Un réc­it traduit de l’I­tal­ien, fait par Le “Rifu­gio Auto­gesti­to Chez Jesus”, et paru dans le Quo­ti­di­en Pié­mon­tais, qui pré­cise et com­plète l’ar­ti­cle d’hi­er, à pro­pos du décès d’une jeune migrante près de Briançon.

Une semaine a passé depuis la mort de B. Cinq jours depuis que le cadavre d’une jeune femme “peut-être migrante” a été retrou­vé, dans le fleuve qui passe sous Bri­ançon, la Durance.

Voici les faits.

Un groupe d’une petite dizaine de per­son­nes part de Clav­ière pour rejoin­dre Bri­ançon à pied. Nous sommes dimanche soir, et comme chaque nuit les exilé·e·s qui ten­tent d’ar­riv­er en France se trou­vent obligé·e·s d’éviter la route autant que pos­si­ble et de pass­er par la mon­tagne pour éviter les con­trôles d’identité.

Le groupe com­mence son chemin, et puis se sépare : la femme a des dif­fi­cultés à marcher et a besoin d’aide et de sou­tien. Deux per­son­nes restent avec elle, et les trois se détachent du groupe. Ils marchent sur la route, en se cachant dès qu’ils aperçoivent des lumières de phares ou enten­dent des bruits.

La police a mis en place une véri­ta­ble chas­se aux migrant·e·s, plus féroce que jamais ces derniers jours. Ils se cachent sur les sen­tiers, pour sur­pren­dre, torch­es en main, ceux qui ten­tent la tra­ver­sée, et font des ron­des en voiture sur les routes. Ils se pos­tent aus­si aux entrées de Bri­ançon, et à côté des car­refours, met­tant en place de réels postes de blocage.

Les trois per­son­nes marchent pen­dant une quin­zaine de kilo­mètres et se trou­vent alors à 4 ou 5 kilo­mètres de Bri­ançon. A la hau­teur de la Vachette, cinq agents de la police nationale les atten­dent. Ils sur­gis­sent de der­rière les arbres à gauche de la route. Il est entre qua­tre et cinq heures du matin, lun­di 7 Mai. Les policiers se met­tent à leur courir après. Le groupe se met en fuite, et entre dans le vil­lage de la Vachette. Un des trois réus­sit à se cacher, et les deux autres, un homme et une femme, courent sur la route. L’homme court plus vite, il cherche à attir­er la police, qui parvient à l’at­trap­er et le ramène directe­ment en Italie.

La femme, elle, disparaît.

La police con­tin­ue ses recherch­es dans le vil­lage de la Vachette pen­dant qua­tre heures. La riv­ière est en crue, et les policiers con­cen­trent leurs recherch­es sur les rives de la Durance et autour du pont. Puis ils s’en vont. Cette façon de faire est tout à fait dif­férente des pra­tiques habituelles de la police, pen­dant ces nuits de con­trôle : en général, après avoir attrapé quelques per­son­nes, ils ne recherchent les fugi­tifs et fugi­tives restant·e·s que durant quelques dizaines de min­utes. Les recherch­es con­cen­trées dans la zone du fleuve indiquent claire­ment que les policiers avaient com­pris que quelque chose de très grave avait eu lieu.

50 heures plus tard, Mer­cre­di 9 Mai, un cadavre de femme est retrou­vé blo­qué à la digue de Prelles, à 10 km au Sud de Bri­ançon. Il s’ag­it d’une femme d’un mètre 60, aux longs cheveux noirs tressés. Des cica­tri­ces sur le dos, un col­lier ser­ti d’une pierre bleue.

Le Pro­cureur de la République de Gap, Raphaël Bal­land, a annon­cé la nou­velle le jour suiv­ant, en pré­cisant que “Cette décou­verte ne cor­re­spond à aucune dis­pari­tion inquié­tante. Pour le moment, nous n’avons aucun élé­ment qui nous per­me­tte d’i­den­ti­fi­er la per­son­ne et donc de dire si il s’ag­it d’une per­son­ne migrante”.

Lourde déc­la­ra­tion du pro­cureur. Les dis­pari­tions de per­son­nes exilées ne sont donc pas inquié­tantes, sous pré­texte qu’on ne les sig­nale pas ? Les sou­tiens de B. étaient au con­traire très inqui­ets : mais com­ment se tourn­er vers la police pour déclar­er des dis­parus, quand ils risquent d’être mal­traités, et leurs sou­tiens réprimés ?

De plus, le pro­cureur ment, car la police savait qu’une femme avait dis­parue après une poursuite.

Très peu de jour­naux ont relevé la nou­velle. Il sem­blerait que per­son­ne n’ait souhaité pub­li­er celle-ci. L’in­térêt est d’en­sevelir cette his­toire, pour éviter un scan­dale face aux vio­lences poli­cières. Deux cas de femmes enceintes refoulées avaient déclenché des réac­tions publiques en mars dernier.

Une enquête judi­ci­aire a été ouverte et con­fiée à la gen­darmerie afin de déter­min­er les cir­con­stances du décès. Le mag­is­trat a annon­cé que “n’ayant pas d’élé­ments qui font penser à la nature crim­inelle du décès, une enquête a été ouverte pour déter­min­er les caus­es de la mort”. Mais cela aus­si est faux. La nature du décès est criminelle.

Ce n’est pas une mort acci­den­telle, ce n’est pas une erreur. Ceci est un homi­cide. Celui d’une jeune femme nigéri­anne de 21 ans. Cinq policiers les ont pour­suiv­is. Cette femme, B, est morte à cause d’eux et de la poli­tique qui dirige, con­trôle et légitime leurs actions.

B. est morte parce que la fron­tière ne peut pas être tra­ver­sée en sécu­rité par les per­son­nes sans papiers.

B. n’est pas morte à cause de la mon­tagne, par erreur, elle n’est pas morte dans la neige cet hiv­er. Elle est morte parce qu’elle était en train d’es­say­er d’échap­per à la police, qui s’adonne de façon tou­jours plus vio­lente à la chas­se aux migrant·e·s.

Elle a été tuée par ces cinq agents, comme le sys­tème de la fron­tière le leur ordonne.

Il s’ag­it d’un homi­cide avec des man­dataires et des exécutants.

Le Pro­cureur de Gap et la préfète sont autant respon­s­ables que les policiers qui l’ont tuée, compte tenu des direc­tives assas­sines qu’ils donnent.

Les respon­s­ables sont aus­si la mag­i­s­tra­ture et le tri­bunal, qui crim­i­nalisent les sol­idaires qui cherchent à éviter ces morts en ren­dant la tra­ver­sée la plus sûre pos­si­ble. Les respon­s­ables sont tous les politi­ciens qui fondent leur cam­pagne élec­torale sur la dif­férence de couleur de peau et de nation­al­ité des personnes.

Si cela con­tin­ue, les morts se multiplieront.

14 mag­gio, Rifu­gio Auto­gesti­to Chez Jesus
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Briançon


Image à la Une : Durance dans la nuit.

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