Là, tout n’est qu’or­dre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Ain­si résonne l’in­vi­ta­tion au voy­age, d’un poète français si con­nu. Les oeu­vres de Zehra Doğan voy­a­gent, elles, sans invitation.

Quoi de plus évi­dent pour Zehra, que de savoir que ses créa­tions soient libres, alors qu’elle tra­vaille à oubli­er les murs des geôles où elle résiste, avec ses co-détenues femmes ?
Elle a invité en juin 2017, à la veille de son incar­céra­tion, ses textes et ses œuvres pic­turales à voy­ager, comme un pro­longe­ment en zone libre, d’un com­bat qu’elle pour­suit comme pris­on­nière à la mer­ci d’un pou­voir dis­cré­tion­naire en Turquie.

On lui inter­dit de con­tin­uer à pein­dre, à dessin­er, avec le matériel néces­saire ? Peu importe, elle des­sine et peint avec ce qui lui tombe sous la main, et trans­met son savoir faire autour d’elle.
On lui inter­dit d’être jour­nal­iste ? Peu importe, elle écrit et racon­te l’u­nivers des pris­ons et doc­u­mente la vie de ses co-détenues.
On lui inter­dit d’être elle-même ? Peu lui importe, elle sera Zehra, femme, kurde, artiste et jour­nal­iste, autonome dans la com­mune du quarti­er des femmes poli­tiques de la prison de sécu­rité d’Amed.

Là, tout n’est que résis­tance et communauté,
Lumière, femmes et volonté.

Là, j’en fais peut être trop, et vais m’at­tir­er les foudres de lim­i­tants jar­gonneux qui vont pour­fendre mon dis­cours si peu poli­tique. Un peu “d’Er­doğan dic­ta­teur assas­sin”, que dia­ble ! Qu’est-ce donc là que ce siru­peux dis­cours petit bour­geois sur l’en­fer­me­ment ?

Les murs d’une prison ne s’ef­fon­drent pas sous la force des dis­cours idéologiques. Cela se saurait. Et fein­dre d’avoir la puis­sance d’ou­vrir en grand les grilles et de couper les bar­belés avec la réthorique d’un dis­cours politi­cien n’est pas mon fort. Face à la chair humaine broyée, écrire avec des mots d’hu­mains me paraît utile, dès lors où je tiens en réserve sur ce site, des répons­es aux ques­tions qui ne man­queront pas de sur­gir sur les lèvres…

Zehra Doğan est en prison pour 2 ans, 9 mois et 22 jours, depuis juin 2017, comme d’autres otages du régime turc, por­teurs d’autres chiffres, plus petits ou plus grands, comme d’autres pris­on­nièrEs embar­ras­santes pour le régime… Elles, ils, sont des dizaines de mil­liers d’o­tages, comme sont désor­mais aus­si pris­on­nierEs de la pré­car­ité, de l’ex­clu­sion ou de la peur, à l’ex­térieur des murs, d’autres cen­taines de mil­liers d’opposantEs.
Cette réal­ité là ne se sat­is­fera jamais d’une liste de sig­na­tures bien sen­tie de per­son­nal­ités politi­ci­ennes. Alors, le jar­gon dénon­ci­a­teur, pensez-donc !

Zehra a con­fié ses œuvres au voy­age, sur des murs.

Les voilà un temps réfugiées au cœur d’un livre, qui voy­agera lui au cœur de rayons de librairies, et atten­dra l’avenir, pour par­ler d’un passé proche à celles et ceux qui l’ouvriront.

Les voilà aus­si qui ont affron­té un hiv­er plu­vieux de Bre­tagne, accrochées à des murs de pier­res, sous l’œil des Kor­ri­g­ans. Elles ont embrumés des yeux grands ouverts, le temps d’une vis­ite d’ex­po­si­tion en Pays de Mor­laix, à Ploue­zoc’h. Larmes de colère ou d’im­puis­sance, va savoir…

Elles rejoin­dront les rives de Maine, à Angers, tout jan­vi­er, tout comme elles accom­pa­g­neront des pro­jec­tions de films, ailleurs, dans le sud de la France.

Angers, Tour Saint Aubin, le 11 janvier 2018

Zehra voy­age.

Et les rares moments où le silence des geôles s’im­pose, elle peut penser à ses dessins, ses enfants, qui se don­nent à voir, les yeux grands ouverts, en Europe. Et elle sait qu’ils bous­cu­lent, ques­tion­nent, boule­versent par­fois, mais facili­tent les répons­es aussi.
La com­mu­nauté humaine n’a que faire des dis­cours et des pos­tures, tant préludes à oppres­sions. Mais elle entend la parole, dès lors où elle est intel­li­gi­ble, quelle que soit la langue.
Je défie quiconque de regarder en face “les yeux grands ouverts” sans devoir deman­der “pourquoi”, “com­ment”… Sou­venez vous de l’af­fiche “why ?” qui ouvrit tant de con­sciences à la com­préhen­sion jadis d’une guerre indochinoise…

Les prochaines étapes du voy­age se pré­par­ent. Autour de l’ex­po­si­tion de ses œuvres, on par­lera jour­nal­isme, femmes, oppres­sion, analy­ses poli­tiques de la Turquie et du Kur­dis­tan, et… Avenir et Roja­va. Une étape du voy­age, où elle aura beau­coup à con­fi­er, tant sa parole est collective.

Mon enfant, ma soeur,
Songe à la nécessité
D’aller là-bas la soutenir ensemble !


Eng­lish: Zehra Doğan’s jour­ney beyond the walls Click to read
Español: El via­je de Zehra Dogan, al otro lado del muro Haga clic para leer

Traductions & rédaction par Kedistan. Vous pouvez utiliser, partager les articles et les traductions de Kedistan en précisant la source et en ajoutant un lien afin de respecter le travail des auteur(e)s et traductrices/teurs. Merci.
Kedistan’ın tüm yayınlarını, yazar ve çevirmenlerin emeğine saygı göstererek, kaynak ve link vererek paylaşabilirisiniz. Teşekkürler.
Ji kerema xwere dema hun nivîsên Kedistanê parve dikin, ji bo rêzgirtina maf û keda nivîskar û wergêr, lînk û navê malperê wek çavkanî diyar bikin. Spas.
Translation & writing by Kedistan. You may use and share Kedistan’s articles and translations, specifying the source and adding a link in order to respect the writer(s) and translator(s) work. Thank you.
Daniel Fleury on FacebookDaniel Fleury on Twitter
Daniel Fleury
REDACTION | Auteur
Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…