Salih Muslim, encore il y a peu co-président du PYD, élément majeur d’une coalition qui a contribué à créer la Fédération Démocratique Nord Syrie, gérant les parties autonomes du nord de la Syrie, y compris Afrin, vient d’être arrêté et mis en garde à vue à Prague.
Un mandat d’arrêt avait entre autres, été émis par la Turquie à son encontre, ainsi que pour 47 autres personnes, à la suite de l’attentat d’Ankara contre un bus militaire, le 17 février 2016. L’attentat avait alors été revendiqué par “les faucons de la liberté” (TAK), groupe très critique envers le PKK.
C’est l’une des décisions de la justice turque à l’encontre de Salih Muslim qui a autorisé le gouvernement turc à la placer sur une “liste rouge” via Interpol, exigeant son arrestation et éventuelle extradition.
Salih Muslim est bien connu de toutes celles et ceux qui s’intéressent au Moyen-Orient et à la cause kurde. C’est aussi une figure qui popularise dans le monde entier une expérience politique inspirée, malgré la guerre, des principes de vivre ensemble et de communalisme du confédéralisme démocratique.
Il a participé à ce titre, à nombre de conférences, forums, colloques, au sein d’enceintes prestigieuses ou non, dans de nombreux pays. A l’invitation officielle de groupes parlementaires européens, ou d’Assemblées, il a animé ou pris parole dans un nombre incalculable de réunions ces dernières années. Chaque fois, pour y porter une parole de paix, même s’il représente également une figure de résistance forte à l’oppression, qui, face aux militarismes destructeurs doit son salut à l’auto-défense et à ses combattantEs. Celle-ci a fait largement ses preuves contre le terrorisme de Daech.
Cette arrestation, obtenue probablement par chantage auprès des autorités de Tchéquie, intervient alors qu’Afrin, en Syrie Nord, subit les assauts répétés et conjoints des djihadistes et du nationalisme turc, qui les arme, et assure les bombardements. Cette offensive islamo nationaliste piétine, tout le monde le sait, grâce à la résistance populaire sur place.
Il s’agit d’une arrestation d’un ressortissant syrien à la demande de la Turquie.
Elle résonne comme un pas de plus dans la guerre, qui met au pied du mur, et face à leurs contradictions l’ensemble des gouvernements et états européens.
Que ce soit la présence depuis des années du PKK sur la liste des “organisations terroristes”, et l’ignorance tacite de ces mêmes gouvernements lorsque ceux-ci ont besoin des Kurdes dans la coalition anti-terroriste, que ce soit l’existence de listes Interpol qui n’obéissent qu’à la logique schizophrène de l’Etat turc qui désigne comme terroristes du conducteur de Vapur à l’intellectuel le plus réputé, tout cela ne fait que mettre en lumière les lâchetés munichoises des gouvernements européens.
Le gouvernement AKP en joue, et au premier rang le Reis Erdogan.
Plusieurs faits récents sont à mettre en perspective. Très récemment, une personnalité belge était placée sur les listes du ministère de l’Intérieur turc proposant des primes “pour une capture mort ou vif”. D’autres preuves étaient apportées de contrats mis sur des têtes d’opposants, et un député du Parlement turc en avait transmis le dossier aux chancelleries européennes. L’an dernier, l’arrestation en Espagne, via Interpol et demande de la Turquie, d’un écrivain avait fait grand bruit. Des peines de perpétuité viennent d’être prononcées à l’encontre d’intellectuels et journalistes...
Combien faudra-t-il de preuves d’activités terroristes du gouvernement Erdoğan pour que les Etats européens se prémunissent de la guerre qu’il exporte ?
La Tchéquie elle-même, qui vire fortement au brun depuis quelques temps, et soutient le programme et traité sur les migrants et réfugiés passé avec Erdoğan a probablement profité de l’occasion pour passer des marchés en coulisses.
La Turquie a demandé l’extradition de Salih Muslim. Une telle extradiction signifierait une déclaration de guerre avec les alliés anti-daech d’hier, si la communauté européenne n’intervient pas dans ce cas de figure pour l’empêcher, elle qui discutait encore il y a peu, des listes Interpol abondées par Erdoğan.
Il devient totalement évident que la guerre en Syrie s’exporte dans toutes ses conséquences à venir, à partir des provocations du régime turc, qui possède toutes les cartes en main pour les chantages à la paix.
Salih Muslim devient l’otage d’un bras de fer politique, alors que l’armée turque n’enregistre pas à Afrin les résultats escomptés, et que les diplomates sont en train de revoir leur copie à l’ONU.
Est-il utile d’écrire que faire libérer Salih Muslim est une urgence absolue pour la Paix ?
Twitter : #FreeSalihMuslim
Ajout du 27 février :
Le juge praguois chargé du dossier a, ce jour, malgré la demande de maintien en détention formulée par l’avocat de l’Etat tchèque, décidé que Salih Muslim pourrait collaborer libre pour la poursuite de l’examen de la demande d’extradition formulée par la Turquie. Salih Muslim est donc libre de ses mouvements à Prague et pourra se défendre dans de bonnes conditions contre cette demande. Une enquête serait ouverte pour les faits ayant amenés à son arrestation, et d’éventuelles corruptions policières (sources à vérifier).