Si les avions ne sont pas prêts de décoller du nou­v­el aéro­port d’Is­tan­bul, les prix, eux, en Turquie, s’en­v­o­lent trois fois par jour.

On nous annonce une “réces­sion”. Qu’est-ce à dire ?


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Le Pro­duit intérieur brut (PIB) s’est con­trac­té de 3% au qua­trième trimestre 2018 en glisse­ment annuel, selon l’Of­fice nationale des sta­tis­tiques (Tüik), et de 2,4% par rap­port au trimestre précédent.

Or, au troisième trimestre déjà, le PIB avait déjà reculé de 1,1%, ce qui sig­ni­fie que la Turquie est entrée en réces­sion, une pre­mière depuis 2009. Une réces­sion se définit par deux trimestres con­sé­cu­tifs de recul du PIB.

La crois­sance pour l’ensem­ble de l’an­née 2018 s’est établie à 2,6%, con­tre 7,4% en 2017.
La devise turque a per­du près de 30% de sa valeur en 2018, mais s’est sta­bil­isée depuis le début de l’an­née. Un dol­lar s’échangeait lun­di vers 10h00 con­tre 5,44 livres.

L’in­fla­tion se main­te­nait à 19,67% en rythme annuel en févri­er, repas­sant toute­fois sous le seuil sym­bol­ique de 20% pour la pre­mière fois depuis août.

Mer­ci Google…

Pour­tant, je croy­ais que ce fameux PIB incor­po­rait l’in­dus­trie d’arme­ment et les guer­res… Dans quel état doit être le reste en Turquie alors ?

Mais, si on écoute Erdoğan, par­ler de l’aubergine et de la tomate en se plaig­nant relèverait de la pro­pa­gande ter­ror­iste et de pro­pos d’une “enne­mie de l’in­térieur” de la Turquie. “Quel est le prix d’une balle”, il dis­ait, en détour­nant le sujet vers sa marotte mil­i­tariste favorite, dans un de ses meet­ings récents, en vilipen­dant les com­merçants qui se plaig­nent et porteraient ain­si atteinte au moral de la troupe.

Sa rec­u­lade deux mois de suite, il ne va pour­tant pas pou­voir nous la cacher longtemps, d’au­tant que c’est devenu un argu­ment élec­toral pour ceux qui lui dis­putent des municipalités.

Il est telle­ment impliqué dans l’élec­tion qui vient qu’on croirait qu’il brigue un man­dat à la mairie d’Is­tan­bul. La poésie lui manque

Ce n’est pas moi qui me plaindrait qu’il ait fait ouvrir des marchés ali­men­taires aux prix imposés. Mais je crois que de toutes façons, le fait que l’E­tat fasse ven­dre à moins cher, et surtout en péri­ode élec­torale, ressem­ble à la dis­tri­b­u­tion tra­di­tion­nelle de char­bon de l’AKP avec les fonds de la cor­rup­tion, qui se fai­sait autre­fois à chaque mou­ve­ment d’urnes, payé offi­cielle­ment par l’E­tat, cette fois.

Ce n’est pas moi qui achète la tomate moins chère, mais l’E­tat qui achète mes voix avec la monnaie.

Enfin, je dis “autre­fois”, mais la tra­di­tion con­tin­ue… Cette année, c’est le thé qui est pro­posé… Les camion­nettes élec­torales ont vis­ité aus­si mon quarti­er il n’y a pas plus loin qu’une semaine. J’ai fait sem­blant d’être sourde d’or­eille, lorsque la porte a sonné.

Parlons en un peu tiens, de cette élection.

L’ob­ses­sion d’Er­doğan et de l’AKP, c’est d’ar­riv­er en tête bien sûr, et surtout d’être à la fois l’Ot­toman et le Loup Gris dans un embal­lage mod­erniste. C’est aus­si d’en­granger dans les ter­res à majorité kurde en 2015 le fruit de sa “purifi­ca­tion anti ter­ror­iste” et de son ter­ror­isme mai­son depuis. Et il ne manque pas de can­di­dats nation­al­istes pour l’aider, par des jeux d’al­liances ou de retrait. Et ceux là par­fois se trou­vent même dans l’op­po­si­tion. Mais quand il s’ag­it des Kur­des, “au sec­ours Mustafa Kemal !”, c’est la règle…

Comme Erdoğan a purgé jusqu’aux dernières toi­lettes publiques les derniers gülenistes qui s’y seraient réfugiés, quitte à les inven­ter, il ne craint plus rien de ce côté là. Le big­ot, il l’a dans la poche. Et comme c’est le Dieu qui fait pouss­er la tomate, le cycle naturel est bouclé.

Il y a peu, dans un meet­ing, il a refait le coup d’un tais-toi madame à une comme moi qui protes­tait. On ne sait pas ce qu’il est advenu de la madame

Cette élec­tion est donc jouée sur le papi­er. Et les grenouil­lages ne sont que des querelles de petits pou­voirs. Ils sont autorisés par les change­ments con­sti­tu­tion­nels bien­venus pour le Prési­dent. Cette farce locale est la pre­mière depuis la prési­den­tial­i­sa­tion totale du régime et du coup Erdoğan en fait une affaire personnelle.

Turquie
Le qua­si seul par­ti d’op­po­si­tion, le HDP, se débat entre arresta­tions, inter­dic­tions, pres­sions pour des alliances, et ses meilleures représen­tantEs qui sont en prison. D’ailleurs, ils feraient bien de ne pas penser que Ley­la Güven lutte avec son corps, par sa grève de la faim, pour un score électoral.

Bon, dois-je vous par­ler du pugi­lat de la journée inter­na­tionale des femmes ? La police en tous cas s’est mobil­isée en force. Tabas­sage et ramas­sage. Et si j’en­tends dire que le mou­ve­ment des femmes s’es­souf­fle, ce sera bien parce qu’il doit courir vite avec les forces de répres­sion à ses trouss­es. Ce qui n’empêche pas les fémini­cides de prospérer.

 

Vous allez dire que je par­le comme une revue de presse. C’est un peu ça.
D’abord je ne suis plus qu’ob­ser­va­trice, ensuite, comme pour le nou­v­el aéro­port, je ne vois rien qui décollerait à court terme.

Ah oui, j’ou­bli­ais… Quoi déjà ?…

Oui… on nous par­le moins d’aller faire le coup de feu en Syrie et en Irak con­tre les pop­u­la­tions kur­des, pour leur apporter la paix turque. La ten­ta­tion du Reis est tou­jours là, mais il y a des freins pour, une fois de plus, faire le coup d’une bonne guerre avant la fête électorale.

Le Pou­tine aurait rafraîchi les ardeurs de notre prési­dent après les déc­la­ra­tions de Trump. Peut être que les change­ments futurs en Turquie, bien loin­tains, vien­dront un jour de cette géo-poli­tique là. La république de Turquie en est issue, il y a un siè­cle, après des géno­cides. Qu’en sera-t-il cette fois ?

En atten­dant, je con­sulte les bonnes nou­velles, pour les vivre par procu­ra­tion, car il y en a.


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Mamie Eyan
Chroniqueuse
Ten­dress­es, coups de gueule et révolte ! Bil­lets d’humeur…