Tu as un livre sous le coude, dont tu retardes tou­jours la lec­ture, parce que tu dois tou­jours “faire autre chose”, et là, paf, tu apprends que c’est devenu le Prix Renau­dot 2018.

T’as l’air malinE, bien sûr, après, quand tu fais l’article.

Quelques auteurEs nous font l’hon­neur, à Kedis­tan, de nous faire par­venir leurs livres, voire de nous les envoy­er eux/elles mêmes, avec un petit mot gen­til. Mais elles/ils ne se doutent pas de ce dont est con­sti­tuée la journée d’unE kedi.
Cela va du net­toy­age quo­ti­di­en des litières et du rem­plis­sage des bacs à cro­quettes, jusqu’à la mise en page et en ligne des arti­cles quo­ti­di­ens du mag­a­zine. Les arti­cles ne tombent pas du ciel, ne se cor­ri­gent pas tout seuls, et leurs con­tenus ne sor­tent pas de l’imag­i­na­tion des kedi, mais de lec­tures, d’en­tre­tiens, mis­es en rela­tions, véri­fi­ca­tions de sources, vécu, reportage, dia­logues et échanges, sans compter les tra­duc­tions. Bref, un livre qui s’écrit, même virtuelle­ment, jours après jours.

Ras­surez vous, les kedi ne se plaig­nent pas, car non seule­ment elles/ils sont volon­taires pour cette vie de chat, mais en plus totale­ment bénév­oles pour l’as­sumer. Non, elles/ils regret­tent de ne pou­voir matérielle­ment et intel­lectuelle­ment en faire plus, et entre autres choses, de pou­voir LIRE.

Parce que lire, ce n’est pas par­courir en diag­o­nale des infor­ma­tions écrites, ou faire des recherch­es sur le net, con­fron­ter des écrits, traduire, par­courir les arti­cles d’amiEs, bref, faire le kedi à Kedistan.
Non, lire, c’est entr­er dans l’u­nivers de celle ou celui qui écrit, qui VOUS écrit.

Et lorsque les let­tres de Zehra Doğan nous arrivent, en retour d’autres let­tres, les kedi lisent. Et là, foin des bacs et des cro­quettes, les kedi ont 17 ans sous les fameux tilleuls verts…

Et nous voudri­ons tant avoir 17 ans pour tous les livres qui nous parvi­en­nent, et tous les autres qu’on n’achète même pas.

  • Le Sillon

Alors, quand on a vu pass­er ici et là, sur les réseaux soci­aux, la nou­velle d’un pos­si­ble Prix Renau­dot pour “Le sil­lon”, on a relayé bien sûr. Et le bouquin sur la table a pris encore plus de place dans le paysage du Kedistan.
Bon, il faut dire que l’on aurait pu se fendre, en pro­fes­sion­nellEs, de trois copiés col­lés de qua­trième de cou­ver­ture et de bribes du Figaro, comme tout le monde, et l’af­faire était réglée… Après tout, qui aurait eu à y redire ?

Il se fait à Kedis­tan que l’on a pour habi­tude de se ren­dre des comptes à nous mêmes, avant tous ceux que l’on rend autour de nous. C’est vieux jeu, mais on y tiens, même si ces derniers temps on croise pas mal de gens qui s’en contrefichent.

Et il se fait que Valérie Man­teau, l’au­teure, n’est pas une incon­nue non plus pour nous, et toutes celles et ceux qui, entres autres, ont suivi une cer­taine cam­pagne pour la libéra­tion d’Aslı Erdoğan.
Nous n’avons jamais eu le bon­heur de nous ren­con­tr­er, comme pour beau­coup d’autres acteurEs du sou­tien à cette époque, mais nous avions échangés un cer­tain nom­bre de fois, sur tout et rien, à pro­pos égale­ment de Zehra Doğan, et d’un livre en cours d’écri­t­ure, ce sil­lon qui se creu­sait alors.

Encore une rai­son sup­plé­men­taire d’avoir la cul­pa­bil­ité de ne pas avoir encore lu ce qui a fait désor­mais l’ob­jet d’une recon­nais­sance par un prix, et pas des moindres.

Valérie, si tu nous lis… (Et en plus on sait qu’elle est lec­trice, même occa­sion­nelle, du mag­a­zine, auteure à l’oc­ca­sion… et qu’elle nous sou­tient d’ailleurs.

Bon, puisqu’il faut bien en finir, nous aurons l’im­pu­dence de dire à toutes nos lec­tri­ces et lecteurs, qu’il faut absol­u­ment, non par­courir, mais LIRE le livre de Valérie Man­teau, “Le sil­lon”.

De quoi s’agit-il ?

Le Sil­lon de Valérie Man­teau (le Tripode), beau réc­it con­sacré à Hrant Dink, le jour­nal­iste turque d’o­rig­ine arméni­enne assas­s­iné en 2007” nous dit Actu­aLit­té.

Cela ne vous suffit pas ?

Réc­it d’une femme par­tie rejoin­dre son amant à Istan­bul, Le Sil­lon (Le Tripode) est le sec­ond roman de Valérie Man­teau après Calme et tran­quille (Le Tripode, 2016). Un roman mag­nifique qui fait le por­trait d’un Istan­bul en plein boule­verse­ment entre l’as­sas­si­nat en 2007 du jour­nal­iste d’o­rig­ine arméni­enne Hrant Dink et les espoirs déçus de la révolte de la Place Tak­sim.” çà, on ne vous dira pas où on l’a piqué, car le même arti­cle per­fide­ment vous dit “Il s’ag­it d’une sur­prise car la roman­cière ne fig­u­rait pas dans la liste des final­istes du prix” et sous-entendrait presque qu’il a été accordé par défaut.

Parce qu’en fait, on ne sait même pas s’ils l’ont lu, eux aussi.

Mais s’il en est une qui pou­vait par­ler du livre et de son auteure, c’est une autre Valérie.

Et aus­si une des kedi qui a pour­tant suivi le sil­lon de ce livre, en temps et en heure, sans pour autant avoir trou­vé le temps de pren­dre la plume. Voilà qu’elle nous ron­ronne à l’oc­ca­sion, ses impres­sions et ressentis.

Valérie Man­teau, telle pas­sagère de la nuit, arpente les rues stam­bouliotes avec la curiosité et l’imprudence naïve d’une femme européenne qui vient d’atterrir dans le marasme d’un univers que s’écroule. Elle part à la recherche d’une présence, d’une âme, d’un mort qui dévoil­era aux lecteurs et lec­tri­ces, en même temps qu’à la pro­pre nar­ra­trice, l’intensité, le courage, l’immense human­ité des per­son­nages qu’honorent l’his­toire récente de la Turquie. Der­rière les rideaux de sang, d’obscurantisme, de pure total­i­tarisme, on décou­vre l’existence et le com­bat quo­ti­di­en, mal­gré les risques et les men­aces, de braves gens… jour­nal­istes, artistes, sim­ples citoyens, lesquels façon­nent le por­trait sou­vent incon­nu d’un pays qui résiste. Com­ment ne pas s’attacher au réc­it de la vie et du com­bat de Hrant Dink, de Pınar Selek, d’Aslı Erdoğan… et tous ceux, citoyenNEs anonymes qui se baladent à tra­vers les pages de Valérie Man­teau ? Il s’agît d’une invi­ta­tion à la décou­verte d’un monde peu­plé de femmes et d’hommes attachantEs, car bien­veil­lantEs et téméraires dans leur com­bat, qui nous appren­nent à déchiffr­er les codes com­porte­men­taux que nous avons depuis longtemps oubliés : ceux de l’humanité. Incon­tourn­able l’approche de cette allé­gorie orwelli­enne : “Mais si le but pour­suivi était, non de rester vivant, mais de rester humain ?” En par­al­lèle Valérie Man­teau trace les étapes et les faux pas de sa pro­pre recherche exis­ten­tielle, amoureuse, créa­trice… des deux côtés du Bospho­re, toute digne dans sa soli­tude, sa souf­france, son équivoque.

Maite


Image à la Une avec Maman

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