­cles épars sur le sujet, tant en Turquie que par le monde, c’est encore le mou­ve­ment kurde qui se mobilise en pre­mier, à l’heure où les ques­tions de l’eau, de sa ges­tion poli­tique, mil­i­taire, et de la pri­vati­sa­tion crois­sante des ressources, accom­pa­g­nent pour­tant la prise de con­science glob­ale sur le Climat.

Un demi siè­cle d’op­po­si­tion au pro­jet, et un aboutisse­ment pro­gram­mé qui arrive dans le silence assour­dis­sant des queues de guer­res en Irak et en Syrie, comme celui des “chan­cel­leries européennes” qui gèrent leurs noyés de Méditer­ranée. Les Kur­des… encore… ?

Pas ques­tion pour moi de réécrire tant d’ar­ti­cles, parus sou­vent dans le vide, sur Hasankeyf. Même sur Kedis­tan, nous n’avons d’ailleurs guère à plas­tron­ner. Un arti­cle de 2017, certes com­plet, mais à tonal­ité Wikipedia, est néan­moins tou­jours lis­i­ble en archive.

Avec cet arti­cle-ci, je vous pro­pose sans pré­ten­tions d’aller plus loin dans vos lec­tures, avec un choix, basique et aléa­toire, de trois liens croisés per­me­t­tant d’aller à l’in­for­ma­tion et aus­si la dépass­er un peu, et surtout de don­ner un con­texte au mot “Hasankeyf”, bran­di par les opposantEs résoluEs au pro­jet depuis un demi-siè­cle, et plus par­ti­c­ulière­ment à l’heure où les eaux vont sub­merg­er défini­tive­ment la cause. Vous serez peut être incités à en lire et chercher ain­si davan­tage… Les autres liens de l’ar­ti­cle par­leront d’eux-mêmes, suivez-les…

En Turquie, Hasankeyf, ville de 12.000 ans, va dis­paraître sous les flots du Tigre

Journée mon­di­ale pour Hasankeyf : les dessous d’un bar­rage à marche forcée

Quels sont les intérêts pour la Turquie d’inon­der Hasankeyf, une ville au pat­ri­moine his­torique de 12.000 ans ?

Vous voilà donc plus infor­més, du moins ini­tiés. Vous com­pren­drez donc main­tenant plus facile­ment que ce bar­rage est à tous les égards représen­tatif de l’his­toire refoulée de la Turquie et de sa république nation­al­iste à vel­léités ottomanes, qui joue avec une fausse façade insti­tu­tion­nelle “démoc­ra­tique”, pour mieux con­forter un libéral­isme économique sauvage et cor­rup­teur. Une turcité tri­om­phante qui désigne tou­jours l’en­ne­mi aux fron­tières et ailleurs, et efface l’his­toire des Ter­res qu’elle domine, et des Peu­ples mosaïque de Mésopotamie qui les ont habitées.

Le fait que ce régime s’y cram­ponne fait sens avec ce pro­jet poli­tique, fruit vénéneux de l’his­toire, con­ti­nu­ité de pou­voirs où l’hu­main doit se couch­er dans le dra­peau, mort ou vif.

S’op­pos­er à ce pro­jet géno­cidaire de cul­tures demande donc davan­tage qu’une approche d’é­col­o­giste effarouché ou atter­ré, tout comme pour le cli­mat et la pré­da­tion des ressources mon­di­ales et locales. Un “paaas bien pour la Planète” n’y suf­fit pas.

Et il faut pour­tant ren­dre hom­mage à celles et ceux qui, autour du 14 juil­let de cette année, se sont mobil­iséEs, même avec peu d’e­spoir au coeur, pour que les eaux n’ef­facent pas Hasankeyf.

Vous pou­vez sign­er et partager la péti­tion “Save 12,000 Year old Hasankeyf!”, lancée par Hawzhin Azeez
Vous pou­vez égale­ment suiv­re sur Twit­ter, La coor­di­na­tion de Hasankeyf qui réu­nit plusieurs organ­i­sa­tions et groupes : @HasankeyfKoord, et le site “Hasankeyf’i Yaşat­ma Gir­işi­mi”, en ver­sion anglais ici.

Hasankeyf

Image numérique par Zehra Doğan


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Daniel Fleury
REDACTION | Auteur
Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…