Pour le deux­ième pro­jet de cen­trale nucléaire en Turquie, à con­stru­ire sur les bor­ds de la mer Noire, dans la province de Sinop, les travaux pré­para­toires offi­ciels ont com­mencé en févri­er, alors que le proces­sus d’é­tude d’impact sur l’environnement venait à peine de débuter…

sinopLe con­trat fut annon­cé le 2 mai 2013, par le gou­verne­ment turc, qui révéla alors l’ex­is­tence d’un con­trat avec un con­sor­tium fran­co-japon­ais… Depuis, le pro­jet a fait couler pas mal d’en­cre, car il est situé dans une région naturelle sous pro­tec­tion et pour comble de tout en lisière de zone sismique.

Le désir nucléaire de la Turquie dans cette région, remonte à loin. Le gou­verne­ment de l’époque avait envoyé déjà dans les années 1980, une let­tre d’in­ten­tion à Gen­er­al Elec­tric pour con­stru­ire des cen­trales nucléaires dans cette province de Sinop. Le nuage radioac­t­if de Tch­er­nobyl étant ensuite passé par là, les ardeurs se sont  calmées pen­dant quelques années. Mais les démarch­es ont abouti à ce pro­jet, à l’é­tude depuis 2008.

La maitrise d’ou­vrage sera assurée par un groupe­ment de sociétés com­posé de la Com­pag­nie d’élec­tric­ité turque EÜAŞ, avec une par­tic­i­pa­tion de 25 à 45 %, de Mit­subishi Heavy Indus­tries Ltd et Itochu Cor­po­ra­tion, et de GDF Suez. Are­va NP et Mit­subishi étant chargées de la réal­i­sa­tion. Un accord d’État à État a été signé le 03 mai 2013 à Ankara, en présence de Recep Tayyip Erdoğan, alors pre­mier min­istre, et son homo­logue japon­ais Shin­zo Abe, pour la con­struc­tion et l’ex­ploita­tion de 4 réac­teurs ATMEA de 1100MW four­nis par Are­va. Quant à GDF Suez, il par­ticipera au pro­jet à hau­teur de 20 % et sera notam­ment respon­s­able de la par­tie exploitation.

Lieu choisi : la presqu’île İnceb­ur­un, le point le plus au Nord du pays…

sinop

En févri­er 2018, les habi­tantEs de la région aler­taient en cet début d’an­née, sur le fait que plus de 400 mille arbres étaient déjà abat­tus. L’ironie du sort, est qu’à Akli­man et Ham­si­los, deux lieux naturels en rive de mer Noire, à seule­ment quelques kilo­mètres de l’emplacement choisi pour la cen­trale, sous pro­tec­tion envi­ron­nemen­tale, il est inter­dit d’y planter sa tente, de chas­s­er ou de pêch­er, encore moins de s’y promen­er avec des véhicules motorisés…

Un arti­cle de T4 relayait ces obser­va­tions de févri­er 2018, par Hazla Ocak, jour­nal­iste de Cumhuriyet.

Dès qu’on entre dans la ville, on voit de nom­breuses pan­car­tes instal­lées sur les fenêtres et bal­cons, ‘Sinop ne veut pas de cen­trale nucléaire !’.

Nous entrons dans Akli­man, avec Zeki Karataş, mem­bre de la Plate­forme anti­nu­cléaire de Sinop. Dans la ligne de côte d’Akliman, la forêt et la mer se tien­nent enlacées. Cette rive est une des plages de qual­ité de la mer Noire. Très vite, nous atteignons le parc naturel de Ham­si­los. Karataş n’en finit pas de nous par­ler du parc. ‘Site naturel, sur le par­cours des oiseaux migra­teurs, lieu de pro­créa­tion des pois­sons. Les baies d’Akliman et Ham­saroz qui s’y trou­vent, sont des espaces de tourisme d’une richesse exceptionnelle.’

Les pan­neaux instal­lés par le min­istères des Eaux et Forêts, inter­dis­ent l’accès aux véhicules motorisés, et le camp­ing. Un grand pan­neau du min­istère, en guise de guide de par­cours pour cyclistes et pié­tons, détaille aus­si la faune, dont ours et cerfs. Et le lieu, indiqué comme ‘espace de refor­esta­tion indus­triel’, cor­re­spond à l’emplacement de la cen­trale. Sur place, des cen­taines de mil­liers d’arbres sont coupés, et la mer qui nor­male­ment se cache der­rière les arbres, est main­tenant vis­i­ble dans toute sa nudité. Et sur l’emplacement du chantier, les vach­es broutent…”

Karataş explique : “Si la cen­trale est con­stru­ite, la presqu’île d’İnceburun dis­paraitra. Cette région, si l’expression est bonne, est un bout de par­adis. Ham­saroz veut dire éty­mologique­ment ‘le golf qui n’a pas mûri’ (ham : pas mur, saroz : golf). C’est une baie de type aber. La mer entre dans les ter­res sur 300, 400 mètres, autour de l’embouchure du ruis­seau Deve­ci. C’est le 22ème parc naturel du pays, berceau des espèces pro­tégées, de types endémiques d’oeillets sauvages, chardons, euphor­biacées, astéracées, cro­cus de Sinop, bulbe de Kas­ta­monu et d’autres… 150 espèces d’oiseaux y vivent. Et c’est cette région au sens large qui four­nit les plus rich­es espèces de pois­sons, et répond en grande par­tie aux besoins du pays.”

Quant à Murat Şahin, porte parole de la Plate­forme anti­nu­cléaire de Sinop, il rap­pelle la cat­a­stro­phe de Tch­er­nobyl en 1986, et ses con­séquences. Il souligne que si la cen­trale voit le jour ici, la vie de Sinop chang­era, le tourisme dis­paraitra. “L’eau de refroidisse­ment sera puisée dans la mer Noire. Selon le pro­jet, cha­cune des 4 unités con­som­meront 291.600 m³ d’eau par heure. Et autrement dit, cela fait 27.993.600.000 Litre par jour. Ce chiffre est équiv­a­lent, par rap­port à son débit, à deux fois le fleuve de Kızılır­mak  [se jette dans la mer Noire, long 1 150 km, il s’ag­it du plus long fleuve de Turquie]L’eau de la mer sera chlorée et les rejets à 38°. Ain­si, ce n’est pas seule­ment Sinop qui sera anéan­ti, mais la pêche en mer Noire aussi…”

 

Dans le dossier ini­tial du pro­jet, l’espace réservé à la cen­trale nucléaire, à est inti­t­ulé comme “forêt d’Etat de 1010,4 hectares, située au vil­lage d’Abalı à İnceb­ur­un”. Les 102,4 hectares sont réservés à la cen­trale, qui sera dotée de qua­tre réac­teurs. Le dossier souligne qu’à par­tir de la mise en activ­ité, chaque réac­teur aura une durée de vie de 60 ans. Le bud­get ini­tial annon­cé est de 20 mil­liards de dol­lars. Les travaux d’infrastructures sont annon­cés pour 2019 et la cen­trale débutera son activ­ité opéra­tionnelle en 2025.

Aujour­d’hui, le début des travaux annon­cés en 2017, se matéri­alise par l’a­battage des arbres… Le Reis est un peu pressé, car veut l’ou­ver­ture d’une cen­trale nucléaire, un des grands pro­jets méga­los de la “Nou­velle Turquie”,  pour le 100ème anniver­saire de la fon­da­tion de la République de Turquie : 2023 !

La pop­u­la­tion, con­sultée depuis 2006, à plusieurs repris­es et par dif­férentes organ­i­sa­tions a exprimé claire­ment son refus, avec une moyenne de 80%. Quant à Erdoğan, à plusieurs repris­es, il a déclaré : “Cela dérange cer­taines per­son­nes. Mais que vous le vouliez ou non, nous allons faire cette affaire”.

L’actuelle crise moné­taire autour de la livre turque qui dévisse, pour­rait renchérir le pro­jet, et le retarder, comme d’ailleurs d’autres béton­nages en cours. Mais ce sera la mobil­i­sa­tion des pop­u­la­tions con­cernées en pre­mier lieu qui déter­mineront la suite et dif­fuseront ce sujet à l’échelle de la Turquie.

Dans le prochain arti­cle, nous revien­drons sur les réac­tions récentes des autorités poli­tiques locales à Sinop, et l’in­au­gu­ra­tion en grande pom­pes avec la béné­dic­tion de Pou­tine du pro­jet le plus avancé.
Ce pro­jet russe, un temps sus­pendu, compte 4 réac­teurs nucléaires à eau pres­surisée de type VVER d’une puis­sance totale de 4,8 GW, pour un coût ini­tial prévu de 20 mil­liards de dol­lars. Il est situé à Mersin Akkuyu, sur les bor­ds de la Méditer­ranée. L’A­gence fédérale russe de l’én­ergie atom­ique (Rosatom) a relancé le chantier en avril 2018, après qu’il ait été sus­pendu un temps, et… ré-inau­guré par Pou­tine en avril de cette année.…

A suiv­re…


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Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.