La tra­duc­tion de l’in­ter­view avec les grévistes de la faim, pub­liée en anglais, le 30 décem­bre 2018, sur hungerstrikes.eu. Un des grévistes, Kar­do Bokani répond…


1. Pou­vez-vous nous dire qui vous êtes et pourquoi vous avez rejoint cette grève de la faim illimitée ?

Je suis Kar­do Bokani, et je viens de l’est du Kur­dis­tan. Je suis mem­bre du Con­grès nation­al du Kur­dis­tan (KNK). Nous avons lancé cette grève de la faim illim­itée le 17 décem­bre dernier pour met­tre fin à l’isole­ment imposé au dirigeant kurde Abdul­lah Öcalan, empris­on­né à la prison de l’île d’Im­ralı depuis 1999.

Comme vous le savez peut-être, nous n’avons plus de nou­velles de lui depuis sep­tem­bre 2016. Depuis lors, ses proches se sont vu refuser l’au­tori­sa­tion de lui ren­dre vis­ite et ses avo­cats n’ont pas été autorisés à lui ren­dre vis­ite depuis 2011. Cette sit­u­a­tion nous a pro­fondé­ment préoc­cupés, nous oblig­eant à faire quelque chose pour y met­tre fin.

2. Pourquoi avez-vous décidé de le faire ici à Strasbourg ?

Nous avons lancé notre grève devant le CPT (Comité pour la préven­tion de la tor­ture) et le Con­seil de l’Eu­rope. Le CPT, comme son nom l’indique, a été créé en tant qu’in­sti­tu­tion apoli­tique chargée d’en­quêter sur les cas où il y a des allé­ga­tions de tor­ture. S’ils décou­vrent des cas de tor­ture, ils doivent faire leur tra­vail et les prévenir. Mais au cours des vingt dernières années, des actes de tor­ture ont été infligés de manière per­sis­tante à Öcalan, et pour­tant le CPT n’a pas fait son devoir. Depuis 3 ans, Öcalan est détenu sans aucun con­tact avec l’extérieur, mais le CPT est resté silen­cieux. Ce silence a encour­agé la Turquie à con­tin­uer à tor­tur­er Öcalan sans scrupules. Nous exi­geons que le CPT change son atti­tude envers Öcalan et le peu­ple kurde. Notre demande n’est ni exces­sive ni irréal­iste. C’est sim­ple, humain et pra­tique. Nous exi­geons que le CPT envoie une délé­ga­tion sur l’île d’Im­ralı pour vis­iter Öcalan. Sa san­té et sa sécu­rité sont d’une impor­tance cap­i­tale pour nous.

3. Voyez-vous un lien entre l’isole­ment d’Ö­calan et la men­ace de l’É­tat turc d’at­ta­quer le Rojava ?

Bien sûr, il faut se rap­pel­er que la Révo­lu­tion Roja­va est basée sur la philoso­phie d’Ö­calan. Con­traire­ment aux pays voisins où l’on voit des États total­i­taires cen­tral­isés, con­stru­its sur l’i­den­tité d’un seul groupe eth­nique, la révo­lu­tion du Roja­va a con­stru­it un nou­veau sys­tème basé sur la démoc­ra­tie directe, l’é­gal­ité des sex­es et la tolérance religieuse, la coopéra­tion intereth­nique et l’é­colo­gie. C’est tout à fait unique dans la région. C’est pour cette rai­son, entre autres, qu’elle n’est pas appré­ciée par ces États autoritaires.

L’É­tat turc en par­ti­c­uli­er déteste vrai­ment la révo­lu­tion du Roja­va et a été la puis­sance la plus intran­sigeante dans la région pour l’é­touf­fer dès le début. Il n’est pas néces­saire d’être poli­to­logue pour recon­naître le fait que la Turquie a soutenu ISIS. Pourquoi la Turquie a‑t-elle fait cela ? Parce qu’elle voulait empêch­er les Kur­des de dévelop­per leur pro­jet démoc­ra­tique au Roja­va. La Turquie a eu recours à des extrémistes islamistes pour com­bat­tre les Kurdes.

Mais quand Erdo­gan, le prési­dent turc, s’est ren­du compte que ce sont les forces kur­des qui ont vain­cu ISIS, il a com­mencé à inter­venir directe­ment. Nous nous sou­venons que c’est au début de cette année (2018) que la Turquie a envahi le can­ton d’Afrin, au cours duquel elle a brûlé la ville, l’a pil­lée et a expul­sé ses pop­u­la­tions. Peu de temps après, nous con­sta­tons une fois de plus qu’ils veu­lent envahir le reste du Roja­va, d’abord pour ne pas laiss­er ce pro­jet démoc­ra­tique s’é­panouir davan­tage et, ensuite, pour empêch­er les Kur­des de main­tenir leur statut politique.

4. Quel est votre mes­sage au peu­ple kurde, en par­ti­c­uli­er aux jeunes ?

Öcalan n’est pas qu’une sim­ple per­son­ne. Tout d’abord, et c’est le plus impor­tant, il est une fig­ure poli­tique recon­nue par des mil­lions de Kur­des comme leur chef légitime. Deux­ième­ment, c’est un théoricien poli­tique dont la con­tri­bu­tion à la lit­téra­ture sur une var­iété de ques­tions philosophiques ne peut et ne doit pas être ignorée. Troisième­ment, il est la voix la plus audi­ble de toute la Turquie pour la paix. Depuis 1993, il plaide en faveur de la paix et d’une solu­tion poli­tique à la ques­tion kurde en Turquie. Le PKK, sous sa direc­tion, a depuis lors déclaré huit cessez-le-feu uni­latéraux et a retiré ses forces de la Turquie vers le nord de l’I­rak à deux repris­es. Depuis 2009, il était engagé dans un proces­sus de paix avec le gou­verne­ment turc qui s’est ter­miné en 2015, après qu’Er­doğan l’eut annulé et lancé une guerre totale con­tre le peu­ple kurde. Simul­tané­ment, ils ont coupé tout con­tact avec Ocalan et l’ont mis dans une inca­pac­ité totale de com­mu­ni­quer. Ils ont essayé de faire taire Öcalan, parce qu’il demande la paix et un règle­ment poli­tique de la ques­tion kurde.

Main­tenant que l’É­tat turc refuse la paix et con­tin­ue de frap­per des tam­bours de guerre, le peu­ple kurde, en par­ti­c­uli­er les jeunes, ain­si que toutes les forces démoc­ra­tiques et pro­gres­sistes dans le monde devraient apporter leur sou­tien à Öcalan et, tout d’abord, met­tre fin à l’isole­ment qui lui a été imposé et arrêter les poli­tiques agres­sives menées par l’É­tat turc.

La jeunesse est la force majeure du change­ment. Pour chang­er le statu quo, il est d’une impor­tance vitale que les jeunes élèvent la voix pour pro­test­er con­tre la poli­tique bru­tale que les puis­sances occu­pantes du Kur­dis­tan pour­suiv­ent au Kur­dis­tan. Öcalan a con­sacré sa vie entière à apporter une vie digne à la jeunesse kurde et, main­tenant, c’est au tour de la jeunesse kurde de se dress­er con­tre ce que la Turquie fait à Öcalan et la cause qu’il défend.


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