Résis­tance était l’autre nom de la vie”. C’est la dernière phrase d’un poème de Musa Anter, jour­nal­iste et écrivain kurde assas­s­iné en 1992.

20 ans plus tard, c’est avec ce poème comme fil rouge qu’Antoine Lau­rent et Nico­las Bertrand réalisent Ez Kur­dim, (Je suis kurde) un beau doc­u­men­taire qui part à la ren­con­tre de Fidan, Angel et Aslı, en France et en “Ana­tolie du Sud-Est”. Trois femmes. Deux sont kur­des, la troisième est turque. Autour de ces trois per­son­nages, les vis­ages et les his­toires se suc­cè­dent et dressent peu à peu le por­trait d’un peu­ple, dans toute sa diver­sité et son unité, son courage et sa soif de vic­toire. Le por­trait de ceux pour qui “il ne reste plus rien, à part résis­ter”.

ez kurdimLe film est dédié à Rojbîn, Ley­la et Sakine, mil­i­tantes kur­des assas­s­inées le 9 jan­vi­er 2013  à Paris.

Ça com­mence devant la Prison de la San­té, à Paris, où Ned­im vient d’être libéré après huit mois d’incarcération. Mil­i­tant du PKK, il a été arrêté pour raisons poli­tiques suite au dur­cisse­ment des lois anti-ter­ror­istes votées entre la France et la Turquie en 2011. Il est accueil­li par Rojbîn et d’autres encore. Et par Fidan. Qui ramène les images de sa libéra­tion à ses proches, au Kur­dis­tan. Un endroit où elle se sent chez elle, “mais en même temps, dans un pays sous occupation”.

Au fil des ren­con­tres et du périple des réal­isa­teurs qui l’accompagnent, nous allons à Van, sous les tentes qui ser­vent d’abri depuis le trem­ble­ment de terre. Les aides ver­sées au gou­verne­ment ne sont pas arrivées jusque là, jusqu’à ces ter­ri­toires niés, aban­don­nés et oubliés.

Puis à Amed, on s’évade pour un temps avec les chants de Nüjiyan et Azad, au cen­tre culturel.
“Etre kurde, c’est une plaie, car c’est être coupé de sa cul­ture et privé de ses droits”.

Une plaie qu’il faut panser : mais com­ment faire quand les mots qui soignent sont dans une langue qu’on ne sait plus parler ?

Et puis, à Mardin, à Fis, à Cizre, Nusay­bin et ailleurs, on sil­lonne le pays meur­tri avec Aslı, Angel, Xan­im, Dij­var, Mehmet. Avec les proches qui récla­ment les corps des dis­parus depuis des cen­taines de semaines. Avec les jeunes qui se ques­tion­nent, mili­tent, se réap­pro­prient leur langue, avec celles et ceux qui ont encore l’espoir chevil­lé au corps.

Aslı s’interroge sur la pro­pa­gande éta­tique qui taxe de ter­ror­istes les gens qu’elle croise sur son chemin. Apo nous fait vis­iter son vil­lage déserté. Dij­var, incar­céré à 15 ans, racon­te les humil­i­a­tions de la déten­tion. “La prison, c’est l’école de la résis­tance”. C’est pour ça que Cey­lan, empris­on­née à 13 ans, a fui après s’être “rad­i­cal­isée”.

On y retrou­ve Ley­la Zana, Kadri Yıldırım et d’autres dont les pro­pos sont pétris d’un espoir cori­ace, d’une colère sourde et d’une volon­té de résis­ter que rien ne pour­ra altérer.

Les mots de Musa Anter sont des cail­loux blancs sur le chemin des cinéastes, guident ce voy­age à tra­vers les paysages humains blessés, au pays des jour­nal­istes assas­s­inés et des femmes qui luttent.

Que sont-ils tous devenus ? Par­tis à l’étranger ou dans les mon­tagnes, en prison ou dans les rues sous cou­vre-feu, nul doute, s’ils et elles vivent, qu’ils et elles lut­tent encore, avec peut-être l’énergie du dés­espoir mais qu’ils et elles résis­tent, parce que là-bas, résis­tance est tou­jours l’autre nom de la vie.

Et le prochain Fes­ti­val des Autres Mon­des à Mor­laix ne nous souf­fle rien d’autre aux oreilles, ne sug­gère rien d’autre à nos yeux grands ouverts : il faut con­tin­uer à créer, inven­ter, imag­in­er pour résis­ter, lut­ter et se révolter. Par sol­i­dar­ité avec celles et ceux qui n’ont même plus le luxe du choix.

Antoine Lau­rent vient de réalis­er un nou­veau film, de Chati­la nous par­tirons. Restez atten­tif à sa diffusion !


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