Le foot­balleur, joueur d’Amed­spor Deniz Naki en a vu de toutes les couleurs…

Ancien mem­bre de l’équipe de foot FC St. Pauli, il avait rejoint l’équipe d’Amed­spor, un club d’Amed (Diyarbakır) qui évolue en D3 en Turquie. Il y a joué pen­dant deux sai­son et demie… Jusqu’à ce que…

En mai 2017, Deniz Naki avait été con­damné par un tri­bunal turc à une peine de 18 mois de prison avec sur­sis pour “pro­pa­gande ter­ror­iste” pour ses partages sur les réseaux soci­aux cri­ti­quant les opéra­tions des forces armées turques dans les villes kur­des. Un clas­sique, util­isé à tout bout de champs pour toutEs opposantEs qu’ils-elles soient, intel­lectuelLEs, artistes, uni­ver­si­taires, fonc­tion­naires, femmes et hommes poli­tiques ou sportifs-ves.… Le con­seil dis­ci­plinaire du foot­ball pro­fes­sion­nel (PFDK — Pro­fesy­onel Fut­bol Disi­plin Kuru­lu) de Turquie avait alors qual­i­fié cette ini­tia­tive de “pro­pa­gande idéologique” con­traire à “l’esprit sportif”. Une déci­sion qui peut être con­sid­érée à son tour, d’ ”idéologique” et “con­traire à l’e­sprit sportif”… C’est d’ailleurs ce que Naki explique dans sa déc­la­ra­tion du 31 jan­vi­er 2018.

Le 7 jan­vi­er dernier, le foot­balleur kurde avait été visé par des coups de feu, tirés depuis une autre voiture, alors qu’il roulait sur une autoroute près de sa ville natale de Düren, près de la fron­tière belge.

Le mar­di 30 jan­vi­er, une autre déci­sion est tombée : la Fédéra­tion turque de foot­ball (TFF) a sus­pendu Deniz Naki, à vie ! Il  ne pour­ra plus jamais jouer au foot en Turquie et il reçoit égale­ment une amende de 58.000 €. Les sanc­tions sont motivées pour “dis­crim­i­na­tion” et “pro­pa­gande idéologique”.

Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour faire taire quelqu’un ! Pour les fonc­tion­naires, l’é­tat licen­cie les opposants, sans sol­de et sou­vent avec perte de retraite, retraits de passe­port. Pour les jour­nal­istes (164 incar­cérés en févri­er), c’est garde à vue, accu­sa­tion de ter­ror­isme ou de pro­pa­gande ter­ror­iste. Pour les intel­lectuels, c’est men­aces en tous gen­res. Le régime règne sur la divi­sion et la peur, tout comme sur l’u­nité nation­al­iste, même avec des secteurs dit d’op­po­si­tion kémaliste…

Mais Deniz Naki ne se taira pas, bien au con­traire. C’est pourquoi il fut sans doute la cible d’une “gâchette” envoyée en Europe, il y a peu.

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A la presse et à l’opin­ion publique

ChEres sup­por­t­eurEs d’Amed­spor et pré­cieux peuple

Je jouais au foot­ball depuis deux saisons et demie, avec ent­hou­si­asme, dans l’équipe d’Amed­spor à laque­lle j’ai don­né mon coeur. Lors de cette péri­ode, j’ai enreg­istré de beaux sou­venirs que je ne pour­rais jamais oubli­er de ma vie. En dehors du foot­ball, nous avons tis­sé de tout coeur, des liens avec notre peu­ple. J’ai eu des jours rem­plis d’amour, de respect, de la joie et du bon­heur, et une grande famille qui m’avait offert tout cela.

On ne peux pas dire que sur ce chemin que nous avons pris avec l’ob­jec­tif de réus­site, nous avons eu beau­coup de suc­cès. Cela nous a tou­jours ren­du tristes. En tant qu’Amed­spor, nous avons été tristes, nous avons ri, nous nous sommes fait des reproches. Nous avons ressen­ti et fait ressen­tir toutes ces émo­tions en tant que famille d’Amedspor.

Ma vie avant Amed­spor, était aus­si bâtie sur la lib­erté, la paix et la lutte pour ma terre.
Sachant que le fait de porter l’i­den­tité d’Amed­spor, néces­site un com­bat ardu et dif­fi­cile, une pos­ture, droit debout, j’ai essayé de mon­tr­er une atti­tude adéquate. Et je me suis com­porté avec la con­science que tout n’est pas réduit au foot­ball. Après Amed­spor je con­tin­uerai ma vie aus­si, avec cette attitude.

J’ai mis au dessus de tout, la bon­té, la beauté, la sol­i­dar­ité, la paix, le vivre humaine­ment, et le patri­o­tisme, qui néces­si­tent une sen­si­bil­ité sociale. Parce que ce sont les valeurs aux­quelles je suis attachées. Elles font de moi, celui que je suis. Le jour où j’a­ban­don­nerai ces valeurs, je serai anéanti.

Celui/celle qui ne s’ap­pro­prie pas son passé, ne peut pas pos­séder son présent et son avenir. Celui/celle qui ne s’ap­pro­prie pas son His­toire et sa cul­ture, ne peux pos­séder sa dig­nité, et sa vie libre. L’être humain ne peut exis­ter qu’à tra­vers son His­toire, sa cul­ture, et sa société.” J’ai tou­jours vécu selon ces paroles, qui sont pour moi extrême­ment sensées.

A cause de cette pos­ture, j’ai subi sur les ter­rains de foot­ball, de nom­breuses fois, des agres­sions ver­bales et physiques.
La basse ten­ta­tive d’at­ten­tat armée qui m’a ciblé récem­ment en Alle­magne, aurait pu m’en­lever la vie. Je sais très bien que le Dieu m’a pro­tégé grâce aux prières de notre peu­ple, et des per­son­nes qui me connaissent.

Je ne suis pas resté insen­si­ble au mas­sacres et affron­te­ments à Sur, Nusay­bin, Sil­van, Cizre, Silopi, Şır­nak. Je ne pou­vais pas rester en silence alors que des per­son­nes mour­raient près de moi et je ne me suis pas tu. En tant que per­son­ne souhai­tant la paix, je ne peux pas non plus, rester insen­si­ble à la guerre menée à Afrin. Parce que les gens meurent. J’ai fait un appel de sen­si­bil­i­sa­tion, pour que ces morts, cette guerre s’ar­rête. J’ai tou­jours réa­gi et je con­tin­uerai de réa­gir con­tre la per­sé­cu­tion, l’in­jus­tice où que cela soit au monde. C’est mon droit humain et légitime. Mais la presse alliée [au pou­voir] de la Turquie a tiré cela encore une fois vers des endroits dif­férents et m’a trans­for­mé dans les médias, en une cible d’une cam­pagne de lyn­chage. Dans ces médias de boues, ces pra­tiques de calom­nies sont dev­enues une tradition.

Il ne faut pas oubli­er que les per­son­nes, avant d’être sportifVEs, médecins, enseignantEs, artistes, admin­is­tra­teur-tri­ces, tra­vailleurs-ses, croy­antEs ou athéeEs, de droite ou de gauche, con­ser­va­teurs-tri­ces ou libéraux etc., sont avant tout des êtres humains. Et ils-elles ont la respon­s­abil­ité de s’ap­pro­prier les valeurs de l’hu­man­ité. Bien que avec mon club Amed­spor, nous ayons rompu notre con­trat d’un accord mutuel, avant la déci­sion de la Fédéra­tion de foot­ball de Turquie, j’ai reçu des lour­des sanc­tions comme jamais dans l’his­toire du Con­seil dis­ci­plinaire du foot­ball pro­fes­sion­nel de Turquie. Ma licence de joueur de foot­ball a été sup­primée, j’ai été inter­dit de foot­ball en Turquie et j’ai reçu des amendes avec des sommes exorbitantes.
Le fait que la fédéra­tion me donne la plus grande sanc­tion de l’his­toire, démon­tre à quel point celle-ci est poli­tique, et porte des préjugés et par­ti pris.

Je sais très bien que la déci­sion est poli­tique. Vos mains poli­tiques, fas­cistes et ensanglan­tées, ont touché comme toute chose, aus­si le foot­ball. En vérité, je ne voudrais pas faire par­tie d’un tel sys­tème de foot­ball tant sali ain­si. De fait, votre déci­sion m’a quelque part soulagé.

Je voudrais que cela se sache que ce genre de sanc­tions et impo­si­tions ne peu­vent m’en­lever mon ambi­tion pour la paix, la lib­erté et patri­ote. Je ne regrette absol­u­ment rien de ce que j’ai fait, et je pense à ce que je n’ai pas pu faire.

La red­di­tion amène à la trahi­son, la résis­tance à la vic­toire. Nous avons résisté à Koç­giri, nous avons résisté à Ağrı, nous avons résisté à Dicle, à Der­sim, à Kobanê, et nous résis­tons à Afrin. Nous avons résisté au Kur­dis­tan, et nous con­tin­uons à résis­ter. Nous vaincrons.

Toute ma vie je me suis tenu droit debout, j’ai défendu ceux et celles qui ont rai­son, et j’ai vécu digne­ment. Quelles que soient les con­séquences, cette atti­tude sera ma philoso­phie de vie, jusqu’à ma mort. Si la mort doit venir, pour ce peu­ple, pour la paix, pour une vie en dig­nité, qu’elle vienne.

Après toutes ces péri­odes prob­lé­ma­tiques,  je ne peux plus retourn­er à Amed­spor et vers mes ter­res. Je laisse au juge­ment de notre peu­ple, toutes les injus­tices, illé­gal­ités et persécutions.
Je remer­cie infin­i­ment le monde d’Amed­spor, nos sup­por­t­eurEs, mes cama­rades foot­balleurs-ses, qui ont été à mes côtés aux mau­vais jours comme aux jours heureux, ain­si que mes amiEs, les êtres pré­cieux de notre peu­ple, qui, surtout après l’a­gres­sion armée récente, m’ont appelé, m’ont soutenu, ont fait des pub­li­ca­tions de sou­tien, partout au monde.

Je reviendrai un jour avec la devise “le coup qui ne tue pas, ren­force” et nous allons tous ensem­ble vivre des jours dans la paix, la sérénité et la lib­erté. Nous réus­sirons. Ceci n’est pas un mes­sage d’adieu mais d’existence.
Tout à côté de mon iden­tité de foot­balleur, je suis aus­si, jusqu’au bout de mes ongles, le petit fils de Sey­it Rıza. Je suis de Der­sim, je suis d’Amed, je suis du KURDISTAN.

Avec tous mes respects.
Deniz Naki


Image à la une : Deniz mon­trant un de ses tatouages. “Azadî”, lib­erté en kurde…

Dec­la­ra­tion by Deniz Naki of Amed­spor Click to read

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