Nous avons ren­con­tré Abdul­lah Öcalan sur l’île-prison d’İmr­alı, le 2 mai dernier”. C’est ce qu’an­nonçaient hier ses avo­cats. Ils ont aujour­d’hui livré des infor­ma­tions plus conséquentes.


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Rezan Sarı­ca, un des deux avo­cats autorisés sur les qua­tre qui en avaient fait la demande, a annon­cé, lors d’un point presse aujour­d’hui 6 mai 2019, que la ren­con­tre avait duré env­i­ron une heure et que, bien que les autorités n’aient pas per­mis au leader Öcalan empris­on­né de sign­er offi­cielle­ment un texte ou une déc­la­ra­tion en bonne et due forme, ils pou­vaient trans­met­tre un mes­sage oral.

Cette ren­con­tre, qui ferait suite à une autre en jan­vi­er, avec son frère, peu médi­atisée, con­stitue la pre­mière rup­ture dans l’isole­ment dont Öcalan fait l’ob­jet depuis 8 ans, entre­coupé de brèves “nou­velles” invéri­fi­ables ou d’une courte vis­ite annon­cée en 2016. Öcalan est un “pris­on­nier poli­tique d’E­tat”, et le régime actuel se com­porte à cet égard comme le précé­dent qui le fit incar­cér­er, depuis la rup­ture uni­latérale du “proces­sus de négo­ci­a­tions de paix” dans lequel il était inter­locu­teur priv­ilégié, après le très loin­tain cessez le feu de 1998.

Près de 3000 pris­on­niers poli­tiques sont en grève de la faim par sol­i­dar­ité avec Ley­la Güven, députée tou­jours en grève, qui a lancé ce mou­ve­ment le 8 novem­bre 2018 pour la “fin de l’isole­ment d’Ö­calan et la recherche de la paix”. Un jeûne volon­taire s’est dévelop­pé ensuite dans l’ensem­ble de la dias­po­ra kurde, allant jusqu’à des sui­cides.  Cette annonce de ren­con­tre, rup­ture très par­tielle et non durable de la mise au secret, prend donc un sens poli­tique très fort.

4 avo­cats avaient donc fait une demande de vis­ite, 2 seule­ment ont été autorisés :  Newroz Uysal et Rezan Sarı­ca et une déc­la­ra­tion de presse a donc été faite aujour­d’hui à 15h, à l’ho­tel Tak­sim Hill.

Les avo­cats ont tenu à pré­cis­er que ce qu’ils présen­taient n’é­tait pas un doc­u­ment de négo­ci­a­tion, ni  d’ac­cord, mais un sim­ple com­mu­niqué issu d’une mémori­sa­tion des pro­pos, puisqu’au­cune con­ser­va­tion de notes n’a été autorisée durant l’entretien.

Voici donc une tra­duc­tion rapi­de des pro­pos présentés :

Une réc­on­cil­i­a­tion sociale pro­fonde est néces­saire dans le cadre de ce proces­sus historique.
Pour la réso­lu­tion des prob­lèmes, une méth­ode de négo­ci­a­tion démoc­ra­tique, loin de toute polar­i­sa­tion et hors de la cul­ture d’af­fron­te­ment, est néces­saire.
Nous pou­vons résoudre les prob­lèmes en Turquie, et même de la région, à com­mencer par la guerre, avec la force intel­lectuelle, poli­tique et cul­turelle, et non avec des instru­ments de violence. 

Nous pen­sons que, avec les Forces démoc­ra­tiques syri­ennes (SDF), il faut chercher à résoudre les prob­lèmes en Syrie en s’abstenant de toute cul­ture de con­flit et dans la per­spec­tive de la démoc­ra­tie locale qui doit être garantie par la Con­sti­tu­tion, dans le cadre de l’unité de la Syrie. A cet égard, il faut égale­ment être atten­tif aux préoc­cu­pa­tions de la Turquie. 

Tout en respec­tant la résis­tance des cama­rades dans les pris­ons et à l’ex­térieur, nous tenons à exprimer qu’ils ne leur résis­tance ne doit pas débor­der au point d’at­ti­tudes qui met­traient leur san­té en dan­ger et qui se ter­min­eraient par la mort. Pour nous, leur san­té men­tale, physique et psy­chique est au dessus de tout. Par ailleurs, nous sommes con­va­in­cus que l’ap­proche la plus sen­sée est liée au développe­ment d’une atti­tude men­tale et spirituelle.

Notre posi­tion à İmr­alı est d’approfondir et de clar­i­fi­er le mode d’expression que nous avons défi­ni dans la déc­la­ra­tion de Newroz 2013 et de con­tin­uer sur cette voie.

Pour nous, une paix digne et une solu­tion fondée sur une poli­tique démoc­ra­tique sont fondamentales.

Ren­dant hom­mage, avec respect, à toutes celles et ceux  qui se sont inquiétés pour notre sit­u­a­tion à İmr­alı et qui ont pris posi­tion, nous con­sid­érons comme une dette de devoir les remercier.

Il est bien évi­dent que si Abdul­lah Öcalan ne demande pas explicite­ment l’ar­rêt des “grèves de la faim”, il réitère les pro­pos déjà tenus par Ley­la Güven sur la sauve­g­arde la vie. Par ailleurs, il se repo­si­tionne comme l’in­ter­locu­teur de tou­jours pour une relance du proces­sus de paix ; main ten­due bien sûr tou­jours refusée par le régime.

Sa prise de posi­tion sur la Syrie incit­erait à la pour­suite des ren­con­tres en cours avec le régime, et dans ce proces­sus la néces­saire recon­nais­sance de l’en­tité démoc­ra­tique, dans une démarche con­sti­tu­tion­nelle. On con­naît là aus­si les ambi­tions du régime syrien qui pro­pose tou­jours aux négo­ci­a­teurs la même méth­ode que celle appliquée aux dji­hadistes, méth­ode ouverte­ment rejetée ces jours-ci par un respon­s­able kurde syrien.

Ce mes­sage d’Ab­dul­lah Öcalan, qui pointe les deux ques­tions posées au mou­ve­ment et au Peu­ple kurde en Turquie et dans la région, s’il est suivi par un silence du régime turc, autant que le syrien, n’ap­portera finale­ment qu’une fausse rup­ture dans l’isole­ment, surtout prop­ice à une réflex­ion poli­tique sur la pour­suite des grèves de la faim engagées depuis novembre.

La dernière ques­tion enfin porte sur le choix au plus haut som­met, d’avoir fait mine de répon­dre à la reven­di­ca­tion de fin de l’isole­ment alors que rien ne change sur le fond.


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