Le régime de Bachar mas­sacre des civils, aidé par les forces russ­es, comme pour Alep, et s’ap­prête à repren­dre l’en­clave rebelle de la Goutha en Syrie.

C’est là un fait que per­son­ne ne peut nier, et pour lequel la pro­pa­gande va utilis­er pro­fu­sion d’im­ages, pour au final nier une évi­dence : ce sont encore et tou­jours les pop­u­la­tions en survie, pris­es entre tous les feux, qui meurent. Mais nier un mas­sacre parce que cela arrange sa vision poli­tique, sous le pré­texte qu’une pro­pa­gande s’en empare serait de la mal­hon­nêteté intel­lectuelle et politique.

La reprise de Mossoul fut un bain de sang. Celle de Raqqa ne valu guère mieux. Dans les deux cas, Daech fut respon­s­able de la mort d’o­tages entre leurs mains : des civils en survie. Ils s’en servirent large­ment de “boucli­er humain”. Dans le cas de Raqqa, alors que les forces des FDS négo­cièrent la libéra­tion finale, pour éviter les morts inutiles de tous côtés, on est allés, sou­venons nous-en, jusqu’à les accuser de “com­plic­ité avec Daech”.

Mais qui pou­vait cynique­ment assim­i­l­er les pop­u­la­tions en otages, même sou­vent en con­nivence par survie, à Daech. Où, dans le cas de Raqqa et de Mossoul, les “libéra­teurs” auraient-ils pu trou­ver la pop­u­la­tion qui servi­ra de socle à une nou­velle admin­is­tra­tion sur les lieux, sans appui sur des civils qui avaient subi les igno­minies ou les avaient sup­port­ées ? Per­son­ne n’a alors assim­ilé les pop­u­la­tions à leurs bour­reaux, parce qu’il s’agis­sait de rem­plac­er la mort, par la vie et l’avenir à reconstruire.

Pour les pop­u­la­tions de la Goutha, il devrait en aller de même.

Mais la poli­tique du régime Bachar et de la Russie n’a rien à voir avec la stratégie poli­tique d’avenir pour Raqqa et les zones libérées con­tre Daech. La poli­tique de Bachar est une poli­tique mil­i­taire d’écrase­ment et d’an­ni­hi­la­tion, même si, tout le monde le sait, il n’y a plus rien de révo­lu­tion­naire dans cette enclave, mais tout autant des enjeux de pou­voirs sur le dos de celles et ceux, priés de pren­dre par­ti ou de mourir.

Accepter une autre vision des choses, et oppos­er ce qui se déroule plus au Nord de la Syrie à Afrin à ce qui serait de “pseu­dos mas­sacres de pro­pa­gande” à la Goutha, est non seule­ment igno­ble et cynique, mais ne per­met pas de com­pren­dre les sit­u­a­tions des uns et des autres, et les alliances et con­tre-alliances d’in­térêts, entre puis­sances régionales et internationales.

La guerre sur le sol syrien a amené depuis des années un lot de morts, d’ex­ac­tions, de destruc­tions, de vio­ls, de vies brisées et d’ex­ils. Elargir le spec­tre à l’ensem­ble de la Mésopotamie et de l’actuelle Turquie ferait encore mon­ter des chiffres, qui chaque fois cachent des réal­ités inviv­ables, de nou­velles frac­tures pour l’avenir humain sur ces territoires.
Citer le nom des peu­ples et entretenir une compt­abil­ité macabre entre eux serait encore ajouter à l’innommable.

Sachons donc met­tre à sa place, le soudain intérêt hyp­ocrite pour la Goutha de gou­verne­ments occi­den­taux, les mêmes qui reçoivent Erdoğan en parte­naire, alors qu’ils récla­maient encore hier une sim­ple “retenue” à Afrin.

C’est la con­ti­nu­ité d’une poli­tique qui n’ac­cepterait pas que la Syrie, débar­rassée de ses tyrans et mas­sacreurs dji­hadistes mul­ti­ples se gou­verne en autonomie pour elle même, et en fédéra­tions démoc­ra­tiques pour ses peu­ples, tout le con­traire de l’E­tat-nation pour­ris­sant et meur­tri­er actuel.

Ces mêmes gou­verne­ments ont soutenu diplo­ma­tique­ment et mil­i­taire­ment ce qui fait rire aujour­d’hui lorsque cela s’af­fu­ble du mot “libre”. Ces mêmes gou­verne­ments ont lais­sé se faire une con­tre révo­lu­tion islamiste armée en Syrie, qui dépos­sé­da les initiateurs/trices du Print­emps anti-Bachar. Et déjà, à ce moment, ils soute­naient la Turquie, pièce impor­tante de la guerre civile.
Ces mêmes gou­verne­ment ont util­isé les com­bat­tants de Syrie Nord con­tre Daech comme chair à canon, sans jamais accepter leur pro­jet politique.

Alors, la Goutha est le révéla­teur des alliances cyniques d’in­térêts, et des volon­tés nation­al­istes qui s’af­fron­tent régionalement.

La stratégie de la Fédéra­tion Démoc­ra­tique du Nord Syrie tente de s’in­scrire dans cet imbroglio, et de fait, devient dif­fi­cile à comprendre.

Faire appel à la Nation syri­enne pour défendre les fron­tières de la Syrie con­tre l’in­va­sion des forces turques et ses affidés bar­bus, tout en réaf­fir­mant un pro­jet totale­ment con­traire à la Syrie de Bachar, joue sur de telles con­tra­dic­tions, que cela prête le flanc à tous les simplismes…

Non, ce n’est pas la Goutha con­tre Afrin.
Non, ce n’est pas Bachar con­tre Erdoğan.
Non, ce ne sont pas les Kur­des con­tre tous les peuples…

Les FDS et le PYD ont fait la preuve qu’ils pou­vaient met­tre en échec une armée de l’OTAN, dans son pro­jet de pénétr­er pro­fondé­ment en Syrie et d’annihiler le pro­jet con­fédéral­iste démoc­ra­tique au Nord.
La stratégie des “Coali­tions” était de laiss­er faire, pour éclair­cir les rôles et places de cha­cun, en faisant dis­paraître les prof­its poli­tiques des vic­toires mil­i­taires con­tre Daech et la force com­bat­tante prin­ci­pale. Cette stratégie s’avère per­dante, du fait de la résis­tance à Afrin.
N’imag­i­nons pas ces straté­gies comme des com­plots décidés autour de tables, même si elle firent l’ob­jet de ren­con­tres qu’on pour­rait citer.

La défaite mil­i­taire de Daech, les accords gag­nants-gag­nants sur les migrants entre Europe et Turquie, la remise en selle pro­vi­soire du régime à Bag­dad, et le retour en arrière de l’au­tonomie kurde iraki­enne, la vic­toire de l’is­lamo-nation­al­isme turc sur ses pop­u­la­tions kur­des à l’Est après trois ans de mas­sacres… Le rôle pré­dom­i­nant pris par la Russie et ses alliés Iraniens dans un dénoue­ment pos­si­ble, après une expor­ta­tion d’une stratégie mil­i­taire sur place… Autant d’élé­ments explicites de la sit­u­a­tion actuelle, aux­quels ajouter l’am­biva­lence et la vari­abil­ité de la poli­tique améri­caine, ain­si que l’en­gage­ment du Golfe dans des opéra­tions mil­i­taires domestiques…

L’ensem­ble de ces élé­ments suf­fit à pou­voir, un par un, exprimer les con­tra­dic­tions présentes. Et dans une guerre, ces con­tra­dic­tions sont sources d’op­por­tu­nités d’al­liances d’in­térêts. La col­lab­o­ra­tion d’Er­doğan depuis plusieurs années avec le dji­hadisme, voire avec l’E­tat islamique un temps, en est une illus­tra­tion la plus facile à appréhen­der par exemple.

L’ar­rivée de mil­ices syri­ennes du régime à Afrin est une de ces con­tra­dic­tions là. Le pari de l’ex­ploiter poli­tique­ment et mil­i­taire­ment des PYD et des FDS est risqué sur l’avenir. Ce qui est là la propo­si­tion d’al­liance d’in­térêts pro­vi­soire tient à la force pop­u­laire, humaine, poli­tique et con­fédérale qui soude la défense d’Afrin. Toutes les déc­la­ra­tions venant de l’en­tité nord mon­trent la volon­té d’a­vancer une pièce du jeu d’échecs sans céder un pouce poli­tique sur leurs propo­si­tions d’avenir, met­tant ain­si la Russie au pied du mur dans ses ambivalences.

Lorsque je vois, ici ou là, fleurir des analy­ses sur la néces­sité pour les Kur­des d’a­vancer désor­mais avec Bachar, parce que meilleur enne­mi de la Turquie, je me dis que le nation­al­isme kurde (qui existe mal­gré tout encore dans le réel) est sol­u­ble dans le nation­al­isme syrien, jusqu’au prochain affron­te­ment, et que, décidé­ment, les rideaux de fumée médi­a­tique ont bien pré­paré une incom­préhen­sion totale et un sim­plisme le plus absolu, si cher aux nation­al­ismes de tous poils.

Pourquoi devrait-on analyser, écrire, dire le con­traire d’hi­er, et laiss­er l’hu­main à la porte, parce que, con­traints de mod­i­fi­er en apparence les règles des alliances sur place, l’en­tité de la Syrie du Nord tente de sauver Afrin et le pro­jet poli­tique quelle con­tient, plus que jamais ?

Et ce pro­jet poli­tique ne s’accommode ni de Bachar, ni de ses mas­sacres en cours à la Goutha. Il s’y oppose humaine­ment et en politique.

Sou­tien incon­di­tion­nel aux com­bat­tantEs pour la lib­erté et la démoc­ra­tie à Afrin !


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Daniel Fleury
REDACTION | Auteur
Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…