Les 9, 10 & 11 mars s’est tenu à Bure, un week-end de sol­i­dar­ité avec le Kur­dis­tan révo­lu­tion­naire et de réflex­ion autour des théories et pra­tiques du com­mu­nal­isme. En voici le compte-ren­du intégral.

Vous trou­verez les arti­cles de retour en suiv­ant l’étiquette Bure-Kur­dis­tan.


Compte-rendu
du week-end sur le Kurdistan révolutionnaire et le communalisme

Rédac­tion collective

Le week-end du 9, 10 & 11 mars nous sommes heureux-euses de vous avoir invité.e.s, à Bure, pour un week-end de sol­i­dar­ité avec le Kur­dis­tan révo­lu­tion­naire et de réflex­ion autour des théories et pra­tiques du “com­mu­nal­isme”.

L’ac­tu­al­ité de la sit­u­a­tion d’Afrin, ain­si que la néces­sité de créer de la sol­i­dar­ité transna­tionale dans un con­texte d’in­di­vid­u­al­i­sa­tion des luttes, aus­si bien que la néces­sité de s’in­téress­er aux théories et pra­tiques révo­lu­tion­naires exis­tantes, qu’elles provi­en­nent du Moyen-Ori­ent, des Amériques ou d’Eu­rope, pour aller plus loin dans nos luttes locales, nous a poussé.e.s à organ­is­er ce week-end.

Les col­lec­tifs organ­isa­teurs : Des hiboux de Bure, le col­lec­tif Ini­tia­tives pour un Con­fédéral­isme Démoc­ra­tique, des mem­bres du col­lec­tif La Graine.

Tout au long du week­end, étaient présen­tées des expos pho­tos sur le camp de Maxmûr, le Roja­va et le Bakûr par Chris T. et Loez.


Vendredi 9 mars, soirée


Pro­jec­tion du film Une autre mon­tagne, du col­lec­tif Ozho Naayé : Le réc­it de trois femmes en lutte en Turquie, des années 80 à aujourd’hui. Bande-annonce, syn­op­sis et prochaines pro­jec­tions sur leur site.

Kevir, court-métrage sonore et pho­tographique en présence du réal­isa­teur, comé­di­en et réfugié poli­tique kurde du Bakûr.


Samedi 10 mars


• Présen­ta­tion du mou­ve­ment des femmes, en non-mixité

Mou­ve­ment des femmes kur­des : His­toire, Stratégie de la rup­ture, organ­i­sa­tions sociales, poli­tiques, académiques, et d’au­todéfense (du local à l’in­ter­na­tion­al). Les principes de la libéra­tion des femmes, élaborés en con­grès inter­na­tion­al. 40 ans d’or­gan­i­sa­tion et de com­bats sont dif­fi­ciles à résumer.

• Dif­fu­sion d’un doc­u­men­taire sonore, focal­isé sur l’or­gan­i­sa­tion sociale et poli­tique des femmes kur­des, en par­ti­c­uli­er au camp de réfugiés de Max­mur (situé en Irak, à 60 km au sud de Mossoul) :

  • L’im­por­tance de s’or­gan­is­er (pour réa­gir de manière effi­cace face à l’en­ne­mi, par exem­ple Daech), d’être for­mée sur ses droits en tant que femme (représentation/force poli­tique, ges­tions des con­flits même con­ju­gaux), le sys­tème d’assem­blées de femmes (de l’assem­blée de rue à l’échelle générale du camp) d’une manière autonome vis-à-vis de l’or­gan­i­sa­tion mixte, le sys­tème de co-représen­ta­tion à toutes les échelles de l’or­gan­i­sa­tion mixte et des com­mis­sions — associations.
  • L’im­por­tance fon­da­men­tale de l’é­d­u­ca­tion — for­ma­tion (mixte et non-mixte) par­fois à la demande, et édu­ca­tion populaire.
  • Le fait de créer sa pro­pre sci­ence en tant que femme (jine­olo­jî), pour requal­i­fi­er les femmes dans la société, leur impact dans l’His­toire (prise en compte très anci­enne, néolithique, mytholo­gie), dans les reli­gions, les sci­ences, l’é­conomie, l’é­colo­gie, la san­té.. La jine­olo­jî sug­gère ici une autonomi­sa­tion du-des savoirs vus par les femmes.
LIRE AUSSI Bure – Kurdistan • Qu’est-ce que la Jineolojî ?

Ambiance

  • Tra­duc­tion en direct pour un groupe d’allemandes
  • Des ques­tions davan­tage sur l’or­gan­i­sa­tion du Con­fédéra­tion Démoc­ra­tique que sur les femmes en tant que telles (*peut être que com­mencer le week­end-end par qu’est ce que le con­fédéra­tion démoc­ra­tique aurait pu éviter cela.)

Con­texte his­torique et géopoli­tique de la sit­u­a­tion au Kur­dis­tan et au Moyen-Orient

Vous pou­vez retrou­ver la présen­ta­tion à écouter en entier ici. Vous pou­vez aus­si lire cet arti­cle qui explique le con­texte du Kur­dis­tan syrien (Roja­va) plus spécifiquement.

Expéri­ences révo­lu­tion­naires au Roja­va (kur­dis­tan syrien) et à Maxmûr (campe­ment de réfugié.e.s au Kur­dis­tan irakien) et dis­cus­sion à par­tir de témoignages, de réc­its de voyages

Présen­ta­tion du camp de 12000 réfugié.e.s kur­des de Turquie, fonc­tion­nement interne avec le sys­tème d’assem­blées à toutes les échelles, la co-prési­dence, les 9 com­mis­sions dans ce cas de con­fédéral­isme démoc­ra­tique. L’or­gan­i­sa­tion des femmes et des jeunes en par­al­lèle de l’or­ga mixte. L’é­d­u­ca­tion fon­da­men­tale pour un change­ment de men­tal­ité ; un camp très poli­tique avec un auto média dévelop­pé ; Une autodéfense culturelle/intellectuelle et physique (pop­u­laire, de l’in­di­vidu à la défense générale du camp). Con­clu­sion sur une recherche appro­fondie de l’au­tonomie dans tous les domaines. Arti­cle de Reporterre sur le camp de Maxmûr

Organ­i­gramme à penser de bas en haut (plus impor­tant tout en bas, et l’assem­blée des sages est une organ­i­sa­tion annexe, indépen­dante, et sim­ple­ment consultative)

bure kurdistan

Pro­jec­tion du film Roja­va, une utopie au coeur du chaos syrien (2017, Chris Den Hond et Mireille Court), en présence de Chris den Hond.

Présen­ta­tion du film par Chris den Hond, avec un avant-pro­pos touchant aus­si bien que révoltant sur le scan­dale et l’ur­gence de la sit­u­a­tion d’Afrin, le silence asphyxi­ant des insti­tu­tions éta­tiques européennes vis-à-vis du mas­sacre de celles et ceux qui étaient leurs allié.es con­tre l’E­tat islamique.

Syn­op­sis : Lors de leur bataille con­tre l’E­tat islamique, des Kur­des et d’autres peu­ples du nord de la Syrie ten­tent de met­tre en place au Proche-Ori­ent un pro­jet poli­tique orig­i­nal, ce qu’ils appel­lent “le fédéral­isme démoc­ra­tique”. “Nous ne voulons pas un Kur­dis­tan indépen­dant pour les Kur­des, mais une fédéra­tion démoc­ra­tique et plu­ral­iste pour tout le monde,” dis­ent-ils. De Qamish­li à Kobané, de Mem­bij à Rak­ka, ce reportage décrit la laborieuse ten­ta­tive d’une nou­velle expéri­ence poli­tique en Syrie, mal­gré les obsta­cles de la guerre et d’un embar­go étouf­fant. Ce film est la ver­sion vidéo du reportage pub­lié dans Le Monde Diplo­ma­tique de sep­tem­bre 2017 avec le même titre.

• Présen­ta­tion en mix­ité sur le mou­ve­ment des femmes kurdes

Retrou­vez ici une présen­ta­tion com­plète sur la jine­olo­jî, faite suite aux ren­con­tres de Bure.

• Appel à une cama­rade d’Afrin

Nous avons ter­miné l’après-midi en pas­sant un appel par Inter­net à une cama­rade inter­na­tion­al­iste se trou­vant actuelle­ment dans la ville d’Afrin, sous risque immé­di­at d’être encer­clée et envahie, assiégée et privée d’eau (chose qui s’est réal­isée par la suite…). Nous avons pu lui deman­der com­ment était le moral des civil.e.s (prêt.e.s à résis­ter) et si l’ar­mée syri­enne était venu en aide (très peu). L’ap­pel était coupé de silences, dû non seule­ment à la con­nex­ion fluc­tu­ante, mais aus­si aux bom­barde­ments en cours. La grav­ité de la sit­u­a­tion et sa con­créti­sa­tion dans nos oreilles nous a rap­pelé la réal­ité du con­flit, de la sit­u­a­tion kurde, ce qui a été fort en émo­tion pour tou.tes, ren­forçant les liens émo­tion­nels et de sol­i­dar­ité qui se créaient, ici et avec là-bas.

• Soirée : con­cert acous­tique de musique kurde. À écouter ici.

La journée du same­di s’est ter­minée sur un con­cert du groupe Zazolouz on accom­pa­g­né de Cihan Sem­sur (chanteur) et de Diyar Uren (joueur de zaz et chanteur), très rafraîchissant et enivrant après une longue journée de présen­ta­tions-débats. Les chou­ettes hiboux de Bure se sont vu.e.s transporté.e.s, fris­son­nant, dans les mon­tagnes du Qandil le temps d’une transe musi­cale. On ter­mi­na le con­cert aux cris de Biji Berxwedana Afrine (Vive la résis­tance d’Afrin !), après nom­bre d’autres refrains repris en chœur. La soirée se pour­suiv­it dans la Mai­son de la Résis­tance, jusque tard dans la nuit, de quoi laiss­er le temps de décom­press­er et d’é­vac­uer les émo­tions de la journée.


Dimanche 11 mars


Nous démar­rons la journée du dimanche avec un peu de retard dû à l’e­uphorie de la veille. Sur le chemin pour se ren­dre à la salle com­mu­nale de Cou­vert­puis, nous nous fîmes cueil­lir par un con­trôle polici­er, qui aggra­va le retard ini­tial. Tout le con­voi fut iden­ti­fié. Le man­dat por­tait comme jus­ti­fi­ca­tion le fait qu’une réu­nion sur le Kur­dis­tan rel­e­vait d’un poten­tiel trou­ble à l’or­dre public…

• Dis­cus­sion sur l’autonomie démoc­ra­tique et la guerre civile au Bakûr

Dif­férents témoignages de réfugiés kur­des ou inter­na­tion­al­istes s’é­tant ren­dus sur place. Répres­sion turque vue sous dif­férents aspects :

  • Répres­sion de la cul­ture kurde, de l’op­po­si­tion de gauche, de l’indépen­dance intel­lectuelle en générale avec l’ar­resta­tion d’u­ni­ver­si­taires, d’artistes, de profs, de co-maires, et cen­sure artistique.
  • Répres­sion civile avec l’isole­ment et le har­cèle­ment des kur­des, mil­i­tari­sa­tion de la région du Bakûr (Kur­dis­tan du Nord, région occupée par l’E­tat turc).
  • Exode rur­al for­cé, avec le har­cèle­ment des pop­u­la­tions paysannes, con­trôles policiers fréquents sur les petites routes, pop­u­la­tions poussées à s’ex­ili­er en ville où elles sont plus facile­ment identifiables/gérables.
  • Camps de réfugié.e.s en Turquie : l’E­tat turc reçoit 6 mil­liards d’eu­ros de l’UE pour s’oc­cu­per des 3 à 5 mil­lions de réfugié.e.s présent.e.s sur ce ter­ri­toire. Or, les camps offi­ciels n’ac­cueil­lent que 300 000 réfugié.e.s, dans des con­di­tions occultes (pos­si­bles camps mil­i­taires au sein des camps de réfugié.e.s pour les for­mer à se bat­tre pour l’E­tat turc). Aucune infra­struc­ture donc pour le reste des réfugié.e.s : laissé.e.s aux assos, qui se font elles-mêmes réprimées/interdire.
  • Par­tis poli­tiques en Turquie : grande diver­sité, plusieurs oppo­si­tions à l’AKP d’Er­do­gan, pro-kur­des ou non. Répres­sion de l’op­po­si­tion suite au coup d’E­tat de 2016, notam­ment le HDP, le par­ti des peu­ples, prin­ci­pal par­ti répub­li­cain pro-kurde.

• Exposé-débat sur la Cat­a­logne, ani­mé par Floréal Romero

A la fin du XIXème siè­cle la bour­geoisie cata­lane invente le nation­al­isme en s’appuyant sur l’identité du peu­ple catalán. Un peu­ple qui a su préserv­er sa langue, ses usages et son iden­tité à l’image d’autres peu­ples d’Espagne, comme le Pays basque, la Gali­cie, etc… Le nation­al­isme n’est pas à con­fon­dre avec l’identité. Si la sec­onde est légitime, issue naturelle­ment du peu­ple, de son his­toire et de son envi­ron­nement, le pre­mier est un ressort caché du cap­i­tal­isme. Il est util­isé lorsqu’il y a besoin de recon­duire les luttes pop­u­laires (voir les indignés), évac­uer l’aliénation et les frus­tra­tions, et cacher les cor­rup­tions trop vis­i­bles, ce qui est tout à fait le cas en Cat­a­logne comme dans le reste de l’Espagne. Une Espagne placée sous le signe de la moder­nité cap­i­tal­iste et assise sur l’héritage non ques­tion­né d’une dic­tature sanglante : le fran­quisme déguisé en Démoc­ra­tie, sous le nom de Monar­chie Par­lemen­taire. Une opéra­tion dirigée par les fran­quistes aux abois et appuyée par la social-démoc­ra­tie inter­na­tionale depuis la mort du dic­ta­teur et appelée Transition.

Le décor a changé pour que rien ne bouge. La dic­tature avec ses 150 000 disparu.e.s n’a pas été remise en cause. Les héri­tiers du fran­quisme, espag­nols ou cata­lans, gar­dent à tout prix leurs priv­ilèges avec la com­plic­ité de tous les par­tis poli­tiques con­sti­tu­ant une par­ti­to­cratie virant à l’oligarchie. Le “procès” est une impasse qu’il gagne ou qu’il perde mais peut s’avérer une occa­sion pour remet­tre en cause cet héritage désas­treux et à la fois démas­quer le nation­al­isme. Par­tant des débats à la base, des plus petites assem­blées, nous pro­posons de con­stru­ire en par­tant du local un con­fédéral­isme démoc­ra­tique en mesure de con­cili­er les iden­tités de chaque local­ité, de chaque région dans la nature qui l’héberge et ain­si repren­dre le flam­beau de la riche tra­di­tion lib­er­taire dans ce pays.

Tra­jec­toires com­mu­nales au 21ème siè­cle : entre “con­fédéral­isme démoc­ra­tique” au Kur­dis­tan, autonomies des mon­des au Chi­a­pas et autres expéri­ences com­mu­nales et/ou de ter­ri­toires en luttes en Europe

Pierre Bance : Les com­mu­nal­ismes, lire son arti­cle com­para­tif entre le Kur­dis­tan et le Chiapas

Floréal Romero : Le com­mu­nal­isme comme nou­velle donne du com­mu­nisme libertaire

La pen­sée de Mur­ray Bookchin m’a per­mis de sor­tir de l’impasse d’un mou­ve­ment lib­er­taire éclec­tique et dis­per­sé et d’un anar­cho-syn­di­cal­isme anky­losé duquel j’étais issu. Par­tant d’une syn­thèse du meilleur de l’anarchisme et du marx­isme, il en vient à éla­bor­er l’écologie sociale, une analyse rad­i­cale du cap­i­tal­isme qui fait le lien entre sa pre­mière con­tra­dic­tion, l’aliénation de l’humain et la sec­onde, la destruc­tion de la nature. Cette dernière est issue des injus­tices sociales qui ont pour orig­ine la dom­i­na­tion de l’homme sur l’homme et en par­ti­c­uli­er de l’homme sur la femme. Une dom­i­na­tion poussée a son parox­isme et tous azimuts, par le cap­i­tal­isme. L’écologie sociale est à la fois un out­il d’analyse et un indis­pens­able par­a­digme pour envis­ager un monde nou­veau, de com­mu­nautés humaines sol­idaires, fédérées et inté­grées dans les écosys­tèmes. Pour y par­venir, en plus de ces analy­ses, une grande con­nais­sance de l’histoire, une redéf­i­ni­tion des con­cepts comme poli­tique ou pou­voir, il en vient à pro­pos­er le munic­i­pal­isme lib­er­taire ou com­mu­nal­isme comme action poli­tique. C’est cette dernière propo­si­tion qui a été reprise par le mou­ve­ment kurde issu du PKK, sous le nom de con­fédéral­isme libertaire.”


Ateliers


• Tra­jec­toires et straté­gies com­mu­nales, à par­tir des expéri­ences concrètes

Etu­di­ant sous l’aspect de leurs prob­lèmes d’or­gan­i­sa­tion et des out­ils dévelop­pés (surtout dans la ges­tion de con­flits) plusieurs expéri­ences de lutte en cours ou passées, sur des ter­ri­toires et com­munes entrées en résis­tance, il est apparu deux tra­jec­toires (out­re le statu quo) :

  • La pre­mière est celle d’une zone qui vient à être occupée par un pre­mier groupe venant de l’ex­térieur, puis rejoint par d’autres et ain­si de suite, s’a­gran­dis­sant en gar­dant tou­jours une organ­i­sa­tion de type spontanée/autogérée de façon très décen­tral­isée. Si cela marche jusqu’à une cer­taine ampleur, il appa­raît aus­si petit à petit la néces­sité d’une organ­i­sa­tion pour sim­ple­ment pou­voir se coor­don­ner, pou­voir partager les infor­ma­tions et expéri­ences, et pour dévelop­per com­muné­ment des out­ils non-autori­taires d’au­to­ges­tion collective.
  • La sec­onde est celle d’une zone de plus grande ampleur (type région) dis­posant de toute une diver­sité d’or­gan­i­sa­tions en col­lec­tifs, sous dif­férentes éti­quettes (donc mode décen­tral­isé) qui vient à se réu­nir sous une iden­tité (eth­nique ou poli­tique) face à une agres­sion extérieure ou un besoin interne d’or­gan­i­sa­tion hor­i­zon­tale (appa­raît là aus­si la notion de néces­sité), adop­tant une organ­i­sa­tion de type com­mune libertaire.

Ces tra­jec­toires nous ont per­mis d’établir la prob­lé­ma­tique de néces­sité crois­sante d’une organ­i­sa­tion lib­er­taire dans les ter­ri­toires en lutte quand ils vont s’a­gran­dis­sant, et d’af­firmer que ce n’é­tait pas anodin que ce week­end sur le con­fédéral­isme démoc­ra­tique et le com­mu­nal­isme se fasse à Bure, une semaine suite au week-end inter­comités de sou­tien à Bure, à un moment peut-être de tour­nant dans la lutte ant­i­cap­i­tal­iste, qui se veut plus organ­isée et dis­posant de son pro­pre agenda.

• Stratégie du com­mu­nal­isme ou munic­i­pal­isme libertaire

L’éducation pop­u­laire comme chemin vers la démoc­ra­tie directe. Tra­vailler sur la créa­tion d’une “mal­lette péd­a­gogique”, qui servi­rait à dif­fuser, dans dif­férents con­textes (Uni­ver­sités en lutte, info-tour, ZADs…), les idées du munic­i­pal­isme lib­er­taire. Met­tre en place des tech­niques de com­mu­ni­ca­tions avancées (gou­ver­nance partagée, sociocratie, intel­li­gence col­lec­tive, …), au sein de nos nos divers groupes mil­i­tants, afin d’être bien organisé.es et le plus démoc­ra­tique pos­si­ble. Le beau, la poésie, sont des élé­ments impor­tants, car nous souhaitons véhiculer une énergie pos­i­tive et bien­veil­lante. Nous évo­quons l’idée d’une nou­velle ren­con­tre pour appro­fondir sur une stratégie à met­tre en place.

• Imag­i­naire fémin­iste et libertaire

Nos réflex­ions ont porté sur :

  • Quand nous par­lons d’imag­i­naire “lib­er­taire”, la ques­tion de la lib­erté a une con­cep­tion sociale et non indi­vid­u­al­iste. Le fémin­isme et les mou­ve­ments anar­chistes ont été infil­trés par les idées “libérales”, com­ment faire pour retrou­ver une dimen­sion col­lec­tive, “com­mu­nale” de la pen­sée libertaire ?
  • Quand nous par­lons de “fémin­isme lib­er­taire”, nous inclu­ons cette néces­sité col­lec­tive dans le pro­jet de libéra­tion des femmes, de libéra­tion des gen­res. Nous inclu­ons dans notre lutte et con­struc­tion de cet imag­i­naire, le car­ac­tère inter­sec­tionel des opres­sions (clas­sisme, racisme, etc.) qui donne appui au patri­ar­cat et à son sex­isme. Nous savons que cette libéra­tion ne se fera que si elle inclue l’ensem­ble de la société, l’ensem­ble de l’humanité.
  • Pour rompre avec la frag­men­ta­tion des mou­ve­ments fémin­istes et lut­ter con­tre sa “libéral­i­sa­tion” et son insti­tu­tion­nal­i­sa­tion, com­ment trans­former et organ­is­er la société et les femmes ? Com­ment les idées de l’é­colo­gie sociale et les expéri­ences du con­fédéral­isme democ­ra­tique peu­vent-elles nous inspir­er? Com­ment con­stru­ire une alter­na­tive réelle à tra­vers la ques­tion de la libéra­tion des gen­res, pas seule­ment en théorie mais surtout en pra­tique pour et avec toutes les femmes et l’ensem­ble de la société ? Nous inclu­ons dans cet hori­zon bien enten­du la lutte LGBTQI.
  • A tra­vers notre “gyn­ergie”, le retour vers la nature, la soror­ité et l’amour révo­lu­tion­naire, com­ment retrou­ver un pou­voir col­lec­tif basé sur la pro­tec­tion et la con­ti­nu­ité de la vie, con­tre le pou­voir dom­i­nant monop­o­lisé par une élite qui n’ap­porte que mort et destruc­tion ? Com­ment emmen­er les “hommes (cis)” dans cette transformation ?
  • Si nous par­lons de vie, nous devons par­ler de la mort. Com­ment revenir a une rela­tion et ges­tion col­lec­tive de la ques­tion de la mort et de la maladie ?
  • Si nous par­lons de vie com­mu­nale, nous avons réfléchi sur la ques­tion de la mater­nité, de la famille et de l’é­d­u­ca­tion. Com­ment les sociétés matri­cen­trées non-éta­tiques, du néolithique jusqu’à aujour­d’hui, peu­vent-elles nous inspir­er dans notre pro­jet de trans­for­ma­tion rad­i­cale ? Quelle serait la place de l’ ”homme”/ du “père”, dans une société non patri­ar­cale ? Qu’est-ce que l’amour dans une dimen­sion lib­er­taire et fem­i­niste ? Quelles expéri­men­ta­tions exis­tent actuelle­ment et quelles sont celles que nous pour­rions developper ?
  • D’autres nom­breux débats à par­tir d’ex­péri­ence pra­tiques (per­son­nelles et col­lec­tives) ont eu lieu: des échanges d’ex­péri­ences incroy­ables et très con­struc­tifs pour ten­ter de dépass­er les obsta­cles qui nous font face dans la lutte quo­ti­di­enne et for­mer notre hori­zon com­mun vers un monde lib­er­taire et feministe.

Auto-critique et réflexions


Nous inté­grons une auto-cri­tique dans ce compte-ren­du, qui servi­ra pour de prochaines ren­con­tres autour du conf dém, du com­mu­nal­isme, ou pour toute autre rencontre.

Glob­ale­ment, les retours sur le week­end ont été posi­tifs, sur deux notes en par­ti­c­uli­er : l’ori­en­ta­tion “mul­ti­ples témoignages” ren­dant les idées et expéri­ences plus vivantes, ain­si que le fait d’in­té­gr­er des moments de con­vivi­al­ité (nour­ri­t­ure col­lec­tive, con­cert, soirée). Paraît-il certain.e.s des hiboux les plus sérieus.e.s ont déridé ! 🙂 Aus­si, la diver­sité des médias util­isés à été très appré­ciée ain­si que le temps de non-mixité.

Toute­fois, le rythme des présen­ta­tions était un peu lourd, le week­end a été très intense (mais aus­si très con­struc­tif). D’où une cer­taine fatigue le dimanche, que la soirée du same­di soir n’a pas aidé. Les prochains temps autour de ces sujets gag­neront à avoir plus de débats et d’ate­liers, main­tenant que les idées sont à peu près claires.

Quelques auto-cri­tiques en plus :

  • Manque de prise de parole de la part des participant.e.s (en par­tie pour cause de fatigue et lour­deur du pro­gramme) => inciter davan­tage à pos­er ses ques­tions et ses doutes pen­dant le temps de débat, avec tout le monde (plutôt que le faire dans la cui­sine après). Peut-être cela serait davan­tage pos­si­ble avec une autre forme de dis­po­si­tion des salles, qu’une forme d’hor­i­zon­tal­ité soit directe­ment plus visuelle. Peut-être égale­ment en per­me­t­tant aux participant.e.s de pos­er des ques­tions plus rapidement ?
  • Il serait appro­prié de penser à une tra­duc­tion au moins en anglais au cas où il y ait des deman­des la prochaine fois, qui allon­gent le temps d’échange.
  • Logis­tique : Beau­coup de la charge men­tale de l’or­gan­i­sa­tion pra­tique est tombée sur quelques per­son­nes, on a eu des retards qu’on aurait pu éviter (sauf quand c’é­tait à cause des con­trôles policiers). Manque d’or­gan­i­sa­tion en amont pour savoir qui fait quoi et quand. Manque d’au­to-ges­tion, de respon­s­abil­ité spon­tanée. Sauf la cui­sine qui s’est très bien auto­gérée, la par­tic­i­pa­tion spon­tanée a été très appré­ciée. Toute­fois, les retards, ou plutôt la mise au rythme des audi­teurs a été appréciée.

Conclusion : Quelles suites donner à ces rencontres ?


Tout d’abord, nous tenons à remerci­er tous les col­lec­tifs et autonomes présent.e.s, organisateur.trices comme participant.e.s, pour le bon déroule­ment du week­end, et ce dans un con­texte aus­si dif­fi­cile que celui de Bure à une péri­ode de répres­sion policière/étatique intense.

Le week­end nous a lais­sés avec la ferme envie de pour­suiv­re les réflex­ions et d’en­chaîn­er sur de la mise en pra­tique. Nous souhaitons donc organ­is­er d’autres événe­ments sur le Kur­dis­tan et sur le com­mu­nal­isme, mais de façon séparée car chaque sujet mérite son pro­pre temps main­tenant qu’on y a été intro­duits. Et parce qu’il y a beau­coup à dire et à faire dans les deux cas.

Pour ce qui est du com­mu­nal­isme en ter­ri­toire fran­coph­o­ne, des ren­con­tres seront organ­isées à Toulouse après l’été. Des ren­con­tres transna­tionales sont prévues pour la fin de l’an­née égale­ment, pos­si­ble­ment à Liège en Bel­gique. De petits événe­ments autour du com­mu­nal­isme sont à prévoir tout au long de l’année.

Il y a idée de faire un lab­o­ra­toire du com­mu­nal­isme en France, à l’im­age du camp de réfugié.e.s de Maxmûr. Il fau­dra que ce soit autre chose qu’une ZAD exis­tante car il s’ag­it déjà d’ex­péri­men­ta­tions en soi, de lab­o­ra­toires de lutte spontanée/autogérée.

Des enreg­istrements audio et de la doc­u­men­ta­tion seront dif­fusés sur un nou­veau site web fédéra­teur autour du com­mu­nal­isme et des ter­ri­toires en lutte. L’idée est de met­tre à dis­po­si­tion une mal­lette mil­i­tante ou caisse à out­ils pour dif­fuser les idées et pra­tiques communalistes.

Nous vous invi­tons à rester aux aguets du lance­ment de cette plate­forme dans les semaines à venir.

Mais nous vous invi­tons égale­ment à vis­iter le site de la lutte de Bure, le site du col­lec­tif Ini­tia­tive pour un Con­fédéral­isme Démoc­ra­tique (ICD), le por­tail fran­coph­o­ne de l’é­colo­gie sociale/communalisme, à vous ren­seign­er sur les for­ma­tions pro­posées par le Jine­olo­ji Cen­ter de Brux­elles, à met­tre la main sur des livres de Bookchin, Öcalan, Pierre Bance, Floréal Romero (entre autres), à vous ren­dre sur le site infokiosques.net pour y trou­ver des brochures à dif­fuser, le site du jour­nal d’é­colo­gie rad­i­cale La Gueule Ouverte et, surtout main­tenant, à suiv­re les nou­velles d’Afrin sur RojIn­fo.

Enfin, nous lançons un grand appel à soutenir la résis­tance d’Afrin, qui est une résis­tance humaine et pop­u­laire avant tout, et une propo­si­tion con­fédéral­iste démoc­ra­tique en sec­ond. Nous appelons donc à man­i­fester, à s’in­former, à dif­fuser les infor­ma­tions à ce sujet dans les com­munes et ter­ri­toires en lutte (sous forme de brochures par exem­ple), ain­si qu’à nous con­tac­ter (ICD/IFCD) pour nous rejoin­dre ou en savoir plus.


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Le petit mag­a­zine qui ne se laisse pas caress­er dans le sens du poil.