Pas de dis­cours hyp­ocrite pour Afrin, quand les trahisons se font au grand jour. Le silence affiché de toutes les puis­sances inter­na­tionales con­juguées peut men­er à un mas­sacre, au vu désor­mais de l’iné­gal­ité des forces.

Les forces com­bat­tantes de défense d’Afrin, même ren­for­cées par l’ar­rivée com­pliquée de ren­forts, eux-mêmes con­traints de laiss­er les dernières poches tenues par Daech pos­si­ble­ment libres de leurs mou­ve­ments, ne suf­firont pas à rétablir la supéri­or­ité des armes.

Seule une déci­sion d’in­ter­dire l’e­space aérien à la Turquie, mem­bre de l’OTAN, prise par les puis­sances mem­bres du Con­seil de Sécu­rité de l’ONU arrêterait le mas­sacre de civils et rétabli­rait un sem­blant “d’équili­bre” des forces.

Nous savons toutes et tous, que l’OTAN pour­rait inter­dire à l’un de ses mem­bres une agres­sion mil­i­taire. Aucune volon­té n’est présente de ce côté là. Le main­tien des intérêts stratégiques et bien sûr économiques au Moyen-Ori­ent l’emporte sur tout droit des peu­ples international.

Les com­man­de­ments mil­i­taires à Afrin avouent eux-mêmes que le déséquili­bre en arme­ment lourd ne se com­pense pas par l’e­sprit de sac­ri­fice des com­bat­tantEs pour leur cause.
Face à ce qui est une con­ver­gence d’in­térêts à ce que le mou­ve­ment kurde, et le pro­jet poli­tique du Nord Syrie soit durable­ment affaib­li, les com­bat­tantEs d’Afrin sont livrés à l’a­gres­sion turque, qui s’est con­sid­érable­ment ren­for­cée, qui plus est soutenue main­tenant en interne par une union nationale avec la pseu­do oppo­si­tion kémal­iste.

Les Etats-Unis pra­tiquent de leur côté égale­ment la poli­tique de l’autruche, leur intérêt étant tout autant que les ter­ri­toires du Nord de la Syrie soient “débar­rassés” d’un pro­jet poli­tique d’é­man­ci­pa­tion, main­tenant que Daech est “con­tenu”. Le main­tien de leur présence stratégique dépend des moyens de chan­tage dont ils dis­posent con­tre les forces kur­des et leurs alliés. La faib­lesse poli­tique et diplo­ma­tique de ces forces pour­rait donc pass­er par une défaite à Afrin, selon la stratégie améri­caine changeante du prési­dent. En cela, il ne dif­fère guère de la stratégie russe.

Dans ce con­texte, l’ap­par­ente sol­lic­i­tude des grandes puis­sances, hyp­ocrite­ment et soudaine­ment au chevet de la Goutha, devient un igno­ble tour de passe-passe, là aus­si au prix de vic­times civiles, pour des accords futurs dits de dés­escalade, qui pour­raient être du même type que ceux de l’après Alep, avec des migra­tions de pop­u­la­tions favor­ables aux pro­jets de la Turquie à ses fron­tières, et la remise au régime de Bachar d’une enclave qu’il ne pou­vait réduire seul.

Des com­bat­tantEs meurent, des morts civils par cen­taines ne font la une de qua­si aucun média. Une polémique igno­ble oppose Afrin et la Goutha en surenchère, pour mas­quer tous les arrange­ments de couliss­es. La carte islamiste “libre” pos­si­ble­ment maîtrisée par le régime turc rem­place Daech.

En interne, la folie mil­i­tariste et nation­al­iste s’est emparée plus que jamais de la Turquie, folie sci­em­ment entretenue par son chef comme par­avent à son pouvoir.

Et les enne­mis de tout change­ment au Moyen-Ori­ent pren­nent leur revanche sur Kobanê, en vue de nou­velles trac­ta­tions inter­na­tionales, “net­toyées” des pré­ten­tions de pop­u­la­tions de se gou­vern­er démoc­ra­tique­ment elles-mêmes de façon confédérale.

Afrin n’a cepen­dant pas encore per­du, même si les mil­ices islamistes et les forces mil­i­taires turques vont entamer un siège proche de la ville et con­tin­uer à bom­barder sans relâche les pop­u­la­tions de la région qui s’y sont réfugiées.

Les autres can­tons de la Fédéra­tion de Syrie Nord subis­sent de fait l’isole­ment ren­for­cé, et un mas­sacre à Afrin, au vu et au su de tous, créerait des dif­fi­cultés poli­tiques à venir, comme en Irak l’échec de l’aven­ture de Barzani a affaib­li durable­ment le mou­ve­ment kurde.

L’im­puis­sance est donc grande, et pour­tant les mobil­i­sa­tions pour Afrin ne man­quent pas de par le monde.

Mais, lorsque dans un même mou­ve­ment, les replis nation­al­istes et iden­ti­taires se sai­sis­sent des peu­ples un peu partout, et en Europe en par­ti­c­uli­er, lorsque la crainte de “vagues migra­toires” sert de bous­sole poli­tique, le repli prime sur le sen­ti­ment d’hu­man­ité. La grande trouille de Daech, qui a tant servi les pro­jets poli­tiques en Europe, s’estompe. Et le libéral­isme craint moins pour ses affaires. Afrin peut donc mourir, la trahi­son se ver­ra à peine. Et une cer­taine pro­pa­gande, libre­ment inspirée des mon­tages de la presse et agences turques, com­mence même à par­ler de boucli­er humain mis en place à Afrin, par les forces com­bat­tantes d’au­to-défense, afin d’ac­créditer la thèse PYD/YPG/YPJ = ter­ror­isme = Daech. Alors, dor­mons tran­quille, l’OTAN tra­vaille pour nous.

Le com­bat pour Afrin n’est pour­tant pas per­du, et les com­bat­tantEs sur place résis­teront jusqu’aux dernierES, soyons en sûrs, comme à Kobanê. 

Il aura fal­lu 50 jours et une force de frappe aéri­enne, en armes lour­des et engins ter­restre, aux forces islamo-turques pour s’ap­procher des faubourgs, et des morts ren­dus “invisibles“par cen­taines. La prise de l’ap­pro­vi­sion­nement en eau de la ville fait crain­dre le pire.

Allons-nous être les témoins impuis­sants d’un mas­sacre sur ordon­nance internationale ?

Faut-il une boucherie pour sat­is­faire les appétits ?

Tout se déroule comme si, avant que de se met­tre à table, comme il y a un siè­cle, pour dépecer à nou­veau la région, les puis­sances impéri­al­istes et régionales, sac­ri­fi­aient un mou­ton noir rétif à leur pouvoir.


Photo à la une : Une photo de l’AFP ayant fait le tour d’Internet… Population fuyant vers le centre de la ville d’Afrin, après la destruction de leur village.
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Daniel Fleury
REDACTION | Auteur
Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…