Apprendre que Zehra Doğan, comme un chaton qu’on plongerait dans un sac en toile pour le mener au supplice, a été déportée hors les hauts murs d’Amed, pour de plus hauts encore, m’a mis hors de moi.
L’exil forcé de Zehra, cette déportation vers une prison où les sévices sont érigés en châtiments contre les têtes dures, et les fouilles à nu objet de plaisir pour la gente masculine des gardiens, est-ce là la routine quotidienne pour une femme kurde en Turquie ?
Qu’un ami ex député en exil nous rassure en nous affirmant que le quotidien des Kurdes de Turquie est depuis des décennies celui de la torture et de la prison, ou la mort dans les flammes à Cizre, enfer de rechange… puis-je l’écouter comme une routine ?
Aslı Erdoğan, elle qui sms avec parcimonie, bouleversée dès qu’il s’agit des “murs de pierre” des geôles et des “ring” de transferts de prisonnières, nous a fait part aussitôt à propos de Zehra, elle aussi, de cet accablement qui saisit, à l’annonce de ces sévices quotidiens dans l’univers carcéral turc… si routiniers.
La prédominance de l’extrême droite au Brésil, là où le soja transgénique a remplacé la bio-diversité des forêts primaires, et la suprématie financière blanche la pauvreté des favelas, et où les militaires deviennent députés… Est-ce la nouvelle routine américaine et latine ?
Les fausses querelles perquisitionneuses pour masquer de vraies magouilles comme tout le monde, les Benalla d’été qui s’étiolent en hiver et repassent pourtant en boucle pour faire oublier la commande de “réfugiés à la nage” passée par un fasciste italien dans un restau de la mafia, est-ce la routine du monde nouveau ?
Une commande d’armes en péril parce qu’un journaliste est coupé en tranches dans un consulat en Turquie, tandis qu’un corps d’enfant yéménite décharné tourne en boucle sur Facebook, est-ce la routine diplomatique entre puissants ?
Des sommets qui se tiennent, d’autres qui se préparent, et déblatèrent de la finance mondiale et de la façon de la faire prospérer dans les règles, en toute diplomatie, à rideaux tirés… Des autorisations d’opprimer avec “humanité” données en gage de contrats, ou pour bâtir des murs anti-refuge… Routine de boutiquiers mondialisés ?
Un Président amateur de playmates, de murs, de gaz de schiste et de charbon, qui s’entraîne à blanc au tir au Latino et tisonne la montée du souverainisme identitaire de race blanche, est-ce donc le train train qui ne sifflera pas de demain ?
Et ce téléphone qui sonne sur une radio de service public français, et au bout, la voix d’une sainte animatrice qui hésite encore entre la protection de sa résidence secondaire et celle d’une vraie journaliste, Zehra pour ne pas la citer, qu’elle a un jour marrainée sans frontières, par désœuvrement… La routine radiophonique là aussi ?
J’ai cherché une définition et j’ai trouvé :
Habitude d’agir ou de penser devenue mécanique.
synonymes :
train-train, ronron
L’ensemble des habitudes et des préjugés considérés comme faisant obstacle au progrès.
Je pourrais à l’envie développer cette comptine de routines, par routine journalistique. Mais si vomir est salutaire, je dois garder des mots en bouche pour la suite.
Qui suis-je, moi, à l’abri derrière mon écran, à peine sorti d’une fausse galette bretonne indigeste ? Une routine qui ferait obstacle au progrès ?
Puis-je exprimer dans cette chronique qui est mienne mon refus de la routine odieuse du désespoir qui saisit là une victime oubliée, ici une femme violée, là-bas une cause trahie ?
Mais qui suis-je pour dénoncer ce brouillard qui s’étend ? Un spécialiste du changement climatique ? Qui suis-je pour avoir la prétention de rompre un ronron chez les kedi, de casser un train train ?
On devrait se donner le devoir de rester objectif non ? Et de faire de la misère du monde, de ses violences, de son capitalisme triomphant et prédateur, de sa routine, une belle enquête… de routine.
Désolé, j’ai ragé et pleuré en cachette de cette routine du monde, broyeuse de vies et d’avenir, et j’ai voulu le partager, routinier que je suis, pour repartir du bon pied dans la brume. L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, à l’heure où blanchit la campagne…
Et tans pis pour les puritains politiques, si je suis un vieux kedi, hoo, comme ils disent. Mais je préfèrerais alors “Non Kedi, t’es pas tout seul, Mais arrête de pleurer comme ça devant tout l’monde… Allez viens…”
Nouvelle adresse — New address — Nueva dirección:
Zehra Doğan C‑3
Tarsus Kadın Kapalı CİK
Alifakı Mahallesi Alifakı sokak
Tarsus – MERSİN
TURKEY
Recopiez et envoyez lui ce message simple :
Sevgili Zehra,
Tarsus’a sevk edildiğini biliyoruz. Dayanışma ve desteğimiz seni her yerde aynı sıcaklık ve güçle izleyecek.
Seni ve tüm tutsak kadınları sevgiyle selamlıyoruz.
En voici pour vous une traduction :
Chère Zehra,
Nous savons que tu es transférée à Tarse. Notre solidarité et soutien te suivront partout avec la même force et chaleur.
Nous vous saluons, toi et toutes les co-détenues femmes, avec affection.