Un point sur la sit­u­a­tion à la fron­tière fran­co-ital­i­enne, fait par des cama­rades qui y lut­tent, en sol­i­dar­ité avec les vic­times des fron­tières éta­tiques. Ici comme ailleurs, les fron­tières sont les murs de nos pris­ons. A bas la forter­esse Europe !

Exemples de répression quotidienne

L’autre nuit, la PAF (Police Aux Fron­tières) a tabassé un garçon qui sup­pli­ait de ne pas être rap­a­trié en Italie.
La police refoule aus­si tou­jours plus fréquem­ment les mineurEs, sou­vent en leur men­tant sur la des­ti­na­tion finale du tra­jet en camion­nette, qui les déporte inex­orable­ment en Italie.
Gen­darmes et poli­cièrEs patrouil­lent sur les chemins avec des quads, en vélo et à pied, menaçant sou­vent de tir­er sur celleux qui cherchent à tra­vers­er cette fron­tière sans avoir la couleur de peau et les doc­u­ments req­uis.
En par­al­lèle, le ter­rain de golf est à nou­veau ouvert. Le tourisme est de retour dans ces mon­tagnes. Pen­dant l’hiver, ces sen­tiers qui sont fréquen­tés de nuit par les “migrantEs” sont des pistes util­isées par des mil­liers de skieusEs ain­si qu’une des­ti­na­tion touris­tique pour les rich­es. En été, ils se trans­for­ment en ter­rain de golf, à ce qu’il parait pro­priété de Lavaz­za. La pelouse du ter­rain est bien entretenue, le “golf trans­frontal­ier”, “18 trous à cheval sur deux pays !” comme illes l’appellent aus­si. Ce ter­rain n’est acces­si­ble qu’à celleux qui peu­vent pay­er. La fron­tière aus­si a été pri­vatisée. Elle est répar­tie entre les forces de l’ordre et les multinationales.

Premier épisode

Marcher dans les bois entre Clav­ière et Mont­genèvre est dan­gereux : on risque d’y ren­con­tr­er des per­son­nes mal inten­tion­nées sur les chemins, comme un gen­darme à vélo qui te barre la route. Il y a peu, trois amiEs qui se prom­e­naient dans cette mon­tagne mil­i­tarisée ont été inter­pel­léEs pour un con­trôle d’identité. L’une d’elleux n’avait pas de doc­u­ments sur elle. Le gen­darme à bicy­clette a appelé des ren­forts et les trois amiEs ont été embar­quéEs dans la camion­nette qui les a emmenéEs à la PAF pour véri­fi­ca­tion. D’abord, les flics ont essayé de leur met­tre la pres­sion en dis­ant que leur inter­ven­tion fai­sait suite à une dénon­ci­a­tion : quelqu’un aurait vu nos trois amiEs mar­quer les chemins à l’aide d’une bombe de pein­ture. Une fois arrivéEs au poste, illes ont été fouil­léEs, mais rien n’a été trou­vé, ni sur elleux, ni dans les sacs à dos. ToutEs trois ont été relachéEs avec une con­vo­ca­tion à la PAF en audi­tion libre pour “sus­pi­cion d’aide à l’entrée et au séjour de per­son­ne étrangère”.

Cette arresta­tion ren­tr­erait dans le cadre d’une enquête plus large, ouverte pour aide à l’immigration clan­des­tine, chef d’accusation auquel il sem­ble que le sym­pa­thique pro­cureur de Gap soit par­ti­c­ulière­ment attaché. Il est évi­dent que la volon­té du pro­cureur et de la police des fron­tières est de met­tre un coup de pres­sion. Pen­dant ce temps-là, celleux qui cherchent à tra­vers­er con­tin­u­ent de se per­dre en mon­tagne, en pas­sant des heures dans le bois pour échap­per aux forces de la police. Au moins trois d’entre elleux sont déjà mortEs.

Deuxième épisode

Une voiture avec trois per­son­nes à son bord est arrêtée à quelques cen­taines de mètres de la fron­tière par un jeune fort mal en point, qui se déclare très malade et a besoin d’aller à l’hôpital. Il demande à être amené à la PAF pour être pris en charge par le sys­tème français, en tant que mineur non accom­pa­g­né et en très mau­vais état de san­té (la loi française prévoit en effet la prise en charge par l’État de n’importe quelle per­son­ne présente sur le ter­ri­toire qui se déclare mineure non accom­pa­g­née). Sa con­di­tion physique est vis­i­ble­ment cri­tique. Le jeune homme peine à par­ler et même à s’asseoir. Il affirme ne pas avoir été soigné dans le cen­tre d’accueil ital­ien. Les trois per­son­nes l’emmènent à la PAF où elles dis­ent que le jeune homme doit aller à l’hôpital et qu’il est mineur. Les policiers le font descen­dre et entr­er. Puis, une par une, les trois per­son­nes sont inter­rogéEs, après qu’on leur ait don­né le choix entre une “audi­tion libre” immé­di­ate et une garde-à-vue, pour aide à l’immigration clan­des­tine. De fait, toutEs trois sont retenuEs trois heures et demi durant : inter­roga­toire et coups de pres­sion. Ils repar­tent avec un ren­dez-vous pour le lende­main, don­né à l’oral. Il sem­ble que le pro­cureur de Gap ait voulu ouvrir une enquête. Pen­dant ce temps-là, le jeune malade est plus ou moins inter­rogé, puis on lui dit qu’il sera amené à l’hôpital de Bri­ançon. Il lui font sign­er un papi­er qu’il n’a même pas pu lire. Puis il le font mon­ter dans une camion­nette, avec deux autres mineurs. Ils croient tous qu’ils vont à Bri­ançon, au lieu de quoi ils sont déposés sur la route, à l’entrée de Clav­ière, à la fron­tière ital­i­enne. La per­son­ne malade ré-essaie. Elle arrête une autre voiture, qui l’emmène à nou­veau. Cette fois-ci, le con­duc­teur a des com­pé­tences médi­cales et peut con­firmer qu’il a sérieuse­ment besoin d’être hos­pi­tal­isé. Au lieu de ça, de nou­veau il est refoulé à la frontière.
Cette fois-ci, il sem­ble que c’est la préfète de la région en per­son­ne, con­tac­tée pour l’occasion, qui prend la déci­sion de le refouler.
Quelqu’unE l’amène à l’hôpital en Ital­ie. Des médecins zélés appel­lent immé­di­ate­ment les flics. Les cara­binieri ital­iens le soumet­tent en pre­mier lieu à un exa­m­en osseux, pour véri­fi­er qu’il est bien mineur.
Ils l’embarquent ensuite pour un con­trôle d’identité. Fichage, pho­tos, etc.
Puis, le jeune est amené dans un cen­tre pour mineur en basse val­lée de Suse, et il est hos­pi­tal­isé le lende­main à Turin.

Troisième épisode

AucunE des six arrêtéEs ne s’est pre­sen­té à la con­vo­ca­tion pour inter­roga­toire à la PAF. Illes n’avaient aucune inten­tion de se présen­ter volon­taire­ment à un ren­dez-vous non oblig­a­toire et
poten­tielle­ment pas foli­chon avec la police, pour se faire assom­mer de ques­tions et éventuelle­ment retenir en GAV pour aide à l’immigration clandestine.

La PAF appelle sur les télé­phones privés de cer­tainEs des con­vo­quéEs. Il leur est indiqué que s’illes ne se présen­tent pas rapi­de­ment illes finiront sur la liste des per­son­nes recher­chéEs. En pra­tique, illes les men­a­cent de venir les chercher de force. Ce sont le pro­cureur et la préfète qui souhait­ent pour­suiv­re les enquête et cet absurde théâtre répressif.

Quelques jours plus tard, la police se présente chez deux des trois amiEs et appelle l’un d’elleux au tra­vail. Illes ont à l’évidence très envie de leur par­ler. Illes n’ont trou­vé per­son­ne. Nous ne savons pas com­ment con­tin­uera l’histoire.

Le pro­cureur et la préfète nous ont telle­ment pris en sym­pa­thie qu’ils souhait­ent pass­er tou­jours plus de temps en notre com­pag­nie. Et il sem­ble qu’illes aient un dossier qu’illes enrichissent tou­jours plus, avec des pho­tos de famille.

La répres­sion envers celleux qui sont de pas­sage et envers les sol­idaires continue.
Mais la sol­i­dar­ité aussi.
De vos con­vocs, on en fera rien.

DIFFUSEZ, FAITES TOURNER, et pré­parez vous à revenir dans ces montagnes !


Image à la une : ©Sadık Çelik, Briançon 2018.
Les chaussures et chaussettes des réfugiéEs se sèchent face à la montagne…
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Le petit mag­a­zine qui ne se laisse pas caress­er dans le sens du poil.