Voici les deux principaux responsables de crimes, désignés nommément dans le jugement du Tribunal Permanent des Peuples, intervenu après la session de mars consacrée à la Turquie et aux Kurdes : le Président de l’Etat turc, Recep Tayyip Erdoğan et le Général Adem Huduti, chef de la seconde armée de Turquie.
Extraits :
Le Président de l’Etat turc, Recep Tayyip Erdoğan, porte une responsabilité directe pour les crimes de guerre et les crimes d’Etat commis en particulier dans les villes du sud est de l’Anatolie . Par ses declarations et son attitude générale consistant à traiter les kurdes vivant dans ces regions et leurs dirigeants de terroristes, il a incité les forces de police et les militaires à user d’une violence indiscriminée contre les combattants et la population civile et l’a légitimée .
Le Général Adem Huduti, chef de la seconde armée de Turquie, porte aussi une responsabilité directe pour les crimes susmentionnés, comme architecte principal des opérations combinées entre les forces militaires, la police et les milices paramilitaires . Il a employé des forces militaires disproportionnées, entrainant des pertes importantes dans la population civile non engagée dans des operations militaires et des destructions délibérées d’infrastructures civiles, historiques, religieuses .
Le Général Adem Huduti, ayant menée les opérations en 2015 dans les villes de Şırnak ve Diyarbakır, provoquant la mort de centaines de civilEs, était en effet défini par les médias nationalistes turcs eux mêmes comme “Le commandant qui a nettoyé Cizre et Sur”.
Il est né en 1952 au Kosovo. Il est revenu vers la ‘Mère Patrie’ ensuite. Diplomé de l’académie militaire en 1973, il a rempli des fonctions aux frontières grecque, russe, puis à Erzurum, dans l’Est de la Turquie. Il siégeat de longues années à l’OTAN au siège des forces terrestres des alliés d’Europe du Sud, en Italie. Il a pris ses galons entre 1999 et 2014. Après le 11 septembre, aux Etats-Unis, ils s’est rendu en Afghanistan (2002) et a dirigé le déploiement des forces armées turques à Kâbil. Il a également exercé des fonctions à Chypre, côté turc. Il fut accusé d’être partie prenante du putsch manqué de 2016.
Le général Adem Huduti, général de la deuxième armée, basée à Malatya, était également responsable de la protection des frontières de la Turquie avec la Syrie, l’Irak et l’Iran.
Et voici ce que la quasi totalité de la presse internationale disait fin juillet 2016, après le putsch manqué, en copiés collés d’agence :
“La seconde armée, basée dans le sud-est, a perdu son chef, le général Adem Huduti. Loué il y a quelques mois par la presse proche du gouvernement pour son action face à la menace kurde, il est à présent dépeint comme un traître à la solde des gülenistes. Arrêté peu après le putsch raté, il fait partie des gradés exclus de l’armée.”
Depuis la tentative de coup d’état de juillet 2016, les purges et les procès se succèdent. Et l’on sait avec quel cynisme le Président a élargit la notion de “terrorisme” et l’a imposée aux juges désormais dociles pour toutes les procédures concernant les mouvements d’opposition. Le coup d’état “béni du ciel” fut un coup de maître, et se débarrasser d’un allié devenu encombrant comme le mouvement Gülen a permis de quasi décimer du même coup l’opposition politique qui n’avait rien à voir avec le putsch.
Ce double jeu politique est une spécialité du Président turc, on le sait, et est principalement dirigé contre le mouvement kurde depuis toujours, nationalisme et unité nationale oblige.
Le Général Adem Huduti, güleniste, s’est donc retrouvé devant la justice turque, lui qui avait rendu tant de services durant ces années dans le combat aux relents génocidaires contre les Kurdes.
Mais que croyez-vous qu’il arriva ?
Le tribunal a rendu un verdict début mai à son encontre. Lors de la dernière audience du procès principal concernant le coup d’état, dans une salle de sport à Malatya, lors duquel 76 accusés dont 6 généraux, se présentèrent devant les juges, il a été condamné. Pour un certain nombre d’accusés, une peine de “perpétuité incompressible” (se substituant à la peine de mort, abolie en 2002) était demandée.
Le Général Adem Huduti écopa de 15 ans de prison. 19 des 76 accusés ont été condamnés, 57 acquittés.
A aucun moment il ne fut question de “crimes de guerre”, ni fait référence aux “bons services rendus à la Nation” lors des sièges, destructions et massacres attestés au Kurdistan turc. Son nom, cité dans des affaires de “crimes commis par les forces turques et attribués à l’ennemi” n’a pas non plus marqué les juges.
Ce serait un comble que l’on retrouve son nom parmi les “victimes de l’état d’urgence et des purges”. Sa place serait dans une geôle de la Haye, en instance de jugement par le Tribunal Pénal International. On comprendrait ainsi comment le régime turc s’est débarrassé d’alliés et de petites mains encombrantes, en faisant oublier du même coup les fosses communes de 2015.
Victimes apparentes d’aujourd’hui, tortionnaires hier, les temps changent et les morts ne parlent plus.