Erdoğan a pris position pour Khashoggi. Maintenant, il devrait libérer toutes les voix critiques qu’il a emprisonnéEs.
Librement traduit du Washington Post. Article du 5 novembre 2018
Image : Turkish President Recep Tayyip Erdogan addresses supporters at the parliament, in Ankara, Oct. 30, 2018. (Presidential Press Service/AP)
Exigeant que l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul fasse l’objet d’une reddition de comptes complète, le président Recep Tayyip Erdoğan s’est vu accordé un minimum de louanges pour sa clarté morale. Le président turc pourrait donc renforcer sa crédibilité en appliquant les mêmes principes à son propre gouvernement. Des milliers de journalistes, de fonctionnaires et d’universitaires ont été et sont détenuEs et inculpéEs à tort en Turquie par M. Erdoğan et son gouvernement.
La répression turque s’est accélérée après l’échec d’une tentative de coup d’État en juillet 2016. M. Erdoğan s’est alors mis à la recherche de toute personne qu’il soupçonnait de sympathie ou de soutien pour le religieux islamique Fethullah Gülen, autrefois allié de M. Erdoğan, mais qui s’est exilé en Pennsylvanie. M. Erdoğan a accusé M. Gülen d’avoir fomenté la tentative de coup d’État, ce que M. Gülen a nié.
Après le coup d’État, le coup de filet fut large : Selon les témoignages turcs, 189 médias ont été fermés et 319 journalistes arrêtés, dont 180 sont toujours détenuEs ; plus de 6 000 universitaires ont perdu leur emploi ; 4 463 juges et procureurs ont été licenciéEs ; et quelque 3 000 écoles et universités ont fermé leurs portes. Depuis la purge, M. Erdoğan a encore renforcé son emprise.
Dans un article paru récemment dans le Post, M. Erdoğan déclarait que la Turquie avait “remué ciel et terre” pour révéler des faits dans l’affaire Khashoggi. Maintenant, lui aussi devrait faire preuve d’une telle force herculéenne pour libérer des journalistes et d’autres personnes qu’il a incarcérées à tort.
Il pourrait commencer par Zehra Doğan, journaliste en Turquie et rédactrice en chef fondatrice de Jinha, une agence de presse féministe kurde entièrement composée de femmes, qui a ensuite été fermée par l’un des décrets de M. Erdoğan, dans le cadre de l’état d’urgence qui a suivi le coup d’Etat.
En se rendant à Nusaybin, une ville sous couvre-feu 24 heures sur 24 par l’armée turque dans sa bataille contre les combattants kurdes, Mme Doğan ne pouvait pas se déplacer, alors elle a commencé à peindre sur sa tablette numérique. Son art a beaucoup attiré l’attention sur les médias sociaux. Lorsque des récits pro-militaires turcs ont publié sur Twitter une photo de soldats, dans un cadre urbain détruit, avec des drapeaux turcs partout, supposément une victoire turque sur le Parti des travailleurs du Kurdistan, ou PKK, Mme Doğan a peint la scène comme un paysage sombre, enfumé et obsédant. Pour cela, elle a été accusée de “propagande” pour le PKK, et un article qu’elle a écrit citant une fillette affectée par les combats a été qualifié de “propagande terroriste”. Elle a d’abord été emprisonnée en 2016, puis en 2017, et purge actuellement une peine de deux ans, neuf mois et 22 jours. Le 23 octobre, la Fondation internationale des médias féminins lui a décerné le prix “Courage en journalisme”, mais deux jours avant d’être honorée, elle a été transférée dans une prison plus sécuritaire dans des conditions encore plus difficiles. Dans un message audio diffusé lors de la cérémonie de remise des prix, elle a déclaré : “Écrivez. Continuez la lutte avec votre stylo. Parce que c’est le meilleur outil de lutte.”
M. Erdoğan est indigné à juste titre par le meurtre de M. Khashoggi. Maintenant, il devrait faire ce qu’il faut pour son propre domaine : Libérer les journalistes, les universitaires et les fonctionnaires, et commencer à restaurer la démocratie et la liberté de la presse en Turquie.
Le site de Zehra Doğan est ICI
La page Facebook des soutiens de Zehra est ici : FreeZehraDoğan
Pour visionner un certains nombre de ses œuvres picturales
All about Zehra Doğan Dossier spécial (multiligual)