Le décret du 24 décembre impose la généralisation d’un uniforme dans les lieux d’incarcération et devant les tribunaux, pour les prisonniers accusés de terrorisme. Voici à ce sujet une déclaration de Selahattin Demirtaş, contre cette ignominie supplémentaire connue sous son appellation en turc “tenue unique”, dans les prisons.
Selahattin Demirtaş, coprésident du HDP, incarcéré dans la prison de type F d’Edirne depuis novembre 2016, a communiqué par l’intermédiaire de ses avocats, une déclaration, le 24 décembre, en réaction au décret à valeur de loi, imposant l’uniforme dans les prisons.
Que personne ne joue davantage avec le feu…
Nous n’accepterons jamais les initiatives du gouvernement pour transformer le fascisme en un régime pérenne, par le biais de l’état d’urgence sans interruption, et le système de gouvernement par décrets. L’indépendance du judiciaire, et les conditions pour être jugé équitablement ayant déjà disparues, avec la tyrannie de la tenue unique, elles sont transformées en véritable état de non droit.
L’imposition de l’uniforme est une lourde violation de la présomption d’innocence, du principe d’égalité et du droit au jugement équitable. C’est aussi l’imposition d’une pratique déshonorante.
Les putchistes porteront ou non l’uniforme, cela nous est indifférent. Mais, nous, nous n’accepterons jamais ce déshonneur qui place des dizaines de milliers de prisonnierEs politiques au même rang que les putschistes.
Dans le cas de figure où on nous donnerait des tenues uniques, nous les déchirerons et les jetterons à la poubelle. Figurez vous que des violeurs portant cravate bénéficieront d’une réduction de peine. Mais des milliers d’enfants du pays, pauvres, travailleurs, dignes, des journalistes, politiques, universitaires, seront forcéEs de porter la tenue unique. Nous, nous sauvegarderons la dignité de notre peuple et nous n’accepterons absolument pas ce despotisme de la tenue unique.
A ceux qui nous rappellent Guantanamo, nous rappelons à notre tour, les résistances des prisons de Diyarbakır, Mamak, Metris, Ümraniye, Ulucanlar. Ici, ce n’est ni l’Amérique, ni Abou Gharib. Que personne ne joue davantage avec le feu.
Nous préférerons plutôt que de nous habiller de la tenue unique, nous vêtir d’un linceul. Nous appelons toute l’opinion publique à agir ensemble devant les oppressions fascisantes, à rester debout, et à s’approprier l’avenir.
1- L’intervention sur le judiciaire doit immédiatement prendre fin, et le droit d’être jugé équitablement doit être assuré pour touTEs les accuséEs.
2- L’état d’urgence doit être levé et tous les décrets à valeur de loi promus sous état d’urgence doivent être retirés.
3- Toutes et tous, excepté celles et ceux qui sont liéEs directement au coup d’état, doivent être renduEs à leur travail.
4- Les tortures et traitement déshonorants qui continuent dans les prison, doivent cesser, et leurs auteurEs doivent être poursuivis.
5- Pour la Paix, au nom du vivre ensemble et des libertés, l’isolement illégal à İmralı1doit prendre fin.
6- Non à l’imposition de la tenue unique et de SEGBIS2.
Dans le cadre de ces revendications et attentes, nous appelons tous les partis politiques dans le Parlement ou à l’extérieur, les organisations de société civile, les organisations corporatistes, syndicats et toute la société de la Turquie, à se rassembler et à élever la voix partout, contre ce fascisme.
Nous, en tant que prisonnierEs politiques prisEs en otage, nous résisterons avec tous les moyens que nous avons, contre des impositions fascisantes. Non pas pour nous mêmes, mais pour la dignité de la société et son avenir lumineux, nous allons prendre le risque, quelque soit le prix à payer, et resterons droit debout.
Selahattin Demirtaş
Edirne Cezaevi
24 décembre 2017
Lorsqu’on comptabilise les articles des derniers décrets de décembre, on ne peut que constater qu’ils constituent un pas supplémentaire pour attiser les tensions et polariser la société turque, en ouvrant encore plus largement les portes à la chasse contre le soit disant terrorisme, et allant jusqu’à le marquer et le stigmatiser dans les prisons et au vu de l’opinion publique.
Ces nouvelles tensions dénotent d’un régime sûr de lui concernant les éventuelles réprobations “démocratiques” à l’extérieur, mais en proie à la précipitation à l’intérieur, face à des divergences purement politiciennes, et un fond économique défavorable en surchauffe. Nous voilà habitués depuis quelques années à l’approche d’échéances, à ce que le chef de l’AKP relance peur, divisions et provocations.
On peut attendre de cette relance du régime AKP une réponse de résistance qui pourrait aller jusqu’à de nouvelles grèves de la faim dans les prisons.
English: Selahattin Demirtaş : “Rather a shroud than the uniform” Click to read