Une foule de con­di­tion­nels pub­liés comme des vérités a sur­gi ces derniers jours à pro­pos d’Afrin et de la Syrie du Nord. “Un accord secret aurait été passé avec le régime pour que l’ar­mée syri­enne se déploie à Afrin”.

Voilà donc les “ter­ror­istes kur­des”, qui après s’être alliés à Daech, selon les min­istres et offi­ciels du gou­verne­ment turc, qui s’al­lieraient cette fois avec Bachar, pour ten­ter de se survivre.

Le plus sim­ple est d’aller à la source, l’ad­min­is­tra­tion même de la Fédéra­tion démoc­ra­tique du Nord de la Syrie, et d’é­couter les pro­pos de sa co-prési­dente Hediye Yusuf, pronon­cés hier :

Dans le cadre de cette résis­tance et sur un ter­rain poli­tique, il n’y a pas de dia­logue avec le régime syrien. Pour l’avenir du Nord de la Syrie et comme nous l’avons déjà dit, nous sommes prêts pour des dis­cus­sions. Mais à l’heure actuelle, une telle dis­cus­sion n’est pas en cours. Il n’a jamais été ques­tion, par exem­ple, comme cela a été dit, de céder Afrin au régime. Ces affir­ma­tions sont fauss­es et n’ont jamais été un sujet de dis­cus­sion. Ce qui existe actuelle­ment, c’est un dia­logue pour par­venir à un accord mil­i­taire, afin de con­tre­car­rer les pro­jets d’occupation de l’État turc. C’est de cela dont il s’agit “.

Est-il besoin d’a­jouter quelque chose, à ce qui est limpi­de et clair ?

Après toute cette tem­pête dans un verre d’eau, orchestrée par les agences pro-régime tant en Syrie qu’en Turquie, et relayée à grands coups de dépêch­es d’a­gence, voire de recherche d’un scoop, peut-être doit-on rap­pel­er quelques réal­ités de ter­rain. Ce que fait d’ailleurs dans son inter­ven­tion la même co-présidente :

Con­tre ces événe­ments, l’État syrien est resté silen­cieux. Con­tre les attaques d’occupation con­tre son ter­ri­toire [la région d’Afrin], il est resté silen­cieux. Comme nous l’avons déjà dit, la Fédéra­tion démoc­ra­tique du Nord de la Syrie fait par­tie d’une Syrie unie. Nous avions donc pré­cisé que la Fédéra­tion est une fédéra­tion géo­graphique et que le Nord de la Syrie fait par­tie de la Syrie.
Par con­séquent, notre posi­tion a tou­jours été la suiv­ante : s’il existe une pos­si­bil­ité de dia­logue qui aide à ouvrir la voie à une solu­tion démoc­ra­tique en Syrie, nous l’utiliserons et l’appuierons. Sur la base d’un sys­tème fédéral comme nous l’avons mis en place au Nord de la Syrie, nous pen­sons que le Nord de la Syrie jouera un rôle impor­tant dans le proces­sus de solu­tion démoc­ra­tique pour la Syrie. Nous sommes ouverts au dia­logue avec le régime. La base de tout dia­logue est d’atteindre l’objectif d’une solu­tion démoc­ra­tique. Par con­séquent, nous avions déjà fait ces déc­la­ra­tions aupar­a­vant. Main­tenant, il y a la sit­u­a­tion actuelle.”

La résis­tance d’Afrin est une résis­tance his­torique. C’est la résis­tance du siè­cle. Elle a attiré l’attention du pub­lic et con­tre­carre les plans qui avaient été faits aupar­a­vant. En même temps, tous les habi­tants de Syrie con­nais­sent la réal­ité de l’occupation. Ain­si, il y a main­tenant une dis­cus­sion en cours entre les forces mil­i­taires, par­tant du principe que le régime syrien en tant qu’État devrait jouer son rôle en empêchant l’occupation de son sol.”

Il s’ag­it là d’une posi­tion con­stante de l’en­tité fédérale, qui vise à per­me­t­tre un jour une négo­ci­a­tion non entre grandes puis­sances désireuses de partage, mais à l’échelle régionale. La par­tie Fed­er­a­tion démoc­ra­tique n’a jamais caché non plus la ques­tion du main­tien de Bachar au pou­voir, et sait par­faite­ment que si de telles “négo­ci­a­tions” s’ou­vraient, ce serait en con­tra­dic­tion avec ce dernier. Etre réal­iste pour les pop­u­la­tions ne sig­ni­fie pas taire les crimes du régime Bachar, bien au contraire.

Et pour­tant les Unités de pro­tec­tion du peu­ple (YPG) ont ensuite pub­lié un com­mu­niqué (aujour­d’hui mar­di 20 févri­er) annonçant que le gou­verne­ment syrien avait envoyé des “unités mil­i­taires” à Afrin pour repouss­er l’offensive turque. Elles ajoutaient qu’ “Elles devaient pren­dre posi­tion à la fron­tière et par­ticiper à la défense de l’u­nité ter­ri­to­ri­ale de la Syrie et de ses frontières”.

Ces infor­ma­tions peu­vent sem­bler en com­plète con­tra­dic­tion. Mais les con­tra­dic­tions poli­tiques et mil­i­taires ne man­quent pas sur le ter­ri­toire de la Syrie. Et le grand battage de pro­pa­gande ne fait que les met­tre en évidence.

Et avoir appelé de ses voeux l’in­ter­ven­tion du régime, tout en fix­ant des règles peut être une stratégie dan­gereuse, lorsque l’en­vi­ron­nement est totale­ment hos­tile. Mais qui seri­ons nous pour juger de cette complexité ?

Le régime turc ne cache plus sa volon­té d’ap­puy­er au Nord syrien l’im­plan­ta­tion d’une zone d’in­flu­ence durable via la remise en selle des groupes islamistes qu’elle a armé, arme encore et pousse à s’u­nir con­tre le régime syrien depuis cinq ans. En cela la con­stance d’Er­doğan est la même depuis 2013. De zone tam­pon en instru­men­tal­i­sa­tion aujour­d’hui des réfugiés de Syrie qu’il se pro­pose de faire revenir dans cette zone, le pro­jet reste sem­blable : empêch­er l’u­ni­fi­ca­tion de la Syrie du Nord, et priv­ilégi­er et propulser dans un proces­sus pour la Syrie, des alliés à sa botte. C’est l’u­nique moyen pour le régime turc d’éviter des alliances de grandes puis­sances dans son dos, qui, selon lui, réin­tro­duiraient la com­posante kurde plutôt que ses affidés “syriens libres”.

Jouer sur le plan médi­a­tique inter­na­tion­al sur la ques­tion du néces­saire “retour des réfugiés” et leur implan­ta­tion dans ce qui serait selon Erdoğan “une zone sûre débar­rassée de ses ter­ror­istes du YPG” fait par­tie des argu­ments mis en avant dans la guerre de pro­pa­gande à des­ti­na­tion des pays européens et des réfugiés eux-mêmes, dont la sit­u­a­tion en Syrie et en Turquie se dégrade con­sid­érable­ment après tant d’an­nées de guerre.

La Fédéra­tion Démoc­ra­tique du Nord de la Syrie est une entité poli­tique forte de propo­si­tions qu’elle n’a cessé de met­tre en pra­tique sur les ter­ri­toires où elle s’é­tend désor­mais, et plus encore depuis la qua­si vic­toire mil­i­taire totale con­tre Daech, en par­tie non final­isée depuis l’in­ter­ven­tion de la Turquie. Ces propo­si­tions sont celles du Roja­va de départ, et d’un vivre ensem­ble pour la mosaïque régionale, celui-là même dont ne veu­lent pas les puis­sances dominatrices.

Ce pro­jet poli­tique, c’est évi­dent, subit sa plus grande men­ace depuis Kobanê. La résis­tance du can­ton d’Afrin est donc his­torique et déter­mi­nante pour demain.

Des pop­u­la­tions civiles, en grand nom­bre, sont men­acées. La respon­s­abil­ité de la Fédéra­tion Démoc­ra­tique s’ex­erce donc à la fois par la résis­tance et l’au­to-défense armée, et la recherche de jouer sur les con­tra­dic­tions de l’E­tat-nation mori­bond syrien et de ses sou­tiens, pour lim­iter les massacres.

La grande presse inter­na­tionale serait bien avisée d’in­sis­ter sur le néces­saire arrêt des bom­barde­ments et exac­tions de l’ar­mée turque, tout comme des crimes de ses alliés dji­hadistes, plutôt que spéculer sur la fin de l’ex­péri­ence démoc­ra­tique, qui ne ferait qu’ou­vrir un nou­veau chapitre dans la guerre.

Ajouts du mer­cre­di 21 févri­er 2018

Une colonne de véhicules légers trans­portant quelques cen­taines de forces proches du régime venant d’Alep a effec­tive­ment pénétré hier dans la périphérie d’Afrin, après avoir été prise pour cible par les mil­ices dji­hadistes alliées de la Turquie. Le but, selon le com­man­de­ment des YPG, est de faire stop­per les bom­barde­ments, du fait de la présence de forces pro-régime à l’in­térieur du canton.

Ces mil­ices du régime ne se sont pas cepen­dant déployées en ren­fort à la fron­tière, et les forces des FDS et YPG n’ont accep­té aucun désarme­ment, comme l’ex­igeait le régime pour par­venir à un accord. Cette arrivée des mil­ices crée un état de fait qui com­plique large­ment la sit­u­a­tion. L’ar­mée turque a con­tin­ué à bom­barder Afrin avec son artillerie lourde aujour­d’hui avec autant d’intensité.

Rap­pelons que dans le même temps, le régime de Bachar a entre­pris la “liq­ui­da­tion” aveu­gle de la poche de la Goutha, au prix de mas­sacres de civils par centaines…


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Daniel Fleury
REDACTION | Auteur
Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…