Ce n’est pas par­ti­c­ulière­ment parce que ce 21 mars est appelé à être “une journée mon­di­ale de la Poésie” que nous pub­lions ce texte de Del­phine Durand. Mais le hasard fait qu’il trou­ve par­faite­ment sa place en ce pre­mier jour du Print­emps où les Kur­des ont fêté le Newroz, comme une vic­toire con­tre l’op­pres­sion et sa noire couleur uniforme.

 

Dans la geôle d’Amed

                             chan­son pour Zül­fikar Tak

Dans la nuit vio­lente les urgences viscérales

Qui te poussent aux morbidités

A des déchire­ments d’os et de siècles

Ta présence dans la fos­se se peu­ple d’aurores

Le jonc léger

Dans le vent le plus lugubre de la création

N’est que l’animal parfait

Les bras levés

Qui roule dans le sang

Des généra­tions

Ni les charognes

Ni les tumulus

Ni les reliques

Les impré­ca­tions

La mag­nif­i­cence absolue

des oiseaux

est aveu­gle à la beauté du pétrole

on t’a enter­ré vivant dans la prison de Diyarbakır

Mys­tère y lisait-on quand on y entrait

un Turc vaut le monde entier

et sur le seuil se mon­trait le berg­er alle­mand du directeur

le ter­ri­ble Jo

le plus de sang pos­si­ble dans l’om­bre du museau

qui va déchir­er chaque cen­timètre de peau kurde

ne par­lons pas de l’in­no­cence des bêtes

de la fra­ter­nité des bêtes domestiques

tan­dis qu’une matraque agite ses ailes

et aveu­gle

comme une poutre dans l’œil

te désire

Dans les pores de ton sang

Désor­mais la mort

Humide lave

L’ultime lumière

Enfin ouverte

La ten­dresse de la forme oubliée

Dans le frag­ment de nuit

Dans le silence de la fleur

Je vois ta forme

Comme les pre­miers pas

Dans la neige

La douce matière nostalgique

De la poussière

Par­fois tes yeux semblaient

Le haut zénith des chemins nocturnes

Le moment d’un cri

S’éveillant dans la présence

Les oiseaux de la joie

Les larmes fatales

Et plus loin

La soli­tude de l’étoile amère

Mêlant sa salive et ses rêves


Image à la une : Détail d’un dessin de Zül­fikar Tak.
Vous trou­verez tous ces dessins dans l’ar­ti­cle “Diyarbakır années 80 • Zül­fikar Tak des­sine la torture”

Soutenez Kedis­tan, FAITES UN DON.

Nous entretenons “l’outil Kedistan” autant que ses archives. Nous tenons farouchement à sa gratuité totale, son absence de liens publicitaires, et au confort de consultation des lectrices et lecteurs, même si cela a un coût financier, jusque là couvert par les contributions financières et humain (toutes les autrices et auteurs sont toujours bénévoles).
Vous pouvez utiliser, partager les articles et les traductions de Kedistan en précisant la source et en ajoutant un lien afin de respecter le travail des auteur(e)s et traductrices/teurs. Merci.
Delphine Durand
Poétesse
His­to­ri­enne de l’art, mys­tique, poète, lais­sons au pluriel mag­nifique les mots de l’invisible… Del­phine est ontologique­ment présente dans la seule per­durable présence de l’art. Après des études de théolo­gie et de philoso­phie, elle choisit l’histoire de l’art mais son cœur ner­va­lien l’entraine vers des univers fan­tas­ma­tiques et sauvages, et enfin la poésie où nous sommes tous libres.