Les 6 et 7 décembre 2017, une nouvelle audience des co-présidentEs du HDP, Selahattin Demirtaş et Figen Yüksekdağ aura lieu en Turquie.
Les précédentes, comme dans beaucoup d’autres procès en cours, avaient été incomplètes ou reportées par l’injustice arbitraire qui règne.
Les Co-présidents du Parti démocratique des Peuples (HDP) Figen Yüksekdağ et Selahattin Demirtaş furent arrêtéEs le 4 novembre 2016, ainsi que 8 autres députéEs du HDP.
En ciblant des membres et responsables éluEs du HDP, la répression de l’Etat turc sous régime AKP vise à détruire une coalition d’opposition bien au delà de la majorité dite “pro-kurde” incarnée par ce parti.
En bâillonnant des députéEs, cette tentative d’élimination politique porte également atteinte à la parité et à la représentation des femmes dans la vie politique de Turquie. Les arrestations ou suspensions de co-maires femmes procèdent de cette même volonté. La dissolution des associations et coopératives de femmes aussi.
Figen Yüksekdağ fut la première députée visée, rappelons-le, et à avoir été privée de son immunité parlementaire, par un vote à l’Assemblée, qui à l’occasion, n’a pas été entravé par le principal parti kémaliste (CHP) non plus.
Citons parmi les éléments d’accusation nombreux qui sont retenus à l’encontre des co-présidentEs :
• Avoir fondé ou dirigé une organisation terroriste
• Faire la promotion d’une organisation terroriste
• Inciter la population à la haine, à la violence et au crime
• Inciter la population à violer la loi
• Avoir participé à des manifestations et des réunions interdites…
L’acte d’accusation comporte 8 dossiers.
La quasi-totalité des dossiers concernent des discours prononcés en tant que dirigeantEs du HDP. Il leur est reproché par exemple,
• d’avoir, dans le cadre de leurs mandats : qualifié de résistance, les manifestations qui ont eu lieu dans les villes kurdes placées sous couvre-feu
• d’avoir soutenu l’autonomie démocratique, alors même que celle-ci est inscrite dans le programme du HDP et n’a jamais été reconnue illégale
• d’avoir qualifié de massacre, la mort de centaines de civils durant les opérations menées par les forces de répression de l’Etat turc.
Rien de plus logique pourtant pour des députéEs et éluEs représentantEs du peuple qui se soucient tout naturellement de la paix et de proposer des alternatives politiques pour y parvenir. Rappelons que durant cette période, l’Etat turc déclarait une guerre tous azimuts pour conforter un pouvoir déstabilisé…
Selahattin Demirtaş fut un candidat aux élections présidentielles hors du cercle habituel. Sa personnalité et son charisme entrèrent également en résonance avec ce que fut le “soulèvement de Gezi”. Il synthétisa à un moment crucial en Turquie une voie démocratique possible, sans populisme, et hors des nationalismes de la turcité, appuyé sur des forces vives. Ce procès se veut l’achèvement de la destruction de cette alternative politique ouverte et plurielle, hier combattue par les bombes et les massacres.
Que le HDP demain n’incarne plus la résistance et un autre avenir, mais un parti politicien électoraliste kurde et minoritaire, est aussi l’objectif à terme du pouvoir AKP et de la concurrence politicienne institutionnelle.
Des délégations internationales vont tenter d’assister aux audiences, si elles se tiennent dans de bonnes conditions.
Ce procès doit être l’occasion, puisque les médias internationaux s’en feront à minima l’écho, de rappeler que ce “génocide politique” a les conséquences que l’on connaît désormais en Turquie : la non représentation de millions d’opposantEs au régime, la dislocation et la dispersion de l’opposition, la peur et l’oppression… qui accompagnent la poursuite des purges.
Le jeu d’opposition politicienne des kémalistes du CHP, repliés sur la défense de la Nation républicaine, et en majeure partie indifférents au sort d’un parti “concurrent” ajoute à la démoralisation. Des minorités ne sont désormais plus protégées non plus, alors qu’elles avaient trouvé des défenseurEs et des soutiens dans le parti HDP. Il en va aussi des LGBTI de Turquie.
Une crise politicienne couve au sein de l’AKP, qui voit des démissions forcées d’élus, ou des oppositions larvées. Cette crise sera accentuée par les procès et auditions en cours aux Etats-Unis, qui plongent leurs racines dans la corruption en Turquie des années 2011/2013 et éclaboussent des dirigeants et le cercle d’Erdoğan. La récente mise en orbite d’une candidate pour les futures Présidentielles et la création du “Iyi Parti” (Bon Parti) est une composante de cette confusion politicienne, et de la course aux électorats de tous bords.
Une alliance kémaliste ultra nationaliste, mais favorable aux milieux d’affaires, alliée à un débauchage aussi bien côté AKP que CHP, pourrait redonner une couleur acceptable et populiste, qui plus est autour d’une femme, à une opposition crédible à Erdoğan.
Dans ce cadre, écraser et bâillonner la seule opposition démocratique de Turquie, la reléguer aux marges, semble être l’objectif de tous.
Ce procès qui va se réouvrir doit être observé sous l’angle de l’avenir de la seule opposition démocratique porteuse d’un projet pour la Turquie, la voie des résistances étant réprimée, emprisonnée et étouffée par le régime.
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Ajout du 5 décembre 2017 :
Article de Roj Info
399 jours après son arrestation, la première audition de Selahattin Demirtas, coprésident du Parti démocratique des peuples (HDP), devrait commencer à Ankara le 7 décembre 2017.
La première audience du coprésident du HDP, Selahattin Demirtaş, devait avoir lieu au palais de justice de Sıhhiye, mais le tribunal l’a transféré dans le hall de la prison de Sincan deux jours avant l’audience pour des raisons de “sécurité”.
Une autre audience de la coprésidente du HDP, Figen Yüksekdağ, avait également été transférée du tribunal de Sıhhiye à Sincan, par la suite Yüksekdağ avait été empêchée d’assister à l’audience après cette décision.
Le lieu d’audience a été modifié après les appels à la solidarité lancés ces deux dernières semaines pour Demirtaş lors de l’audience du 7 décembre.