La semaine et la marche des fiertés d’Is­tan­bul ont été annon­cées du 25 juin au 1er juil­let prochains.

Le gou­verne­ment qui est au pou­voir en Turquie ne recon­naît pas les droits des per­son­nes LGBTIQ+. Il n’ex­iste pas de loi crim­i­nal­isant les LGBTIQ+, mais la Turquie n’est pas non plus un pays spé­ciale­ment “gayfriend­ly”

Dans ces dernières années, les régres­sions dans le domaine des droits des per­son­nes minori­taires ont été rapi­des et vio­lentes. Ces pres­sions poli­tiques insti­tu­tion­nelles sont accom­pa­g­nées de vio­lences dans la vie au quo­ti­di­en : vio­lences physiques, sym­bol­iques, et économiques qui mènent à des meurtres qui demeurent impu­nis, des empris­on­nements arbi­traires. La répres­sion touche toute la pop­u­la­tion et est ali­men­tée par une réal­ité de guerre au Kur­dis­tan, “légitimée” par un dis­cours nation­al­iste, raciste, sex­iste et religieux.

Les pres­sions ont aus­si aug­men­té suite à la ten­ta­tive du coup d’état de juil­let 2016, et de nom­breuses asso­ci­a­tions et revues sont fer­mées depuis par décret-loi suite à la déc­la­ra­tion d’état d’urgence. Mal­gré les intim­i­da­tions, les activistes et artistes con­tin­u­ent d’intervenir en pub­lic, dans la lit­téra­ture, au ciné­ma, au théâtre, dans les rues, en étant “soi”, en créant par des actions indi­vidu­elles et col­lec­tives. La sit­u­a­tion des détenus trans, inter­sex­es et homo­sex­uelLEs est par­ti­c­ulière­ment grave.

Il faut plus large­ment pren­dre en compte, non plus seule­ment l’état socié­tal de la Turquie, mais l’affrontement direct du régime AKP avec tout ce qui est sur sa route, et l’instrumentalisation d’une morale religieuse big­ote à cet effet. De ce fait, le mou­ve­ment LGBTIQ+, se trou­ve placé mal­gré lui, dans la ligne de tir d’Erdoğan, et des ultra nation­al­istes alliés, et devient l’enjeu, après les intel­lectuels, les jour­nal­istes, les minorités religieuses et cul­turelles, d’un rap­port de forces.

Interdictions depuis 2015…

La Marche des fiertés d’Is­tan­bul avait rassem­blé en 2014 des dizaines de mil­liers de per­son­nes et fut l’un des prin­ci­paux événe­ments LGBTIQ+ au Moyen-Ori­ent. Les march­es des fiertés sont inter­dites et réprimées trois ans, notam­ment à Istan­bul. Chaque fois, les man­i­fes­tants ont bravé ces inter­dic­tions et les forces de l’or­dre sont vio­lem­ment intervenues.

En 2015, les autorités ont mis en cause la coïn­ci­dence de l’événe­ment avec le ramadan. Pen­dant que dans qua­tre coin du pays cer­taines mairies soute­naient la lutte, à Istan­bul, les images de Hande Kad­er et son amie sous la charge des canons à eau, ont mar­qué les esprits à jamais. Peu de temps après, Hande est assas­s­inée, ‘parce que trans’ et bien qu’elle est hélas, seule­ment une par­mi les vic­times de la haine et trans­pho­bie, elle est dev­enue une fig­ure emblé­ma­tique de la lutte pour les droits LGBTIQ+.

En 2016 inter­dic­tion encore, et cette fois pour “raisons de sécu­rité”, aus­si bien pour la Marche des Fiertés d’Is­tan­bul que pour la Marche des Fiertes des trans

En 2017, la man­i­fes­ta­tion est inter­dite pour la troisième année con­séc­u­tive. Cette fois, l’in­ter­dic­tion est motivée par un dou­ble pré­texte. Elle coïn­cidait égale­ment avec le pre­mier jour de la fête célébrant la fin du ramadan. Et suite aux déc­la­ra­tions et men­aces publiques de groupes con­ser­va­teurs et d’ex­trême droite, les autorités ont pris la déci­sion d’in­ter­dic­tion “pour préserv­er l’or­dre pub­lic et la sécu­rité des touristes, des habi­tants et des par­tic­i­pants”. La marche est main­tenue, la police inter­vient. Bilan : 41 arresta­tions, dont 28 activistes LGBTIQ+.

Les con­di­tions sont de plus en plus dif­fi­ciles et la répres­sion aug­mente, mais la résis­tance se renforce…

Avec tout le sou­tien de Kedis­tan, voici l’an­nonce de lance­ment pour la Marche et la Semaine des Fiertés du 2018 :

istanbul lgbtiNous vivons dans un monde où les fron­tières qui lim­i­tent nos lib­ertés et souhaits se mul­ti­plient chaque jour. Mal­gré l’oppression et les inter­dic­tions inces­santes, nous annonçons le thème de la 26ème édi­tion de la Semaine des Fiertés d’Istanbul LGBTI, qui se déroulera du 25 juin au 1er juil­let : avec l’in­ti­t­ulé “FRONTIERE” !

Nous lançons cet appel à élargir le sens du mot “fron­tière”, à se pren­dre en main, au-delà des fron­tières de l’écrit et de la pen­sée, pour ce con­cept qui touche nos vies. Réfléchissons, par­lons, débat­tons ensemble.

Nos lançons cet appel, parce que nous n’acceptons pas que nos iden­tités, notre exis­tence soient lim­itées sous divers pré­textes. Nous nous rassem­blerons con­tre celleux qui nous iso­lent de l’espace pub­lic en nous dis­ant “faites ce que vous faites, entre qua­tre murs”, nous sor­tirons des espaces dans lesquels ielles nous nassent. Nous savons comme il est impor­tant, mal­gré celleux qui restent silen­cieux devant la vio­lence, la tor­ture, l’agression et le viol qui règ­nent impuné­ment, tous les jours, dans la rue, d’éroder les fron­tières mis­es autour de l’amour, du plaisir et du partage.

Nos faisons cet appel, parce que nous voulons que les inter­sex­es, dont les fron­tières cor­porelles sont vio­lées dès l’enfance, afin de les faire entr­er dans les normes sociales, soient remar­quéEs. Nous nous met­tons debout en face de celleux qui nous entassent dans les fron­tières du sys­tème binaire du genre, et nous dis­ons à celleux qui fuient leurs regards, en pen­sant que nous sommes “dif­férentEs” : “Nous sommes là”. Nous démon­trons con­tre les fron­tières mis­es autour du nom­bre des ori­en­ta­tions, iden­tités, exis­tences, que les queers, d’innombrables iden­tités de genre, et ori­en­ta­tions exis­tent. Nous crions l’existence des asex­uéls, aro­man­tiques et tant d’autres.

Nos faisons cet appel, parce que nous voyons le mas­sacre que la guerre amène au-delà des fron­tières de nos ter­res, et nous voulons résis­ter con­tre les fron­tières instau­rées par les Etats nation­al­istes, racistes, colo­nial­istes. Nous voulons ren­dre vis­i­bles, les prob­lèmes psy­chologiques et physiques que les fron­tières créent, et par­ler des fron­tières invis­i­bles que la xéno­pho­bie et le racisme a bâties entre nos cama­rades migrantEs qui tra­versent avec mille dif­fi­cultés les fron­tières établies par des Etats. Nous voulons célébr­er sans fron­tières, la fierté que nous ressen­tons de nos iden­tités, avec tout le monde, avec les minorités et d’autres peuples.

Nous crions que dans nos flirts, nos rela­tions, ce ne sont pas les fron­tières du sys­tème de dom­i­na­tion mas­cu­line qui sont valides, mais nos pro­pres fron­tières. Nos sup­p­ri­mons les fron­tières mis­es au nom­bre de nos amours et partenaires.

Nous prote­stons depuis Istan­bul, con­tre l’interdiction déclarée par la Pré­fec­ture d’Ankara, dans les fron­tières du dis­trict, sans lim­ite de temps, et nous nous moquons de leurs fron­tières et lim­ites. Comme nous l’ex­p­ri­mons depuis les dernières 25 années, “Nous ne voulons pas des ghet­tos où nous sommes empris­on­néEs dans les fron­tières, mais toute la ville !”. Nous nous réap­pro­pri­ons notre dig­nité de vivre humaine­ment, en lev­ant nos voix, par nos let­tres, ou par notre faim, devant celleux qui pensent pou­voir met­tre des fron­tières à notre sol­i­dar­ité, et empris­on­nent de nom­breux-ses amiEs trans, dont Diren, qui pour être traitée humaine­ment en prison a fait une grève de la faim, et qui s’est faite entendre.

Avec la déter­mi­na­tion et la volon­té que nous mon­trons depuis 26 ans, nous clamons :

Fron­tière ! Par­fois tu nous a empris­on­néEs, tu fus camp de con­cen­tra­tion en Tcheche­nie, tu nous a fait subir tor­ture et mort.

Fron­tière ! Par­fois tu nous a jetéEs dehors, tu nous a con­fisqué notre tra­vail avec la Loi de moral­i­sa­tion tu nous a viréEs des restau­rants où on se nour­ris­sait, de nos maisons où on s’abritait. Tout le long de l’histoire de l’humanité, tu fus tou­jours, du côté des fortEs. Tu n’as pas respec­té nos corps et notre volon­té. Tu fus agres­sion dans la rue, et thérapie de réha­bil­i­ta­tion dans les hôpitaux.

Fron­tière ! Par­fois tu fus bar­ri­cade poli­cière, tu nous as empêchéEs de marcher. Par­fois tu fus les lois qui nous sépar­ent de nos iden­tités, tu nous as empêchéEs d’atteindre nos droits.

Cette année, nous voulons lors de la Semaine des Fiertés, par­ler de toutes les fron­tières bâties au prof­it des fortEs, com­bat­tre ces fron­tières de toutes nos forces, et ren­dre vis­i­bles, les fron­tières invisibles.

Nous avons la con­vic­tion, que nous fer­ons dis­paraitre “la bonne con­science morale sans lim­ites” qui pro­duit abon­dam­ment des pro­pos de haine con­cer­nant nos vies, nos corps et nos sen­ti­ments, et que nous déter­minerons les fron­tières de tout ce qui nous appar­tient. Nous organ­isons notre marche et notre semaine, pour un monde où les fron­tières ne nous con­fisquent pas nos lib­ertés, mais qui est au con­traire, leur garant.

Avec le souhait d’un monde juste et égal.

Bon 26ème Semaine des Fiertés Istan­bul LGBTI !

Istanbul LGBTI+ Pride Week 
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Ajout du 1er Juillet 2018, le jour de la Marche des fiertés

Après l’ex­cuse du ramadan l’an­née dernière, le pro­cureur inter­dit la Marche des fiertés d’Is­tan­bul, pour motif “men­aces néo nazis”… Les asso­ci­a­tions LGBTIQ main­ti­en­nent la marche. La police réduit le par­cours à la rue Mis, à Taksim.
“Nous lirons notre com­mu­niqué de presse, dans tous les coins, dans toutes les rues !” dis­ent les par­tic­i­pantEs, “Nous exis­tons, nous sommes là, habituez-vous !”

 


Image à la une : pho­to Ömer Tev­fik Erten

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Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.