Un seul vœu pour 2018 : que la journaliste et artiste Zehra Doğan soit libérée. Et comme les vœux ne se réalisent jamais, assis par terre et en levant les yeux au ciel, nous nous bougerons pour cela et vous appellerons à bouger avec nous.
Beaucoup vont nous dire immédiatement qu’il y aurait bien d’autres questions plus importantes, plus décisives, plus collectives… plus… plus. Et en frottant la lampe, appeler le génie pour une seule personne, c’est un peu gaspiller non ?
Evidemment, nous pourrions faire un vœu plus collectif, à portée plus politique… Tiens, par exemple, appeler à un référendum d’indépendance… C’était tendance un peu partout en 2017 non ? C’est vrai, le bon génie s’est un peu planté sur ce coup là, n’en parlons plus. Comme gaspillage, c’était patent en Irak.
Et pour la Fédération nord-Syrie, des vœux ne serviraient à rien non plus. Au Rojava, personne n’attend de cadeau du ciel… ChacunE se mobilise pour avancer, malgré les embûches et menaces permanentes d’après Daech. C’est de soutiens transnationaux dont ils/elles ont besoin, dans les grands marchandages qui vont s’ouvrir en 2018 sur cette partie du Moyen-Orient, et face au régime turc et ses ambitions sur Afrîn.
Pour la Turquie elle-même, et la rigueur de sa situation politique et sociale, adresser des vœux à toutes les résistances ne rendra pas plus optimiste sur l’immédiat. Mais le faire n’est pas inutile. Le talon de fer du régime, même s’il pourrait s’avérer un jour d’Achille, a écrasé et continue à écraser tant de germes d’avenir, qu’il va être difficile d’écarter les murs de pierres des prisons pour toutEs les otages qui y ont été jetéEs. Aucun génie de lampe ne serait à la hauteur de la tâche. Il faudra trouver mieux et faire avec le temps, les contradictions et le poids de l’histoire. Ne nous demandez pas de prévoir le tremblement de terre à Istanbul…
Nous ne parlerons pas de la planète… La lampe est chauffée au rouge.
Alors, faisons un vœu que nous pourrions réaliser, celui de tout faire pour faire libérer ne serait-ce… qu’une seule personne… Parce que si cette libération ne changeait certainement pas la face du monde, elle lui changerait pourtant la vie. Et si les kedi se frottent parfois contre les lampes, il y a longtemps qu’ils ne croient plus aux génies, ni aux maîtres d’ailleurs, pas davantage aux tribuns ou aux Dieux. Alors faisons-le nous mêmes…
Cela a eu ici même quelques effets positifs pour l’écrivaine Aslı Erdoğan non ?
Il est si simple de se réfugier derrière des incantations, des programmes et des sigles, et d’aérer des chiffons à intervalle régulier… Chiffons pour frotter les lampes, bien entendu.
Mais à force de vomir ou miauler sur le monde en général, on finit par ne plus savoir comment tenter de le changer en particulier.
Et pour Zehra, ce particulier est tellement général et collectif, qu’on croirait presque libérer un génie du coup. Oh, un tout petit, seulement grand comme un morceau d’histoire du peuple kurde, et sachant si bien en parler, le dessiner et le peindre.
Mais il ne suffira pas de frotter les murs de pierres de sa prison pour libérer cette femme qui résiste.
Nous doutons nous-mêmes des possibilités de créer les conditions d’une libération anticipée, face aux durcissements successifs du régime, à sa fascisation pour juguler les crises qui ne manqueront pas de surgir.
Un régime nationaliste et bigot dirigé par un homme avide de pouvoir et de puissance, soutenu à la fois par une caste corrompue qu’il a enrichie et une demi population dont il cultive l’ignorance, ne cède pas à une pétition. Il laisse même mourir à petit feu les opposantEs qui le combattent désespérément par des grèves de la faim. Il distille la peur comme d’autres le Rakı. Il se rit aussi des délégations qui se rendent régulièrement aux procès. Il annule et paralyse les critiques par des chantages sur les “migrants” dont il a le secret… Et la dite opposition parlementaire ne fait que lui conserver le vernis démocratique dans le formol kémaliste. Plus de la moitié des véritables opposantEs est en prison ou sous procès pour si’y rendre… Il faudra pourtant continuer inlassablement à s’activer.
Alors, certainEs auraient-ils/elles raison. Devrions nous en Europe nous contenter de dénoncer et de manifester les samedis ? Et si cela ne sert plus à grand chose, au moins cela donnerait bonne conscience… et aérerait les drapeaux. Et, comme si cela ne suffisait pas, nous devrions aussi nous adresser à celles et ceux qui ont fait profession de politiciennEs et leur déléguer nos colères ? Parce que eux ils sauraient faire, et s’ils n’ont pas le pouvoir des génies, au moins sont-ils/elles, dans la lumière des lampes…
Et bien non, les kedi persistent et frottent.
Têtus, nous ferons connaître tout au long de 2018 le combat, la résistance, l’histoire, d’opposantEs, kurdes ou non, femmes et hommes, au travers d’une “porte-desseins”. Nous ferons exposer Zehra, nous ferons lire Zehra, nous ferons connaître au delà, la vie et les luttes de celles et ceux dont elle documente l’histoire, par son métier de journaliste.
Et parce que nous avons adopté le même métier qu’elle, nous ne serons pas libres tant qu’elle restera en prison.
Zehra nous écrivait que les étoiles lui manquaient. Il est peut être temps d’en rallumer et d’envoyer les vœux qui vont avec, juste pour bien commencer 2018.
Prenez une feuille vierge, craft ou canson de préférence, et recopiez seulement ces mots en turc. Mettez sous enveloppe, et affranchissez à 1,30 €.
ATTENTION : Une mesure d’éloignement forcé vient d’être prise par l’Etat turc contre Zehra Doğan. Le 23 octobre 2018, elle a été envoyée dans la sinistre prison de Tarsus (Tarse). LIRE : Turquie • Zehra Doğan déportée avec 20 prisonnières et partagez autour de vous comme sur les réseaux sociaux.
Toute correspondance vers l’ancienne adresse à la prison de Diyarbakır ne retrouvera pas Zehra. Nous communiquons sa nouvelle adresse :
Zehra Doğan C‑3
Tarsus Kadın Kapalı CİK
Alifakı Mahallesi Alifakı sokak
Tarsus – MERSİN
TURKEY
Texte à recopier en turc, avec votre signature :
Sevgili Zehra,
Sana bu dilek mesajını dört duvarlar arasında geçireceğin bir yeni yıl için değil, özgürlükle en kısa zamanda buluşman için yolluyorum.
Chère Zehra,
Ce message de vœux non pas pour une nouvelle année entre quatre murs mais pour que tu renoues vite avec la liberté.
Gardez la traduction pour vous. La prison transmet seules les lettres et cartes écrites en turc.
Et il y aura bien une exposition près de chez-vous en 2018. Peut-être, associations, lieux culturels, vous proposerez-vous d’en organiser une. Toute la logistique se trouve ici. La mise en œuvre vous appartient.
Le Pen International a lui aussi placé Zehra Doğan, parmi les figures emblématiques à soutenir. D’autres lui ont déjà attribué un prix.
C’est un bon début pour réaliser un vœu non ?
Note de Kedistan : Le 24 février 2019, Zehra fut enfin libérée de la prison de Tarsus.
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