A mon âge, à Istanbul, aller voter comporte des risques. J’ai donc pris un taxi. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas Istanbul, ils sont jaunes, mais pas fluo comme certains gilets. On ne sait donc jamais si le chauffeur sera de votre côté.
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Je m’étais longuement questionnée sur ce déplacement. “Voter, qu’est-ce que ça peut changer ?”. Dans l’ambiance générale, beaucoup dans mon entourage répondait “rien, mais on ne sait jamais” et s’apprêtaient pourtant à le faire, par habitude républicaine.
J’ai questionné mon arthrose et finalement, j’ai pris l’ascenseur. Vous devinez la suite. J’avais pris mon sac à la hâte, et bizarrement l’avait trouvé anormalement lourd. J’ai mis ça sur le compte de mon âge, comme d’habitude.
La votation s’est bien passée, et je suis revenue à la maison avec le même taxi jaune qui m’a regardée dans le rétroviseur avec bienveillance… Son allure générale m’a rassurée et je n’ai pas perçu chez lui un ottoman qui sommeille.
Alors que je lui demandais de me descendre quelques mètres avant d’arriver, il m’a glissé “Grand-mère, vous m’avez payé pour que je vous ramène, je vous déposerai devant votre porte”. Mon sac, d’un coup, m’a paru moins lourd. Et j’ai cherché quelques pièces, avec la honte au front de lui faire l’aumône.
Je n’ai pas regretté d’avoir pris l’air d’Istanbul, même si celui des bureaux de vote était irrespirable. Et j’ai eu la sensation d’y avoir vidé mon sac.
Vous connaissez le résultat. J’y suis peut être allée un peu fort.