En Turquie, tu votes tu votes pas, il garde le pouvoir quand même. Erdoğan ne le dit pas, mais il l’impose. Il vient de décider de son plébiscite pour le 24 juin 2018.
“Le Haut comité électoral va immédiatement commencer les préparatifs pour ces élections”, a déclaré Tayyip.
En fait, il ne se soucie guère, dans la situation d’état d’urgence de la Turquie, du résultat d’une consultation à l’origine prévue en novembre 2019. Il veut juste profiter au maximum d’une situation hystérique nationaliste et guerrière qu’il a répandue dans le pays, avant qu’elle ne retombe un peu.
D’ailleurs, c’est le parti ultra-nationaliste MHP, soutenu ici par le courant des Loups gris, et représenté par Bahçeli, qui avait tiré le premier ces jours-ci, en proposant une date en août pour des élections législatives anticipées.
Ce qui les intéresse, c’est aussi le fait que le “İyi Parti” (Bon Parti), nouvellement créé en 2017, et qui ramasse des transfuges de l’AKP mécontents du partage de la corruption et de bons vieux kémalistes de toujours, tueurs de Kurdes à l’occasion, ne réponde pas encore aux “conditions“1pour se présenter aux législatives… Du coup, exit possiblement le “bon parti”.
Mais, et c’est la plus grande part du gâteau, ces présidentielles vont permettre de mettre en pratique les changements constitutionnels, et l’accroissement des pouvoirs du Reis. Etat d’urgence, plus concentration accentuée des pouvoirs, voilà qui ne se refuse pas avec plus d’un an d’avance, quand on a quelques nuages noirs à craindre dans la période qui vient, à l’international ou sur les étalages de marchés.
Parce qu’on a beau déjà être dans une Turquie à la botte, cela n’empêche pas que le chômage ait explosé et que les prix du repas quotidien coupent l’appétit.
Alors, qu’Erdoğan profite des bonnes intentions du vieux loup gris, qui a désormais remplacé l’ancien Gülen comme compère loup, et permet de bien contrôler les factions nationalistes au sein des forces armées, n’étonne guère. Le vieux loup pourrait bien changer d’avis en fonction du vent qui aurait soufflé côté “bon parti”, si les choses traînaient. Il a du s’assurer de faire réélire des comparses au futur Parlement, et de pouvoir profiter des largesses du pouvoir du Reis qui deviendra quasi illimité.
Faire du populisme sur un fond de chômage qu’on a provoqué et une inquiétude pour la monnaie, aurait été plus compliqué en 2019, que de réunir tout le monde autour des uniformes et de la défense de la patrie… Alors, on fera encore dans le drapeau rouge sang.
En route pour l’Ottomanie de 2023, avec le tandem turcité et islamisme. Erdoğan se coiffera du bonnet d’Atatürk et se fera sacrer dans une future mosquée “moderne” en construction, et dépassera donc sa durée de vie politique. De 2003 à 2023, voilà le rêve que le sultan fait nuit et jour. Et, par là même, il assure l’avenir du clan familial, à l’ancienne.
Car, qui peut s’imaginer un instant que d’ici juin 2015, se réveille une opposition dont les deux tiers est en prison pour celle qui compte, et le reste déjà au cul du Reis sur sa politique anti-kurde, pour celle qui veut paraître ?
Je serai chagrinée que le HDP décide malgré tout de participer à cette mascarade, et de laisser croire au monde qu’une démocratie parlementaire existe encore en Turquie. Permettre à Erdoğan de les écraser sous sa botte, en plein jour, à coup d’urnes bourrées surveillées par les loups et l’armée…
Je ne voterai pas en juin.