Tout se passe en Turquie comme si d’un état d’ur­gence per­ma­nent la sit­u­a­tion glis­sait vers un état de guerre intérieur, per­mis par les change­ments con­sti­tu­tion­nels de 2017.

Le vote du bud­get 2018 a con­sacré des sommes con­sid­érables à la défense et l’arme­ment. Selon les sources offi­cielles des min­istères, les investisse­ments dans le secteur de l’industrie de défense ont atteint le seuil des 35 mil­liards de dol­lars en qua­torze ans.

Les supra-pou­voirs de l’ar­mée et de ses dirigeants kémal­istes ont été sup­primés lors du change­ment con­sti­tu­tion­nel opéré en 2010, qui fai­sait suite égale­ment au déman­tèle­ment via affaires et procès de l’E­tat major. La réforme con­sti­tu­tion­nelle de 2017 qui instau­ra la prési­den­tial­i­sa­tion absolue fait bas­culer défini­tive­ment l’ar­mée entre les seules mains du Prési­dent. La famille d’Er­doğan elle-même, est dev­enue finan­cière­ment intéressée au développe­ment de l’in­dus­trie d’arme­ment sous divers­es formes.

La capac­ité de l’industrie de défense turque s’ac­croît. 26 pro­jets seront dévelop­pés dans ce con­texte. Un Pre­mier Min­istre déclarait dès 2016 : “La Turquie a l’objectif d’utiliser dans son armée des armes de fab­ri­ca­tion turque d’ici à 2023”. 2023, rap­pelons-le, sera le cen­te­naire de la République turque.

Voilà le gou­verne­ment turc passé aux essais de matériel à Afrin en quelque sorte.

Le développe­ment d’une indus­trie de guerre dans un pays tel que la Turquie, mem­bre de l’OTAN et déjà “aidé” à ce titre fut scrupuleuse­ment analysé dans un rap­port com­plet d’une chercheuse française pour le compte d’un insti­tut, et je vous y ren­voie, même, bien sûr, si elle n’en tire aucune analyse politique.

Le relai que prend cette indus­trie d’un secteur dit de “grands travaux” dont les pro­jets sont en cours ou s’achèvent, sera le bien­venu pour une économie turque en sur­chauffe. La cor­rup­tion, soyons en sûrs, s’y déplac­era également.

A pro­pos de ces grands travaux, dont la France se van­tait en 2017 d’avoir con­tribué sous forme de fonds d’aide au développe­ment à Istan­bul, notons la savoureuse façon dont Erdoğan passe par pertes et prof­its pour la Nation, les 400 vic­times d’ac­ci­dents du tra­vail, sur le chantier du nou­v­el aéro­port. Près de 400 morts, “tombés mar­tyrs” pour la nou­velle Turquie de 2023. Le vol inau­gur­al qu’a fait Erdoğan ce lun­di se moque bien de ces mar­tyrs du progrès.

Le Sul­tan regarde l’avenir de 2023, cen­te­naire de la “révo­lu­tion nationale”. Il la voit libérale, ottomane dans sa façon de domin­er le monde, big­ote et bien nation­al­iste, sa Turquie. On pour­rait le dessin­er de pro­fil, avec un crois­sant der­rière lui, qui regarde la Mecque du côté des ban­ques suiss­es…” (Cita­tion Mamie Eyan)

Les luttes con­tre ces dif­férents pro­jets destruc­teurs ont peu à peu été réduites par l’é­tat d’ur­gence et le cli­mat de peur instauré.

Décrets après décrets, purges après purges, après le putsch béni du ciel de 2016, la clique prési­den­tielle a con­fir­mé son pou­voir. Reste à le garder et à en tir­er béné­fice. C’est le corol­laire de tout pou­voir absolu, surtout dans ce pays de près de 83 mil­lions d’habitants.

Des échéances élec­torales dont Erdoğan se passerait sans doute volon­tiers sub­sis­tent con­sti­tu­tion­nelle­ment d’i­ci le sacre désiré de 2023. Erdoğan va dépass­er la durée de vie au pou­voir du fon­da­teur de la République et pre­mier Prési­dent Mustafa Kemal Pacha (Atatürk). Il a endossé avec suc­cès le mil­i­tarisme nation­al­iste et instru­men­tal­isé lui aus­si la com­posante musul­mane de départ de cette république.

La mise en ten­sion “eth­nique”, sociale, cul­turelle, religieuse, de la société et du pays tout entier, qu’Er­doğan a util­isée chaque fois dans le cadre con­sti­tu­tion­nel des élec­tions, dès lors où son main­tien au pou­voir et la réal­i­sa­tion de ses objec­tifs étaient en jeu, cul­mine dans la péri­ode post-putsch man­qué de juil­let 2016.

L’é­tat d’ur­gence per­ma­nent, le gou­verne­ment par décrets au dessus même du Con­seil de la Con­sti­tu­tion, qui s’ac­com­pa­gne de cadeaux aux milieux financiers et à la cor­rup­tion, ne sem­ble vis­i­ble­ment pas suf­fire aux appétits et à la cri­tique ultra-nation­al­iste. Voici donc qu’Er­doğan fait en paroles et en actes bas­culer la Turquie dans un “état de mobil­i­sa­tion per­ma­nente”.

Quoi de mieux qu’une pseu­do guerre de con­quête qui attise les brais­es de la Syrie et désigne à nou­veau le bouc émis­saire kurde, comme d’autres autre­fois les Arméniens, pour cela, et même des men­aces à l’en­con­tre de l’en­ne­mi d’hi­er, la Grèce, sur quelques îles ?

Cela peut sem­bler car­i­cat­ur­al, mais si l’in­for­ma­tion n’é­tait pas passée au prisme “des bonnes rela­tions à main­tenir néces­saire­ment avec un parte­naire essen­tiel (paroles d’Eu­rope), nous n’en seri­ons pas encore seule­ment à déplor­er “le glisse­ment de la Turquie vers un régime fort qui pour­rait bafouer la démocratie”.

Ce sont bien des bruits de bottes qui rem­pla­cent les cris d’ag­o­nie des vic­times de Daech. Et ils sont orchestrés par la Turquie qui canonne dans le jeu diplo­ma­tique pour l’in­stant, avec sa pop­u­la­tion en otage, dont plus de la moitié est déjà atteinte du syn­drome de Stock­holm, et la men­ace per­ma­nente de faire céder la digue des “migrants”…

Le chan­tage à l’OTAN et les jeux de chats et souris avec la Russie de Pou­tine, S‑400 à l’ap­pui, sont du même acabit.

Cet islamo-fas­cisme là, pour repren­dre un mot d’un ex pre­mier sin­istre français, qui lui aus­si aimait la guerre, est une des cartes de vis­ite qu’u­tilise Erdoğan en interne, pour être en adéqua­tion avec des bases sociales et des forces poli­tiques qui le soutiennent.

Le rameau d’o­livi­er” que bran­dit Erdoğan con­tre Afrin, avec les com­plic­ités inter­na­tionales, ne ren­forcera que l’é­tat de guerre, même s’il arrange aujour­d’hui, en leur don­nant du temps, les dites “grandes puis­sances”, qui ne s’en­ten­dent tou­jours pas sur le grand partage au terme de ces guerres.

Tous les anti-fas­cistes seraient bien inspirés de pren­dre con­science des effets transna­tionaux de ce Munich face à Erdoğan, tant que les extrêmes droites européennes pra­tiquent encore un racisme anti-turc un peu partout. Les alliances poli­tiques d’in­térêts se tis­sent vite, et passent sou­vent par des gou­verne­ments libéraux plus intéressés par les affaires que par les droits humains et la Paix qui ouvrent la voie.

Les cadavres passés au chlore res­teront pro­pres, rassurez-vous.


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Daniel Fleury
REDACTION | Auteur
Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…