Une prise de parole de même durée, sur une chaîne nationale, par candidat, est diffusée comme “propagande électorale”. Pour Selahattin Demirtaş, en prison, c’est presque un élément essentiel.
La deuxième allocution.
Le texte du discours électoral de notre candidat à la présidence Selahattin Demirtaş, publié sur la chaîne TRT News le 23 juin 2018.
Je vous salue, notre peuple estimé et mes chers frères et sœurs, avec respect et nostalgie.
Mes chers citoyen-ne‑s,
Le problème le plus grave auquel nous sommes confronté aujourd’hui est celui des crises économiques, de la pauvreté, du chômage, de la démocratie et celui de la question kurde. La seule façon de sortir de la situation économique difficile dans laquelle se trouve notre pays est d’augmenter la production. Nous continuerons d’emprunter de l’argent à l’étranger tant que nous n’augmenterons pas la production locale dans tous les secteurs, en particulier dans l’agriculture, l’industrie, l’élevage, la pêche, le tourisme et la technologie, et nous continuerons d’être malheureux entre les mains des usuriers internationaux. Même aujourd’hui, la dette extérieure de la Turquie a atteint 454 milliards de dollars au total.
Nous avons contracté de nombreux prêts à l’étranger. A‑t-il été dirigé vers les usines, les champs, la production, la main d’œuvre et la sueur de notre front ? Non. Malheureusement, il a été gaspillé pour des palais de luxe, des projets de construction inutiles, des gratte-ciel, la fantaisie et la frime. Nous distribuerons toutes les options financières entre nos mains, tout le capital que nous obtiendrons du pays et de l’étranger, aux agriculteurs, aux producteurs, aux industriels, aux petites et moyennes entreprises et aux commerçants. Pour l’utilisation de toutes les terres agricoles, nous prendrons comme base les besoins de la population. Pour une production de qualité et en abondance, nous offrirons aux agriculteurs, du soutien, pour le carburant, les semences, la main d’œuvre et la formation. Nous leur offrirons un large éventail d’opportunités de marché et de marketing, afin qu’ils puissent facilement vendre aussi leurs produits cultivés sur les marchés nationaux et étrangers. En supprimant tous les intermédiaires entre agriculteurs et consommateurs; nous créerons un système qui sera bon marché et de qualité, et à l’aide des coopératives, nous instaurerons un système dans lequel le gain des agriculteurs sera de beaucoup augmenté. Nous bâtirons le même système et soutien, également pour l’élevage et pêche.
En plus du tourisme côtier et marin, nous ajouterons des options pour l’hiver, la nature, l’histoire et la culture ; autant que le soutien offert à Antalya, nous soutiendrons le tourisme de montagne des hauts plateaux de la mer Noire et encouragerons le tourisme culturel, historique et religieux par exemple en Cappadoce, à Urfa, Mardin, Kars, Adıyaman, Van, Diyarbakır et pour l’Egée intérieure.
Afin de donner une nouvelle chance aux commerçants, aux petites et moyennes entreprises, de les aider à sortir des difficultés, et de s’assurer qu’ils puissent faire partie du processus de production, nous annulerons l’intérêt de toute la dette publique due par les agriculteurs et les commerçants et restructurerons la dette restante. Nous offrirons aux commerçants une aide sous forme de prêts sans intérêt jusqu’à 50 000 LT par an, un soutien fiscal et d’assurance pour les nouveaux travailleurs qu’ils vont embaucher, un soutien énergétique pour la production et aussi des matières premières de bon marché, et un transport à faible coût.
Pour réduire la dépendance énergétique à l’étranger au minimum, et pour protéger l’environnement et la nature, nous installerons des centrales solaires dans chaque province, chaque comté, voire chaque quartier, comme alternative au gaz naturel, au pétrole, au charbon et à l’énergie nucléaire. Notre objectif sera d’équiper chaque habitation, en cinq ans, avec des panneaux solaires afin de répondre aux besoins en énergie.
Dans le domaine de l’éducation, en mettant fin au favoritisme et au népotisme, nous construirons ensemble, un avenir qui sera déterminé par l’éducation et le mérite. Nous mettrons fin au système de 4+4+4+4, qui, avec des motivations idéologiques, sape les écoles. Nous ne réclamerons jamais d’argent aux parents, quelles que soient les circonstances. Nous mettrons fin aux programmes monolithiques, sectaires, racistes et sexistes dans l’éducation. Nous instituerons un nouveau programme d’enseignement basé sur une éducation scientifique, laïque, démocratique, libre, pluraliste, dispensée dans les langues maternelles de notre pays. En plus de la langue officielle turc, nous enseignerons à tous nos enfants leur langue maternelle.
Nous allons considérer la santé, comme un droit social. Nous combattrons le fait que les services de santé soient utilisés à l’encontre de l’individu et de la société comme un instrument de domination, et le fait que la santé publique soit laissée au bon vouloir du capitalisme et du marché. Nous mettrons fin à la pratique d’hôpitaux de ville. Tous les services de santé seront totalement gratuits. Nous ne vous déplacerons plus jusqu’aux hôpitaux, loin des villes, mais nous disposerons les hôpitaux à votre portée.
Nous ne ferons jamais de concessions sur la séparation des pouvoirs. Nous retirerons le législatif et le judiciaire de la pression et tutelle de l’exécutif. La Justice sera, pour toutes et tous, équitable et juste. Le système judiciaire décidera, non pas sur ordres mais avec justice. Nous instaurerons un sytème de justice, impartial et indépendant.
Nous définirons le revenu et la retraite minimums à 3 mille LT. Nous allégerons le poids d’impôts qui pèse sur les salaires. Nous instaurerons un système où les travailleurs-ses recevront leurs dus avant que leur sueur ne sèche, et protégeront leurs droits. Nous supprimerons toutes les difficultés qui empêchent la syndicalisation. Nous allons fournir aux jeunes, la Carte Jeune, qui sera créditée mensuellement de 500 LT.
Nous mettrons fin au travail en sous-traitance, et au travail sans contrat, sans sécurité. Nous interdirons le travail en “sous-location” . Nous donnons notre parole à nos 120 mille citoye-ne‑s qui ont été licencié-e‑s par décret du secteur public, et à leur famille; nous mettrons immédiatement fin à l’état d’urgence et supprimerons les pratiques injustes.
Nous ferons des reformes judiciaires, pour le retour des personnes arrêtées et condamnées injustement, à la vie sociale. Nous désemplirons les prisons considérablement.
Nous ouvrirons le chemin vers tous ces progrès, avec une Constitution civile et défendant la liberté. Avec cette Constitution, nous mettons en protection, les droits des personnes handicapées, les droits de l’enfant, les droits démocratiques des Kurdes, des Alévis, Sunnites et membres d’autres croyances religieuses.
Nous prendrons les mesures constitutionnelles, administratives et pratiques pour que les femmes soient présentes dans tous les espaces de la vie. Personne ne sera victime de pression, discrimination, pour sa façon de vivre ou de se vêtir. Dans notre gouvernement, la moitié des ministres seront des femmes. Avec la nouvelle Constitution, nous passerons au plus tard en deux ans, à un système parlementaire démocratique renforcé, et à un système administratif local puissant. Nous instaurerons une paix, centrée à l’Assemblée nationale, et qui sera la fin des violences et des armes, concernant le problème kurde. Car sans la paix, sans la démocratie, nous ne pouvons résoudre aucun de nos problèmes.
Il est très important, pour renforcer la démocratie et instaurer la paix, que le HDP soit présent à l’Assemblée nationale. Si le HDP butte sur le barrage de 10%, qui est le barrage le plus haut au monde, et qu’il n’entre pas à l’Assemblée, ceci sera un coup lourd non seulement pour le HDP, mais aussi le progrès de la démocratie en Turquie. Et ceci donnera l’opportunité à l’AKP de confisquer injustement, les sièges de plus de 80 député-e‑s du HDP. Et cela se révélera préjudiciable à la fois à la justice représentative et à la stabilité. Et finalement, un résultat aussi grave ravagerait la réputation de la Turquie, qui a déjà touché le fond. Ainsi, l’économie se détériorerait également. Pour cette raison, surmonter ce barrage antidémocratique mis en place spécialement pour le HDP, est important pour notre avenir à tous. La perte du HDP se traduirait par une perte pour l’ensemble de la Turquie. Aujourd’hui, soutenir le HDP équivaut à soutenir la démocratie.
Si, avec votre soutien, nous obtenions la majorité à l’Assemblée et à la Présidence de la République, cela seul conduirait à la relance de l’économie. L’atmosphère positive qui serait créée par le fait que nous prenions ce devoir, diminuerait dès le premier jour, la valeur des devises étrangères. Ensuite, avec des mesures et avancées rapides, nous assurerions une relance rapide. De plus, nous le ferions sans vous laisser à la merci du capitalisme. Parce que le capitalisme tue. Il tue l’être humain, il tue notre âme. Il tue, nos cultures, notre nature, nos convictions, nos espoirs. Le capitalisme tue, notre poésie, nos chansons, nos danses. Il tue, nos oliveraies, nos rivières, nos plateaux, notre héritage historique et culturel. Il tue, nos amours, nos amitiés, nos liens familiaux, nos traditions… Nous ne nous plierons pas devant les imposition du système capitaliste, pour lequel l’argent et le plus grand, même le seul pouvoir… Nous instaurerions, absolument, un système économique, qui serait du côté des travailleurs-ses et des opprimé-e‑s, sans pour autant fermer la Turquie au monde extérieur, sans la déconnecter du monde, sans créer des engorgements économiques. Nous renforcerions le principe de l’état social, et nous prendrions comme fondement de l’économie, non pas le capitalisme sauvage, mais la démocratie, le partage équitable.
En politique extérieure, nous opterons pour une ligne constructive, basée sur le dialogue et la paix. Tout en combattant les interventions impérialistes dans notre région, nous instaurerions des relations basées sur la confiance entre tous les peuples. Nous exposerions une posture honorable, et du côté des opprimé-e‑s. Nous commencerions immédiatement un nouveau processus pour la paix intérieure en Syrie, afin d’ouvrir le chemin de retour à nos frères et soeurs syriens, qui le souhaitent, vers leur pays.
A cette occasion, je félicite à l’avance, mes citoyen-ne‑s qui iront aux urnes le 24 juin et voteront pour la démocratie. Je souhaite que les résultats de ces élections apportent prospérité à notre peuple et notre pays. J’invite tous les électeurs et électrices, à protéger les urnes et les bulletins de vote, et se réapproprier leur volonté.
Les belles personnes de mon pays, je vous aime toutes et tous, et je crois que nous nous retrouverons bientôt. Je vous salue encore une fois, avec sincérité, et souhaite être ensemble pour des jours libres, heureux et sereins.
Au revoir.
Selahattin Demirtaş
Vous trouverez la première allocution du 17 juin 2018, ICI