Dans un arti­cle précé­dent, nous vous informions sur l’a­gres­sion poli­cière que subis­sait le 28 mars dernier, notre rédac­teur et ami Sadık Çelik, alors qu’il fil­mait la répres­sion dis­pro­por­tion­née d’une man­i­fes­ta­tion de jeunesse à Bor­deaux par des policiers lour­de­ment équipés.

Notre ami et cama­rade est, comme on le dit triv­iale­ment “tombé dedans quand il était petit”. Incar­céré quand il avait seize ans en Turquie, il purgea une peine de huit années dans les geôles du régime, pour ne pas avoir accep­té de se soumet­tre au nation­al­isme de l’époque et à sa chape de plomb.

Depuis, il n’a cessé de doc­u­menter cette crise des Etats-nation et d’un sys­tème mon­di­al­isé qui broie de l’hu­main et la planète. Il est aujour­d’hui jour­nal­iste, et “cou­vre”, comme on dit, les luttes et com­bats menés ici et là, pour “qu’un autre monde soit pos­si­ble”. Des ZAD aux mobil­i­sa­tions de la jeunesse, dans toute l’Eu­rope, il tente d’analyser, de décrire, de témoign­er, et surtout de faire par­venir son tra­vail vers ce qui sub­siste, en Turquie, de médias de com­bat con­tre l’is­lamo-fas­cisme et le libéral­isme économique sauvage qui l’ac­com­pa­gne. Il y col­lab­o­ra à plusieurs groupes et revues.

Il fut bien sûr très présent à Istan­bul, lors des événe­ments dits de Gezi de 2013, soulève­ment mas­sif à la fois de la jeunesse con­tre le régime Erdoğan, et mou­ve­ment con­sti­tu­ant d’une force démoc­ra­tique d’op­po­si­tion, qui provo­qua l’ire d’Er­doğan et de son régime en 2015, lorsqu’elle le fit trébuch­er élec­torale­ment. Cet élé­ment con­sti­tu­ant fut le déclencheur prin­ci­pal des années de ter­reur qui suivirent, et se ren­for­cèrent encore depuis, après le putsch man­qué de juil­let 2016.

C’est lui qui nous fit con­naître, entre autres résis­tantes de Turquie, la jour­nal­iste et artiste kurde Zehra Doğan, et nous ne l’en remercierons jamais assez.

Il ne pou­vait donc que s’in­téress­er de près aux luttes ant­i­cap­i­tal­istes et écol­o­gistes de la jeunesse européenne, de manière transna­tionale. Bor­deaux fut un choix du hasard, mais cela s’avéra un bon crû.

Donc, depuis quelques semaines, l’u­ni­ver­sité de Bor­deaux con­naît des mobil­i­sa­tions étu­di­antes impor­tantes, en jonc­tion d’ailleurs avec des lycéens. Débats, occu­pa­tions paci­fiques, man­i­fes­ta­tions se suc­cè­dent, comme dans plus d’une quin­zaine de métrop­o­les français­es, et ce, sur fond de mon­tée pro­gres­sive d’un mou­ve­ment social, propul­sé par le refus de la réforme du rail, entre autres, et plus large­ment par un début de rad­i­cal­ité dans l’op­po­si­tion à la poli­tique libérale du gou­verne­ment français.

Dans ce cadre, informer sur les mou­ve­ments de la jeunesse, qui dépassent le sim­ple refus d’une réforme uni­ver­si­taire, et prend des allures de “com­munes con­tes­tataires” par endroit, devient éminem­ment poli­tique, et donne au tra­vail de jour­nal­isme de notre kedi, une totale légitim­ité, en lien avec ses com­bats antérieurs.

Comme le gou­verne­ment Macron a décidé en haut lieu d’empêcher par tous moyens une con­ver­gence de luttes dans un Print­emps social pos­si­ble, il a déployé sa police dans tous les lieux où la con­tes­ta­tion de la jeunesse sem­blait débor­der les cadres fixés. Ailleurs, il a lais­sé une par­tie de l’ex­trême droite s’en charg­er. Oui, nous par­lons bien là du gou­verne­ment d’un Macron, qui, sous des airs policés, fait jouer de ses forces de l’or­dre, et leur donne impunité pour réprimer.

Les images de répres­sion poli­cières restées sans suite pul­lu­lent sur les réseaux soci­aux. Celle de notre ami et rédac­teur en est une par­mi d’autres. Que ce soit à l’en­con­tre d’un jour­nal­iste, bran­dis­sant sa carte offi­cielle, n’a guère ému les con­frères et con­soeurs, mal­gré les protes­ta­tions syn­di­cales qui furent immé­di­ates et bien­v­enues. A ce jour, son télé­phone, instru­ment de tra­vail, ne lui a tou­jours pas été resti­tué d’ailleurs, con­fisqué en par­faite illégalité.

A Paris…

Il y a eu ce jour 4 avril, à Paris, un jeune pho­tographe, qui fut frap­pé lui aus­si et envoyé en unité de soins. Un blessé par­mi d’autres, pour l’exemple.

A l’heure où les dis­cours céré­monieux se ser­vent du courage d’un homme pour, en même temps, légitimer la vio­lence de la police, il serait temps de se rap­pel­er que ces forces là, ne sont jamais neu­tres con­tre un mou­ve­ment social.

Il n’y a pas de vio­lence légitime d’un appareil d’E­tat, République ou pas. La France n’est certes pas la Turquie, mais les proces­sus de répres­sion des mou­ve­ments soci­aux dans la rue sont les mêmes, et sou­vent à équipements, arme­ment et entraîne­ments iden­tiques. S’en sou­venir serait salutaire.

Bor­deaux n’est pas Istan­bul, la Gironde n’est pas le Bospho­re, mais voici com­ment cela peut com­mencer, con­tre un mou­ve­ment social, en toute illégalité…

Mais, par ces temps de Print­emps où la colère monte, sortez cou­verts, ouvrez l’oeil et n’é­coutez pas ceux qui voudront vous con­va­in­cre qu’embrasser un bleu porte bon­heur, même avec un verre de Bor­deaux dans le nez…

 

La totalité de la vidéo comporte des passages plus drôles…
Vous la trouverez dans sa globalité ICI.


Image à la Une : Détail d’une pho­to de Flo­rent Bardos.

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