Ce n’est pas le genre de la mai­son à Kedis­tan, que de ton­dre la laine sur le dos de celles et ceux que l’on sou­tient, ou d’en tir­er gloire.

Notre amie jour­nal­iste et artiste Zehra Doğan est à nou­veau empris­on­née depuis juin 2017. Nos lec­tri­ces et lecteurs le savent, et pour les plus assidus, con­nais­sent Zehra et son com­bat depuis deux ans, alors que nous lui con­sac­rions un pre­mier arti­cle. Nais­sait alors une rela­tion avec la jour­nal­iste, la femme et l’artiste, qui ame­na le mag­a­zine Kedis­tan, dans la mesure de ses petits moyens, et avec l’aide des lecteurs et lec­tri­ces, puis rapi­de­ment d’un cer­cle de sou­tien plus large, à engager une cam­pagne de sou­tien pour sa pro­tec­tion et ensuite, de ten­ter de faire pres­sion pour sa libération.

De la même façon que nous avions, en novem­bre 2016, lancé l’idée, avec d’autres, pour soutenir l’écrivaine Aslı Erdoğan, alors men­acée de per­pé­tu­ité en Turquie, de “lire et faire lire ses textes partout”, nous avons com­mencé à met­tre en place début 2017 la pos­si­bil­ité d’ex­pos­er en tous lieux d’Eu­rope, les oeu­vres de Zehra, et d’en dif­fuser le contexte.

Cette cam­pagne s’est organ­isée en plein accord avec Zehra bien sûr, qui a alors créé, tra­vail­lé d’ar­rache-pied du fond de son exil pro­vi­soire, en Turquie, en attente de son juge­ment défini­tif qui le mèn­era en juin à une nou­velle incarcération.

Ce tra­vail acharné de témoignage, vis­i­ble sur les qua­si 50 oeu­vres qu’elle réalise alors, d’une énorme force, et mal­gré l’ur­gence, réal­isées avec le tal­ent d’artiste qu’on lui con­nait, sera donc, à sa demande, évadé de Turquie, en même temps qu’un cer­tain nom­bres de textes.

Une per­son­ne, éditrice, ren­con­trée quelques mois plus tôt, s’é­tait alors pro­posée pour con­tribuer à cette éva­sion. Cela s’est ter­miné par l’écri­t­ure et la réal­i­sa­tion d’un livre, en urgence, en juil­let 2017. Livre qui a jusqu’alors accom­pa­g­né les expo­si­tions qui se sont déroulées, et que vous avez été égale­ment nom­breux-ses, lecteurs et lec­tri­ces, à vous procurer.

Pour toutes les démarch­es d’ex­po­si­tions, de mis­es en place, d’as­sur­ances, de droits, l’As­so­ci­a­tion des Amis du Kedis­tan avait bien sûr pris la pré­cau­tion avec Zehra de con­clure un con­trat en bonne et due forme, non pas “d’ex­ploita­tion” des droits intel­lectuels et artis­tiques de Zehra, mais de “ges­tion de ceux-ci à titre entière­ment gratuit”.

Nous avons alors décou­vert un milieu que nous igno­ri­ons, celui du com­merce de l’Art, de l’Edi­tion, des “acteurs cul­turels”. Et comme dans tout milieu, ses bonnes et mau­vais­es choses, ses bonnes et mau­vais­es personnes.

Nous sommes désor­mais à Kedis­tan quelques unEs, qui avons appris à met­tre désor­mais la “con­fi­ance” dans sa poche, quand il s’ag­it de s’aven­tur­er dans ce microcosme.

Voilà que l’éditrice du livre “Les yeux grands ouverts”, con­sacré à Zehra Doğan quitte bru­tale­ment la cam­pagne de sou­tien pour vouloir en capter des “béné­fices” aujourd’hui.

Des cen­taines d’ex­em­plaires du livre, réal­isé sans con­trat d’édi­teur, à la con­fi­ance, dans l’ur­gence, ont été ven­dus aujour­d’hui. Près de 500 l’ont été sur les expo­si­tions, par des bénév­oles et mil­i­tants, par des asso­ci­a­tions de sou­tien organ­isatri­ces, et sur Kedis­tan même. D’autres en librairie depuis février.

Qui pour­rait accepter qu’une éditrice veuille capter finan­cière­ment ce tra­vail de sou­tien mil­i­tant, alors qu’elle s’é­tait engagée à un sou­tien sans con­trepar­tie finan­cière autre qu’un % min­i­mum édi­teur, et le prix de revient du livre ?

Nous ne sommes pas dupes à Kedis­tan. Nous savons que nous vivons dans un monde où le prof­it cap­i­tal­iste est la règle. Mais que celui-ci s’in­vite, dans une cam­pagne de sol­i­dar­ité, et de sur­croît avec une prémédi­ta­tion trahissant une rela­tion de con­fi­ance, main­tenant que le nom de Zehra et ses réal­i­sa­tions sont dans l’ac­tu­al­ité, nous laisse abasourdis.

Kedis­tan tra­vaillera à ce que les droits de Zehra soient pro­tégés de cette rapac­ité com­mer­ciale, et attend de cette éditrice qu’elle revi­enne dans la légal­ité, et sur terre, qu’elle passe con­trat avec les ges­tion­naires des droits de Zehra Doğan, qu’elle paie les dettes con­cer­nant la tra­duc­tion, l’u­til­i­sa­tion des visuels, la rémunéra­tion des collaborateurs/trices du livre, et les émol­u­ments de droits d’au­teur de Zehra, non ver­sés jusqu’alors. Tout ceci représente une somme non nég­lige­able qui est due à notre amie, inca­pable de se défendre, puisque pris­on­nière dans une geôle turque. Pré­cisons à cet instant que les auteurEs, pho­tographe, tra­duc­trice, ont, dès le départ, annon­cé leur inten­tion de faire don de ces rétri­bu­tions au fond de sou­tien pour Zehra, géré en totale trans­parence et en ligne ICI.

Nous avons à ce titre un man­dat clair : Arti­cle 4 © “Le man­dataire (Amis du Kedis­tan) s’as­sure que les émol­u­ments dus à l’artiste sont rapi­de­ment col­lec­tés et remis à l’artiste par les par­ties qui lui sont redevables”.

Nous avions juste­ment pris les pré­cau­tions pour éviter ce genre d’abus de faib­lesse à l’en­con­tre de Zehra, qui pou­vait provenir de marchands d’art ou de per­son­nes sans scrupules. Mais cela ne suf­fit pas vis­i­ble­ment, et nous nous voyons con­traints de porter la chose sur la place publique, pour la dénoncer.

Nous nous sen­tons totale­ment respon­s­ables auprès de toutes les per­son­nes et asso­ci­a­tions, milieux mil­i­tants, lec­tri­ces et lecteurs, qui, depuis le début, ont accom­pa­g­né cette cam­pagne de sou­tien à Zehra, et nous nous étions engagéEs à la trans­parence auprès de toutEs.

Inutile de pré­cis­er, nous le pen­sons, que tout cela a égale­ment un rap­port avec une cer­taine annu­la­tion d’ex­po­si­tion parisi­enne, où se retrou­vent les mêmes acteurs/trices qui se con­nais­saient de longue date.

Pour Kedis­tan, la sol­i­dar­ité n’a ni prix, ni ne peut être marchan­dis­ée, d’au­tant que ces pra­tiques pré­da­tri­ces met­tent en péril une cam­pagne de sou­tien qui témoigne des mas­sacres des trois dernières années en Turquie.

Et pen­dant que nous sommes acca­parés par ces bassess­es, notre voca­tion à informer s’en ressent, alors que la réal­ité du Moyen- Ori­ent demande plus que jamais témoignages, infor­ma­tion et analy­ses, ce qui est le coeur de notre rai­son d’être.

Les Amis du Kedistan

PS / La Mai­son d’Edi­tions a fort heureuse­ment depuis “régu­lar­isé”… au min­i­mum syn­di­cal. Nous avons tourné la dernière page du livre… Un autre le rem­plac­era bientôt.


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