Ce reportage est le quatrième et dernier d’une série publiés début 2015, sur JINHA, agence de presse co-fondée à l’époque par Zehra Doğan et quelques autres femmes, dont beaucoup furent arrêtées et emprisonnées depuis, après l’interdiction et la fermeture définitive de l’agence, comme de celles qui furent créées dans son prolongement.
Les attaques génocidaires de Daech contre les YézidiEs datent d’août 2014. Et l’oubli volontaire est déjà à l’oeuvre sur ces quatre années.
Il est pour nous essentiel aujourd’hui, alors que les médias internationaux glosent sur la fin de Daech en Syrie et en Irak, comme une victoire militaire, sans regard sur ce que sera ou non la reconstruction d’un peuple martyrisé, et sa place dans un projet politique avec d’autres et pour lui-même.
Ce dernier volet concerne des projets qui ont vu leur aboutissement dans la libération de Raqqa par exemple, et le participation active des femmes combattantes, et depuis de civilEs. Mais n’oublions pas que les projets d’accueil des femmes yézidies ont été récemment mis à mal lors de l’invasion d’Afrîn par les forces nationalistes turques, et la purification ethnique qui s’en est suivi, ainsi qu’ils le furent également en 2015/16, durant les offensives et massacres commis au Kurdistan de Turquie.
N’oublions pas non plus que dans le projet du Confédéralisme Démocratique, comme base d’avenir pour une vie commune, cette alliance de fait entre les femmes, dans la solidarité, l’entraide, l’auto-défense, les démarches nombreuses auprès des structures traditionnelles et patriarcales de la région, pour l’aide et le soutien psychologique ou la libération de femmes détenues par Daech, a consolidé les partenariats et ententes entre Kurdes et autres peuples du territoire.
Le calvaire des femmes yézidies a disparu des colonnes des médias et se trouve rejeté dans la litanie des listes de “victimes des guerres”, bien loin aujourd’hui des interrogations sur le “retour des ex djihadistes” en Europe, tout autant que les frontières se referment aux réfugiéEs.
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Les femmes kurdes se préparent à une lutte commune
HEWLÊR -
Les membres de la “Plateforme de lutte pour les femmes retenues de force” se préparent pour sauver les 7 milles femmes se trouvant encore entre les mains de Daech, ainsi que pour ouvrir un centre de réhabilitation pour celles qui ont réussi à s’échapper. Cette plateforme réunira les femmes des quatre Kurdistan sous son toit. Un projet de lutte de plus grande envergure ainsi qu’un appel à toutes les femmes du monde sont envisagés.
Le “Plateforme de lutte pour les femmes retenues de force” projette la sauvetage des 7 milles femmes se trouvant encore entre les mains de Daech, ainsi que l’ouverture d’un centre de réhabilitation pour celles qui ont réussi à s’échapper. Ses membres se sont réunies avec la Commission de protection des droits des femmes du Parlement du Kurdistan d’Irak, et les femmes, membres de l’administration du Rojava. Un appel a été lancé pour une lutte commune, sous l’égide de la plateforme. Suite à la réponse favorable des femmes, la plateforme débutera ses activités communes dans les jours à venir.
Un centre de réhabilitation pour les femmes yézidies, à Diyarbakır
Feleknaz Uca, membre de la “Plateforme” et du conseil d’administration du DTK (Congrès pour une société démocratique), nous a informé sur les activités.
Concernant les femmes yézidies avec lesquelles des entretiens ont été effectués, Feleknaz a déclaré : “Nous nous sommes réuniEs avec les femmes de Sinjar, Hewler, Duhok et Rojava. Les femmes avec lesquelles nous nous sommes entretenues sont dans un état terrible. Dès qu’elles nous ont vues, elles nous ont attrapé les mains, et elles ne les ont plus lâchées. Lorsqu’elles ont partagé avec nous, leurs témoignages, nous avons eu honte de notre humanité. Ce n’est pas facile, leurs familles ont été massacrées devant leurs yeux, et elles-mêmes, ont été revendues de nombreuses fois dans des marchés aux esclaves. Elles ont été violées. Elles ne voulaient pourtant pas se rappeler ces moments ignobles qu’elles ont vécus. Nous leur avons proposées, de les inviter à Diyarbakır, de leur offrir la solidarité nécessaire, et de les ramener sur leur terre, au moment où elles le souhaiteraient. Elles ont ressenti beaucoup d’espoir. Elles ne veulent pas se souvenir des atrocités qu’elles ont vécues, elle veulent guérir. Nous ne pouvons pas panser totalement leurs blessures, mais pour les soutenir, nous devons commencer à nous activer.” et elle ajouté qu’un centre de santé sera installé à Diyarbakır, pour ces femmes.
“Nous sommes admiratives de la lutte des femmes”
Feleknaz exprime qu’en arrivant à Sinjar, et en observant que les femmes continuaient à lutter malgré toutes les conditions difficiles de vie, elles ont été admiratives. ” Nous avions de la tristesse en pensant à la montagne de Sinjar, berceau de Dewrêşê Evdî, l’épopée [d’amour kurde]. Dès que nous avons mis les pieds sur la montagne de Sinjar, nous nous sommes senties “une” avec la population qui y vit. Nous nous sommes trouvées, au coeur de leur vie, là-bas. La montagne de Sinjar sur laquelle avait été écrite cette légende d’une importance particulière pour les Kurdes, est aujourd’hui témoin d’une nouvelle épopée. Celle qui est écrite par des milliers de femmes qui luttent contre Daech. Ce fut, pour nous une sensation incroyable. La détermination et la conviction des femmes, nous a motivées pour travailler encore plus.”
“Les femmes doivent rester sur leur propres terres”
Feleknaz précise que les femmes des quatre Kurdistan, mèneront une lutte commune, pour les femmes enlevés de force. Elle souligne également que le fait d’amener ces femmes en Europe serait une erreur. “Ces femmes doivent être soignées sur les terres du Kurdistan. Aucune des femmes soignées en étant arrachées de ses terres, ne pourra guérir totalement. C’est pour cette raison que nous montrons un soin particulier à ce que toutes nos actions se déroulent sur place.”
Des magasins de vente comme des agences immobilières !
Êvar İbrahim, Présidente de la Commission de protection des droits des femmes du Parlement du Kurdistan d’Irak a affirmé que, concernant les femmes enlevées, des réunions régulières sont tenues avec des organisations de la société civile. “Dans les mains de Daech, il y a encore des milliers de femmes. La quasi totalité de celles qui ont pu s’échapper se retrouvent à Duhok et les villages environnants”. Êvar a ajouté que les femmes sont vendues à Moussoul, Kirkouk, Tıl Alfar, au Qatar, en Arabie Saoudite et en Syrie. Elle a précisé que les ventes des femmes sont effectuées dans des boutiques ouvertes pour ce faire, en présentant les femmes comme dans des agences immobilières, avec photos et prix annoncés.
“Kadınları kurtarmakta kararlı olmalıyız”
Quant à Kejal Hadi Faqê, parlementaire du Parti Yekgırto İslam, elle a affirmé qu’un centre avait été mis en place à Duhok, afin de sauver les femmes, et que de nombreux-ses bénévoles de la population locale, font partie de l’équipe constituée. Kejal a alerté les femmes kurdes, pour qu’elles soient prêtes au pire et a souligné “Pour ce type de travail il faut beaucoup de confiance en soi. Nous ne devons pas être inquiètes.
C’est en travaillant avec détermination que nous pouvons réussir à sauver les femmes.
Auteure invitée :
Zehra Doğan
Artiste et journaliste, actuellement toujours incarcérée dans la prison pour femmes d’Amed.
Consultez aussi le dossier spécial consacré à Zehra Doğan.
Zehra Doğan • Röportaj 4 | Kürt kadınları ortak mücadelede Okumak için tıklayınız