Le gouvernement français vient-il d’opérer un tournant dans sa politique vis à vis de la Syrie et de la volonté d’offensive d’Erdoğan contre la fédération de Syrie Nord, côté Manbij ?
C’est ce qu’annoncent quelques médias qui ont bénéficié de l’intelligence artificielle, sans en faire l’exclusivité de leur une.
La présidence française a reçu des représentantEs de la Fédération de Syrie Nord et des responsables kurdes, ce jeudi 29 mars, et “leur a prêté une oreille attentive”. C’est ainsi que les communiqués diplomatiques s’écrivent.
La conférence de presse qui s’est ensuite organisée à l’initiative de cette délégation et de la représentation du Rojava à Paris, n’a pourtant pas clairement parlé d’un “tournant” de la diplomatie française, ou d’une détermination farouche de celle-ci à empêcher Erdoğan de parvenir à ses fins.
La “coopération existante” va s’amplifier. C’est ce qui ressort de cette conférence de presse. Côté présidence française, aucun démenti sur l’envoi de “forces” à Manbij n’est intervenu, et, s’appuyant sur des déclarations déjà faites, le gouvernement français annonce son intention de renforcer une aide humanitaire aux “déplacés” d’Afrin. Il n’aura aucun mal, cette aide à ce jour n’étant pas franchement tangible. Il est ajouté qu’il signifiera son désaccord concernant une pénétration plus profonde sur le territoire syrien des forces turques. Rien de plus que ce que le ministre Le Drian avait répondu à l’Assemblée nationale à un député identitaire du FN qui l’interrogeait il y a peu.
La Présidence française aurait-elle tant de difficultés à énoncer un changement de diplomatie ? Est-ce là une Franceschquinade dans l’eau ? Je pense que l’intéressé ne m’en voudra pas si je me pose la question.
Le ministre des affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, vient de claironner qu’aucune “résolution” du “conflit syrien” ne pourrait se faire sans les Kurdes. Et d’ajouter qu’il ne parlait pas seulement des Kurdes syriens, mais de la totalité des populations réparties au Moyen-Orient. Coïncidence du calendrier, voilà que la diplomatie française s’aligne, tout en indiquant qu’elle fera le nécessaire pour que Manbij, ville où sont stationnées des forces spéciales américaines, ne soit pas la cible d’attaques.
Au lendemain d’un attentat meurtrier d’un affidé de Daech, et de l’hommage rendu à ses victimes, voilà la politique française qui prendrait conscience de la possible re-vitalité de Daech en Syrie, du fait de l’offensive à Afrin. On croirait rêver, si les décisions n’étaient pas prises en concertation ailleurs, n’en doutons pas.
Le pion Erdoğan a fait long feu sur l’échiquier.
Il a permis non seulement d’affaiblir le projet politique de Syrie Nord, et contraindre celle-ci à accepter de futures pressions et conditions en échange d’aide, mais a permis aussi à Bachar El Assad, de reprendre un territoire, tout en punissant à mort ses populations depuis quelques semaines. Le djihadisme dans toutes ses nuances et variantes est désormais replié au Nord, côté Idlib, et quelques uns de ses échantillons servent d’alibi à la Turquie, pour occuper Afrin. Une sorte de “purification” est passée par là.
Les puissances internationales savent parfaitement qu’en dehors d’un massacre génocidaire, les forces turques ne vaincront pas au Nord de la Syrie contre la Fédération et le Rojava. Et telle n’est pas leur intention. Elles ne sont pas dupes non plus sur les forces politiques et occultes qui soutiennent le régime turc, et leur dangerosité politique. Ses forces là, à terme, seront mauvaises pour les “affaires” dans la région, et pourraient même déstabiliser totalement l’équilibre de terreur, en précipitant une guerre civile, en cas d’avancée turque contre le Rojava.
Erdoğan semble être donc sacrifié diplomatiquement à nouveau, après avoir rempli son rôle, et fait son petit tour auprès des dirigeants européens, et empoché quelques milliards supplémentaires. Est-ce à son corps défendant ? C’est une bonne nouvelle en tous cas pour les populations de la région.
Il n’est pas évident que ce coup soit ensuite assumé, et on peut s’attendre à une colère dont le Président turc a le secret. L’OTAN n’a pas non plus encore donné officiellement son avis sur l’arrêt de l’offensive turque, offensive qui de fait se faisait avec son accord tacite. La Russie, quant à elle, devra dans ce cadre, se prononcer clairement sur les interdictions de survol aérien.
L’annonce “sur twitter” d’un possible retrait américain de Syrie, selon “l’humeur du Président” et la rumeur, a sans doute aussi précipité quelques décisions… A ce niveau, il devient difficile de suivre.
Voici donc en vrac, quelques pistes de réflexions personnelles que suggère ce que déjà on présente comme un “tournant de la diplomatie française” au nord de la Syrie.
Il serait totalement cynique que de ne pas considérer le rôle qu’à joué, dans cet imbroglio, à la fois la résistance des combattantEs FDS, et leur intention de ne rien laisser à la Turquie et son islamo nationalisme, et la mobilisation transnationale qui s’en est suivi.
Ce qui semblerait être un possible coup d’arrêt prochain à l’agression, et qui passerait par une annonce française, membre du Conseil de Sécurité de l’ONU, doit aussi être jugé à cette aune de la mobilisation en soutien.
Ces jours prochains éclaircirons ces questionnements, et si se réjouir qu’un gros grain de sable ait été mis dans la machine de guerre dans la région pour Erdoğan est une chose, comprendre ce que cela signifiera pour la poursuite du projet politique confédéraliste à terme, sera tout autant important.
Le verre est à moitié plein, et je ne fais que regarder le vide.
Ajouts : Vendredi 30 mars
Un officiel turc :«Au lieu de prendre des mesures susceptibles d’être interprétées comme conférant une légitimité à des organisations terroristes, les pays que nous considérons comme amis et alliés doivent prendre fermement position contre le terrorisme dans toutes ses formes. Les noms divers et variés ne sauraient cacher la vraie identité d’une organisation terroriste»…
Erdoğan : “Ne te mêles pas de ce qui te dépasse”… “Regardez avant votre passé sanglant”… “La France n’a plus le droit de se plaindre du terrorisme”