A dix kilo­mètres de Bri­ançon, une jeune femme nigéri­ane, Math­ew Bless­ing, âgée de 21 ans, a dis­paru le 7 mai dernier autour de 5h du matin. Son corps a été retrou­vé dans la Durance, à prox­im­ité directe d’une prise d’eau du bar­rage de Prelles, sur la com­mune de Saint-Martin-de-Queyrières…

Une coor­di­na­tion sol­idaire a été con­sti­tuée, afin d’é­clair­cir les con­di­tions du décès de Math­ew, de suiv­re les résul­tats d’au­top­sie, de rechercher des proches éventuels, ain­si qu’or­gan­is­er une com­mé­mora­tion et le retour de son corps vers son pays.

Notre ami et col­lègue Sadık Çelik fait par­tie de cette coor­di­na­tion, en tant qu’au­tomé­dia, et nous a fait par­venir le com­mu­niqué publié.

Il nous fait aus­si savoir qu’au­jour­d’hui des proches étaient arrivéEs sur place. Il  y aura une enquête com­plé­men­taire indépen­dante à l’en­droit où la jeune femme a été retrou­vée morte. Un pro­cureur de Gap a été saisi de l’af­faire et a annon­cé jusqu’alors un “décès par noy­ade”.  Une plainte est déposée à la gen­darmerie, et le com­mu­niqué de presse a suivi.

Un rassem­ble­ment se déroulera demain, à 8h30, le 16 mai, à la mémoire de Mathew.

Rap­pelons que ce n’est pas la pre­mière vic­time de cette chas­se à l’homme aux fron­tières. En octo­bre, une enquête ouverte après la chute de deux migrants dans un ravin, au col de l’Echelle au-dessus de Bri­ançon, sur­v­enue en août,  fut classée sans suite. Ils avaient fuit une patrouille de gendarmerie…

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Voici le com­mu­niqué de presse pub­lié le 14 mai 2018,  par “Tous migrantssur leur page Face­book.

Elle s’appelait Mathew Blessing…

COMMUNIQUE DE PRESSE

Lun­di 7 mai, aux alen­tours de 5h du matin, un groupe com­posé de trois per­son­nes étrangères, dont deux hommes et une jeune femme, mar­chaient en suiv­ant la nationale 94 en direc­tion de Bri­ançon. La jeune femme mar­chait dif­fi­cile­ment du fait de douleurs aux jambes et était sou­vent aidée par les deux jeunes hommes. À la hau­teur du hameau de La Vachette, 5 policiers dis­simulés dans les four­rés ont sur­gis brusque­ment sur la route nationale en allumant des torch­es élec­triques et en criant“police, police”. Les 3 per­son­nes étrangères se sont alors enfuies à tra­vers champ en direc­tion du vil­lage où elles se sont dis­per­sées, pour­suiv­ies par les policiers. L’un des deux hommes est inter­pel­lé vers l’Eglise. Les policiers sil­lon­nent ensuite le vil­lage pen­dant plusieurs heures. La jeune femme ne donne plus aucune nou­velle d’elle depuis ce jour. En toutes hypothès­es, les 5 policiers sont les dernières per­son­nes à avoir vu vivante la jeune femme dis­parue. Mer­cre­di 9 mai, le corps d’une jeune femme est retrou­vée dans la Durance une dizaine de kilo­mètres plus en aval.

La jeune femme dis­parue depuis lun­di 7 mai s’appelle Math­ew BLESSING. Elle est âgée de 21 ans et de nation­al­ité nigériane.

Les infor­ma­tions que nous avons recueil­lies font ressor­tir plusieurs élé­ments pré­cis et cir­con­stan­ciés qui pour­raient relever des infrac­tions suivantes :

  • Mise en dan­ger délibéré de la vie d’autrui par le man­que­ment à une oblig­a­tion par­ti­c­ulière de sécu­rité ou de pru­dence, en l’espèce en organ­isant de nuit une pour­suite à l’encontre de per­son­nes de nation­al­ités étrangères dans une zone dan­gereuse. Faits prévus et réprimés par l’article 223–1 du Code Pénal.
  • Homi­cide involon­taire par impru­dence, nég­li­gence, ou man­que­ment à une oblig­a­tion de sécu­rité, en l’espèce en ayant con­science du dan­ger de mort encou­ru par une chute dans la riv­ière, faits prévus et réprimés par l’article 221–6 du Code Pénal.
  • Vio­lence volon­taire ayant entrainé la mort sans inten­tion de la don­ner, faits prévus et réprimés par l’article 221–6 du Code Pénal.
  • Non-assis­tance à per­son­ne en dan­ger, en l’espèce en ayant omis de sig­naler aux ser­vices de sec­ours la dis­pari­tion d’une per­son­ne dans un envi­ron­nement dan­gereux, faits prévus et réprimés par l’article 223–6 du Code Pénal.
  • Dis­crim­i­na­tion d’une per­son­ne en rai­son de son physique ou de son apparence, faits prévus et réprimés par l’article 225–1 du Code Pénal.

Les man­que­ments aux oblig­a­tions de sécu­rité et de pru­dence précédem­ment invo­qués se déduisent des oblig­a­tions pro­pres des fonc­tion­naires de police résul­tant, notam­ment, du Code de Déon­tolo­gie de la Police Nationale.

Aux ter­mes de l’article R. 434–10 du Code de déon­tolo­gie de la police et de la gen­darmerie Nationale, cod­i­fié dans la par­tie régle­men­taire du Code de Sécu­rité Intérieure :

Le polici­er ou le gen­darme fait, dans l’ex­er­ci­ce de ses fonc­tions, preuve de discernement.
Il tient compte en toutes cir­con­stances de la nature des risques et men­aces de chaque sit­u­a­tion à laque­lle il est
con­fron­té et des délais qu’il a pour agir, pour choisir la meilleure réponse légale à lui apporter.

L’article R.434–19 du même code dis­pose égale­ment que :

Lorsque les cir­con­stances le requièrent, le polici­er ou le gen­darme, même lorsqu’il n’est pas en ser­vice, inter­vient de sa pro­pre ini­tia­tive, avec les moyens dont il dis­pose, notam­ment pour porter assis­tance aux per­son­nes en danger

Un sig­nale­ment auprès du Pro­cureur de la République, reprenant tous ces élé­ments, vint d’être déposé au nom de notre asso­ci­a­tion par l’intermédiaire de nos avo­cats, afin que la jus­tice fasse toute la lumière sur les cir­con­stances ayant abouties à ce drame.

Notre Mou­ve­ment citoyen ne cesse de dénon­cer, notam­ment dans nos com­mu­niqués et alertes, les pra­tiques poli­cières reposant sur des guets-apens et des cours­es pour­suites. Ces pra­tiques révoltantes, désavouées par nom­bre de policiers et gen­darmes eux-mêmes, ont déjà occa­sion­né plusieurs acci­dents par­fois très graves, à l’exemple de celui sur­venu dans la nuit du 18 au 19 aout dernier.

Pra­tique­ment toutes les nuits, des acci­dents sont évités de justesse au prix de souf­frances nou­velles et par­fois de blessures. Les dan­gers sont aggravés depuis ces dernières semaines par la débâ­cle, le ren­force­ment de la présence poli­cière et la présence active des “iden­ti­taires” qui col­la­borent avec la Police pour tra­quer les per­son­nes migrantes en pleine mon­tagne, sur les chemins et les routes.

Rap­pelons que le vil­lage de La Vachette est tra­ver­sée par la Durance qui, en cette péri­ode de l’année, con­naît un débit très impor­tant, avec une tem­péra­ture de l’eau de quelques degrés seule­ment. Toute chute d’une per­son­ne dans la riv­ière con­stitue un dan­ger fatal.

Rap­pelons que les deman­deurs d’asile ne sont pas des per­son­nes en sit­u­a­tion irrégulière, pas plus que les mineurs isolés.

Rap­pelons que le fait pour une per­son­ne étrangère d’être en sit­u­a­tion irrégulière ne con­stitue pas un délit.
Nous refu­sons que la Côte d’Azur, le lit­toral calaisien, le canal de la Vil­lette et aujourd’hui nos mon­tagnes, con­stituent pour les migrants un nou­v­el obsta­cle mor­tel après l’enfer libyen, le cimetière Méditer­ranéen, et tous ces murs de la honte qui s’érigent de par le monde.

• Nous exi­geons l’interdiction des pra­tiques poli­cières de guets-apens et de chas­s­es à l’homme, ain­si que leurs avatars actuelle­ment mis en oeu­vre par le grou­pus­cule supré­maciste Généra­tion Identitaire.

• Nous exi­geons le rétab­lisse­ment de l’Etat de Droit et le plein respect des per­son­nes étrangères qui frap­pent à notre porte et de leurs droits.

• Nous exi­geons le respect par tous de notre devise “lib­erté, égal­ité, fra­ter­nité”, à com­mencer par les représen­tants de l’Etat et les forces de l’ordre.

Bri­ançon, le 14 mai 2018


Entre les “arresta­tions” mus­clées et récur­rentes dans les gares de la région, les destruc­tions de moyens de survie, les pour­suites judi­ci­aires con­tre les “aidants”, l’a­ban­don cet hiv­er en haute mon­tagne, et l’ac­cep­ta­tion tacite de l’aide de mil­ices fas­cistes et iden­ti­taires dans leur chas­se à l’homme, on aurait beau­coup de dif­fi­cultés à recon­naître une “poli­tique d’ac­cueil et d’asile”, pour­tant van­tée dans un nou­veau texte de loi récent en cours de vote vers le Sénat.

Là encore, les “forces de l’or­dre” font un tra­vail d’E­tat au ser­vice d’une idéolo­gie de repli iden­ti­taire, élec­torale­ment dirigé. Le libéral­isme économique destruc­teur de droits soci­aux s’ac­com­pa­gne d’une poli­tique répres­sive à l’en­con­tre de celles et ceux qui résis­tent, et s’acharne con­tre les plus faibles, qui fuient la pré­da­tion économique et les guer­res. L’al­liance con­tre nature du supré­ma­tisme et du libéral­isme est “en marche”, con­cer­nant les poli­tiques migratoires…

Rap­pelons que cette idéolo­gie n’est pas majori­taire en France, comme le prou­ve d’ailleurs l’ac­cueil qui est fait aux marcheurs, par­tis de la région, en route pour Calais et Lon­dres, via Paris.

Le décès de la jeune Math­ew Bless­ing est la con­séquence directe de cette guerre anti-migrants qui s’a­vance masquée der­rière les ric­tus hyp­ocrites des politi­ciens entrés en com­péti­tion avec l’ex­trême droite…


Image à la Une : Les chaus­sures et chaus­settes des réfugiéEs, sèchent au soleil face aux mon­tagnes… Pho­to Sadık Çelik

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